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Éthique instinctive par Feliciano Flores

Qu’est-ce que l’éthique ? Et la philosophie de la morale ? Est-ce une exigence sociale de bonne conduite ? Est-ce un principe de jugement des pratiques d’un sujet ? Est-ce le respect des « droits humains » ? Est-ce reconnaître l’autre comme un autre légitime ? Est-ce la sagesse en action ? Toutes ces questions procèdent de concepts d’éthique que nous trouvons dans la littérature ou dans le consensus général. Ces concepts, cependant, caractérisent l’éthique comme quelque chose qui vient « de l’extérieur vers l’intérieur ».

 

Je propose une discussion sur l’éthique à partir d’une autre perspective : « de l’intérieur vers l’extérieur ». En partant de la connexion avec la vie qui se manifeste en moi et de la perception de la vie qui se manifeste chez l’autre et dans la nature, je propose de chercher un sens éthique plutôt dans le domaine de « l’instinct de survie » en fondant cette conceptualisation dans la vivencia profonde du principe biocentrique.

 

Qu’est-ce que l’éthique ?

Je suis peu familier avec les spéculations philosophiques. Mon domaine est la biologie et, plus particulièrement, l’étude des fonctions des organismes. J’ai donc une notion plutôt de perception, de compréhension intime de ce qu’est l’éthique. Je me demande donc : qu’est-ce qui me fait sentir un mal-être quand je suis agressif, quand je fais du mal à un autre, que ce soit un être humain, un animal ou un végétal ; quand je méprise le sacré de la vie qui est présent en eux ?

 

Face à mon manque de connaissance philosophique, mais en me basant sur ces questions, j’ai cherché des informations sur les conceptions prédominantes de ce thème pour voir si elles coïncidaient avec ce que je pense ou sens.

 

La première source d’information que j’ai cherchée fut un dictionnaire scolaire qui m’informe que « l’éthique est la science de la morale ». Cette définition m’est apparue confuse car il était assez clair pour moi, dans ma conception, qu’Ethique et Morale étaient deux choses différentes. J’ai toujours entendu, dans des discussions et dans certaines lectures éparses, qu’Ethique vient du grec ethos et signifierait les conduites authentiques assumées à partir de mes vérités intérieures. La Morale, quant à elle, qui vient du latin mos, mores, serait plus en lien avec des conduites exigées par les us, les coutumes, les préjugés et les règles de groupes ou la culture de la société dans laquelle on vit. Ainsi, pour moi, Ethique aurait une origine et un caractère beaucoup plus interne, alors que la Morale aurait une origine et un caractère externe, plutôt de l’extérieur vers l’intérieur.

 

J’ai donc cherché à faire une lecture, bien que superficielle, de certaines œuvres de philosophie, de psychologie, d’anthropologie pour vérifier les conceptions de l’éthique chez certains auteurs.

 

Dans le livre de philosophie de Marilena Chaui (1995), il y a un chapitre intitulé « Ethique ou Philosophie de la morale ». Il a servi à réaffirmer mes doutes….

 

Dans le dictionnaire des termes de psychanalyse de Freud (1978), j’ai trouvé : « Les exigence du Surmoi culturel qui concernent les relations des êtres humains entre eux sont incluses sous le nom d’éthique. » Surmoi culturel… Ne serait-ce pas en lien avec la Morale ?

 

Alain Badiou (2000), philosophe français actuel, cite Kant : « L’éthique est le principe de jugement des pratiques d’un sujet, qu’il soit individuel ou collectif ». Plus loin, Badiou affirme que « l’éthique englobe de façon privilégiée les ‘droits de êtres humains’. L’éthique consiste à se préoccuper de ces droits, de faire en sorte qu’ils soient respectés ». Plus loin encore : « L’éthique se réfère, en grec, à la recherche d’une bonne ‘manière d’être’ ou à la sagesse de l’action. »

 

Je constate donc qu’une incongruence prédomine entre les concepts de ces deux termes.

 

Je me suis rendu compte également que l’existence de « commissions d’éthique », de « conseils d’éthique », « d’éthiques professionnelles », d’exigences de « comportements éthiques » renforce la confusion entre les concepts d’éthique et de morale. Il semble donc que la notion prédominante soit celle de « conformité des conduites pour une bon vivre ensemble ». Etant donné qu’ici, « conformité » signifie « donner forme » et non « être d’accord », la notion prédominante serait de former et de maintenir un comportement adéquat pour être accepté par le groupe auquel on appartient. Le balisage du groupe « de l’extérieur vers l’intérieur » oriente ma conduite qui résulte d’une décision interne « de l’intérieur vers l’extérieur ». Ceci est pour moi la morale.

 

Face à cela, je décide d’assumer le concept d’éthique que j’ai toujours porté en moi et que, pourtant, ne n’avait jamais pris le temps d’examiner. Ainsi, je demande la permission de faire avec vous une réflexion sur l’éthique en tant que « conduite assumée à partir de mes vérités intérieures. »

 

Discuter ici de ce que seraient des « vérités intérieures » amènerait très probablement à dévier de notre thème. Acceptez s’il vous plaît que mes vérités intérieures incluent mes croyances et mes valeurs. Avec celle que je souligne ici, je propose de continuer.

 

Qu’est-ce que la vie ?

Qu’est-ce que je veux dire par vie ?

 

Nous utilisons le mot vie pour différentes significations : c’est l’expérience quotidienne dans le sens de « la vie que les personnes mènent », c’est la durée de l’existence, c’est le comportement de vivre (la vie organisée, la vie indisciplinée, etc.) ou c’est l’identification des propriétés biologiques des dits êtres vivants.

 

La vie, en tant que processus vital, en tant que manifestation au travers des « propriétés biologiques des dits êtres vivants » est un mystère. Beaucoup d’explications furent déjà proposées, beaucoup de théories sur l’origine et le fonctionnement de la vie mais des mystères prédominent.

 

Comment la vie est-elle apparue ? Est-elle est apparue à un moment déterminé ou est-elle éternelle, sans début ni fin, atemporelle ? Est-elle apparue ou s’est-elle manifestée comme expression d’une Vie Cosmique ? Pourquoi est-elle apparue ici sur la Terre ? Les conditions pour sa manifestation étaient-elles indispensables ?

 

La conception de la vie, sa définition ou son explication, ont occupé les réflexions de nombreux penseurs depuis l’origine de la pensée  humaine. Différents philosophes ou chercheurs ont cherché à comprendre et donner une explication sur ce qu’est la vie.

 

Depuis la Grèce antique, où il y avait deux mots pour définir la « vie » (bios et zoé), en passant par les débuts de la naissance des sciences (16ème et 17ème siècles) quand sont apparus les concepts comme « vis vittis » (force vitale) et « propriétés vitales », il y eut beaucoup d’hypothèses pour expliquer ce qui met en mouvement l’être vivant ou ce qui l’ « anime ». Dans la vision grecque, zoé représentait l’essence de la vie alors que bios faisait référence à une vie spécifique avec des contours et des limites établies.

 

De ces idées, je conclus que bios se réfère à la vie organique individuelle, à l’être qui naît, croît, se développe, mature, dégénère et meurt ; à l’être qui, comme tous les êtres vivants sur la terre, présente un cycle vital. Zoé, par contre, signifierait la vie continue qui a surgit et s’est « manifestée » sur la planète terre en prenant une structure basée sur l’atome de carbone et quelques autres éléments (H, O, N, P, S, etc.) et qui ne meurt pas, perpétrant tous les cycles de la vie (bios) des organismes mortels.

 

Plus récemment, entre les siècles 19 et 20, est apparue l’œuvre de Henri Bergson (1859-1941), philosophe français considéré comme un spiritualiste évolutionniste, intitulée «  L’évolution créatrice » (Bergson, 2013).

 

Dans ce travail, Bergson remet en question l’explication finaliste et l’explication mécaniciste de l’évolution, défendues respectivement par la métaphysique traditionnelle (héritée de Leibniz et avant lui d’Aristote qui met l’accent sur les causes finales ou les objectifs) et par la science moderne (héritée de Descartes qui met l’accent sur les causes efficientes, la « causalité » scientifique).

 

Bergson oppose à ces deux positions son propre concept d’élan vital qu’il définit comme une « force qui crée de façon imprévisible des formes toujours plus complexes », une impulsion créatrice d’où surgissent les réalités vivantes.

 

Pour lui, il n’y a aucun plan « prévu », comme dans le cas du finalisme, ni même prévisible comme dans le cas du mécanicisme. Son idée est que l’évolution est imprévisible, que le monde vivant « s’invente constamment » sans que le chemin qu’il trace derrière lui préexiste de quelque forme que ce soit.

 

On observe que Bergson défendait le caractère évolutif de la vie alors que, probablement, on débattait encore sur le livre de Darwin, « L’origine des espèces » publié là même année (1859) de la naissance du philosophe français.

 

Malgré de fortes critiques sur la vision vitaliste de Bergson (Monod, B-H. Lévy et d’autres), il y eut, à  la même époque, une tentative plus « scientifique » pour expliquer une dite « force vitale » qui semblait être présente dans la capacité de certains embryons à se régénérer après avoir été partiellement endommagés.

 

Hans Driesch (1867-1941), biologiste et philosophe allemand, préoccupé que ses observations dans le domaine de l’embryologie ne compromettent les théories mécanicistes de l’ontogénie alors en vigueur, propose que « l’autonomie » de la vie dans le développement embryologique soit due à ce qu’il a appelé l’entéléchie, un terme emprunté de la philosophie d’Aristote pour indiquer une force vitale. Driesch a ainsi suggéré que « l’entéléchie opérerait en agissant sur la régulation du temps des interactions moléculaires de façon à introduire un modèle holistique et coopératif » (Davies, 1999).

 

A cette époque, comme aujourd’hui, il y avait un grand débat entre d’une part les mécanicistes et les finalistes et d’autre part les nommés péjorativement vitalistes. Alors que les premiers cherchaient un appui dans la chimie et dans la physique, expliquant la vie comme le résultat d’une dynamique moléculaire spéciale, les vitalistes défendaient une téléonomie pour la vie et pour l’évolution. Il y avait une espèce de « plan » ou de « chemin » conduisant le développement, que ce soit dans les organismes ou dans le processus phylogénétique.

 

A partir de ces premières idées, beaucoup d’autres connaissances ont été ajoutées par des scientifiques et des philosophes pour façonner une conception sur ce qu’est la vie. Je vais citer, en résumé, les propositions principales :

 

Auto-organisation : à partir des idées développées en cybernétique, la notion est passée par l’embryologie et s’est étendue à tout le système vivant.

 

« Si nous  ne concevons pas le problème de l’être vivant comme un problème d’auto-organisation, nous serons condamnés à la compartimenter en biologie moléculaire, génétique, anatomie, physiologie et éthologie. »

(…) L’idée d’auto-organisation, lancée à la fin des années 50 et qui a donné lieu à trois grands colloques à cette époque, a été presque oubliée au nom d’explications tirées du fonctionnement des machines artificielles qui obéissent à un programme. Le programmatisme génético-moléculaire continue à régner, malgré les antinomies qu’il comporte, mais l’idée d’auto-organisation revient à la surface et ce sont ses développements futurs qui devront permettre d’articuler les sciences biologiques les unes aux autres et ce sont eux également qui réhabiliteront la notion de vie, ensemble de propriétés et de qualités propres aux auto-organisations vivantes. » (Morin, 2014)

 

L’auto-organisation dans un système vivant se distingue d’un système artificiel car elle présente une fiabilité faible de ces constituants mais une grande fiabilité dans ces fonctions d’ensemble (Morin, 2014).

 

Néguentropie : le terme est apparu à partir de l’expression « Elle (la vie) s’alimente de l’entropie négative » qui apparaît dans le livre « Qu’est-ce que la vie ? » écrit par Erwin Schrödinger (1887-1961), prix Nobel de physique en 1933, dans lequel il a essayé d’approcher les processus fondamentaux de la biologie aux sciences physique et chimique (Schrödinger, 1993).

 

La thermodynamique classique considérait que l’univers, en accord avec sa deuxième loi, tendait vers la dégradation thermique, c’est-à-dire vers la mort inévitable du désordre aléatoire. Schrödinger a noté que les systèmes vivants, cependant, sont l’antithèse d’un tel désordre et expriment des niveaux d’ordre créé à partir du désordre. Les systèmes vivants suivent un chemin qui s’éloigne du désordre et de l’équilibre et va en direction de structures hautement organisées qui existent à une certaine distance de l’équilibre.

 

Le terme néguentropie fut proposé par Léon Brillouin (1889-1969), physicien français, pour exprimer d’une forme plus « positive » la dynamique des systèmes vivants.

 

Structures dissipatives : cette théorie fut développée par le scientifique russe Ilya Prigogine, prix Nobel de chimie en 1977, à partir de ses études sur les systèmes physiques et chimiques.

 

Certaines « structures » déterminées comme des tornades ou des vortex qu’on observe dans une baignoire qui évacue l’eau, ont une existence pour ainsi dire « dynamique ». Cette « existence » demeure tant qu’il y a une source qui l’ « alimente ». Une entrée constante permet la formation d’une « structure » alors que la substance s’évacue. Il y a une auto-organisation dynamique, éloignée de l’équilibre ; un « ordre » alors qu’il y a un changement constant. (Voir Capra, 2003)

 

Prigogine a considéré que les structures vivantes, comme des systèmes ouverts, se comportent de la même manière : elles existent d’une façon alors qu’elles sont "alimentées", et "repoussent" ou "dissipent" la tendance au désordre (entropie).

 

Autopoïèse : ce terme fut utilisé par Humberto Maturana et Francisco Varela (1974, 1994), biologistes chiliens, pour caractériser la capacité qu’ont les êtres vivants à se produire eux-mêmes, de s’auto-créer. Pour ces auteurs, les êtres vivants sont des unités autonomes car ils sont capables de spécifier leur propre authenticité, ce qui leur est propre et de personne d’autres. Ce qui les définit comme unités autonomes est leur organisation autopoïétique, c’est-à-dire leur auto-organisation. En tant que systèmes autopoïétiques, les êtres vivants sont capables d’autoconservation (se maintenir vivant), d’autoreproduction (se refaire, se propager) et d’autorégulation (se gérer eux-mêmes), et également de garder avec leur entourage (niche) un couplage structurel.

 

Parallèlement, en complément ou même en appui à ces idées, je dois citer d’autres théories importantes : la théorie de l’évolution de Charles Darwin, l’hypothèse Gaia de James Lovelock, l’écologie profonde d’Arne Naess, la théorie de l’endosymbiose séquentielle de Lynn Margulis.

 

En plus de celles-ci, ont également contribué à une plus grande compréhension de ce qu’est la vie, la théorie des systèmes de Ludwig von Bertalanffy ; la théorie du chaos à partir des idées d’Edward Lorenz ; la théorie de la complexité bien développée et approfondie par Edgar Morin ; les idées de David Bohm sur l’ordre implicite ; la théorie de Holon d’Arthur Koestler ; le paradigme holographique de Karl Pribram. Nous pouvons citer également les études étendues sur la cognition et sur la conscience faites par Maturana, Varela, Damasio, Pinker et Morin, entre autres.

 

Définition de la vie

Dans le livre « Éducation biocentrique : apprentissage viscéral et intégration affective » j’ai résumé les études et les théories citées ci-dessus dans le texte suivant :

« La physique, par les lois de la thermodynamique, affirme que la tendance de l’univers est de se désagréger, d’augmenter l’entropie irréversible, d’un chemin de l’ordre vers le chaos, en direction vers l’inexorable « entropic doom », quand il atteindrait l’équilibre thermique.

La vie, cependant, est un processus organisateur qui tend à augmenter sa complexité en « évitant» l’entropie, en se caractérisant comme une « structure dissipative » et en se maintenant en un état de non équilibre (Prigogine & Stengers, 1991). Pour certains, auteurs, la vie est un processus néguentropique, terme découlant de l’expression « entropie négative » utilisée par Erwin Schrödinger (1887-1961) pour signifier que l’évolution va dans le sens contraire de l’augmentation de la désorganisation qui se produit dans son entourage (Freire-Maia, 1998).

A partir de molécules en désordre, le processus évolutif de la vie a créé des organismes simples qui ont culminé en un être capable d’avoir une conscience de lui-même, l’être humain.

Une fois ce processus vital enclenché, il n’y a eut, jusqu’à aujourd’hui, aucune interruption. Chaque être vivant donne la vie à ses descendants, que ce soit par de simples divisions cellulaires ou au moyen de la rencontre sexuelle incroyable, sage et jouissive.

Chacun de nous, en particulier, est le résultat de millions ou de milliards de rencontres entre paires humaines qui se sont reconnues et très probablement aimées. De chaque rencontre naissent d’autres êtres humains qui à nouveau se rencontrent, s’aiment et donnent une continuité à la procréation d’autres paires, jusqu’à arriver à nos parents. Ceux-ci, à partir de cellules vivantes provenant de leurs corps, ont permis la formation de notre corps vivant. Nous sommes donc biologiquement la continuité, sans interruption, de fusions et multiplications de cellules dont l’origine se perd dans l’origine de la vie sur la terre.

Concernant les rencontres originaires, nous pouvons quasi garantir que, si l’une d’elles – et une seule – n’était pas survenues, nous ne serions certainement pas ici et maintenant.

Nous sommes donc, chacun de nous, le miracle des rencontres qui se sont faites de la manière dont elles se sont faites.

Nous sommes aussi, chacun de nous, formés par un corps, constitué d’un agglomérat de cellules dont le contenu se transmet, sans interruption, de deux corps vers un autre, au travers des générations. Ainsi, grâce à ce réseau de relations qui nous précède, nous sommes tous parents, nous sommes tous frères et sœurs.

Sans prétendre entrer dans le domaine philosophique, nous comprenons que nous existons parce que nous sommes vivants,  nous sommes parce que nous nous rendons compte de la manifestation de la vie en nous. Et la vie en nous est ce que nous pouvons réellement appeler miracle.

 

En assumant que la vie en nous est un miracle de rencontres qui nous ont précédés, nous nous sentons poussés à la révérencier comme la manifestation du sacré. La vie est donc une hiérophanie. » (Flores, 2006).

 

Toutes ces études et théories qui furent citées avaient pour objectif de caractériser les « phénomène de la vie ». Dans nombre d’entre elles on a cherché une « définition à la vie ».

 

Prenons comme un exemple des plus anciens, le médecin et biologiste français François-Xavier Bichat (1771-1802), considéré comme le père de l’histologie et même de la biologie, il disait que « la vie est la somme totale des fonctions qui résistent à la mort. »

 

Si nous cherchons dans un dictionnaire commun, nous trouverons quasi toujours des mots comme propriétés, qualités, fonction de conservation, etc… caractéristiques de ce que nous appelons « êtres vivants ». Un exemple : la vie est un état incessant d’activité fonctionnelle, particulier à la matière organique, animale ou végétale.

 

Ainsi, en général, en tentant de définir la « vie », nous définissons « l’être vivant ».

 

Avant d’essayer de caractériser « l’être vivant », je prends la liberté de suggérer ma définition du « phénomène de la vie » à partir de la lecture de différentes œuvres citées ci-dessus :

 

« La vie est un phénomène d’équilibre dynamique néguentropique présent dans des entités capables d’autopoïèse et d’évolution. »

 

Ou encore :

« La vie est un phénomène dynamique et néguentropique éloigné de l’équilibre présent dans des structures dissipatives capables d’autopoïèse et d’évolution.

 

Qu’est-ce qu’un être vivant ?

En assumant la définition proposée ci-dessus, les êtres vivants sont des entités capables d’autopoïèse et d’évolution. Ils sont donc vivants en « manifestant » des caractéristiques du phénomène vie.

 

Comme nous l’avons vu précédemment, l’autopoïèse caractérise déjà les êtres vivants comme capables d’autoconservation, d’autoreproduction et d’autorégulation. En plus de cela, ils doivent maintenir avec leur entourage (niche) un couplage structurel. En tant que systèmes dynamiques, ils sont en constante évolution structurelle, qui n’existe que tant qu’ils conservent l’organisation qui définit leur identité en tant qu’être vivant.

 

« On entend par organisation les relations qui doivent exister entre les composantes d’un système pour que celui-ci soit reconnu comme membre d’une classe spécifique. On entend par structure les composantes et les relations qui constituent concrètement une unité déterminée et réalisent son organisation (Maturana & Varela, 1994).

 

Ainsi, la structure se compose de la constitution, du matériau qui forme cette entité C’est pour cela qu’un « couplage structurel » est nécessaire. L’être vivant cherche dans le milieu le matériau qui le constitue et rend à celui-ci le résidu de ses processus énergétiques. Ce matériau est constitué, à la base, des éléments chimiques qui servent à la construction du corps vivant : carbone, hydrogène, oxygène, nitrogène, phosphore, soufre, etc.

 

L’organisation est la manière dont ces matériaux s’organisent pour caractériser une entité vivante. D’autres corps inertes peuvent être constitués (structurés) par ces mêmes éléments mais ne présentent pas ce que nous appelons un « processus vital ».

 

L’évolution est définie comme un processus par lequel les espèces se modifient au cours du temps grâce à l’action des mutations et de la sélection naturelle. La théorie de l’évolution fut proposée par Charles Darwin (1809-1882) dans son œuvre « L’origine des espèces », publié en 1859.

 

Les êtres vivants sont considérés comme des « systèmes évolutifs » parce qu’ils se transforment avec le temps, tendant vers l’optimisation. Cette transformation se fait au niveau phylogénétique, tout au long des générations, et au niveau ontogénétique car, à partir d’un œuf, une unique cellule, un embryon apparaît qui se développe jusqu’à former un organisme avec différents tissus, organes et fonctions.

 

Si nous consultions des manuels de biologie, nous trouverions, chez différents auteurs, une série de caractéristiques qui définissent un « être vivant ».

 

Cependant, pour la portée et la profondeur qu’elles contiennent, les propriétés de néguentropie, autopoïèse et évolution sont plus que suffisantes.

 

Parmi les êtres vivants on trouve un type spécial, avec des caractéristiques spéciales qui le distingue des autres : l’être humain.

 

Qu’est-ce qu’un être humain ?

Du point de vue biologique, l’être humain appartient au dit règne animal ou des métazoaires. Pour continuer dans sa classification biologique, c’est un Vertébré, Mammifère,  Primate, Hominidé de l’espèce Homo Sapiens.

 

Cet Homo Sapiens se distingue cependant des autres représentants du règne animal par certaines caractéristiques spéciales comme : la conscience, l’intelligence, la connaissance, les potentiels de vie, l’émotion.

 

Conscience

Considérons ici une définition bien simple pour la conscience en la voyant comme la capacité de perception de soi-même et du monde. Des conceptions plus approfondies, tant du point de vue scientifique que philosophique, peuvent être trouvées dans des œuvres comme celles d’Antonio Damasio, Fritjof Capra, Humberto Maturana et d’autres.

 

Intelligence

L’intelligence également peut être définie de différentes manières.

Nous allons la considérer ici comme la capacité mentale de raisonner, planifier, résoudre des problèmes, abstraire des idées, comprendre des idées et des langages et apprendre.

 

Connaissance

Une notion simpliste, pour ne pas dire simplette, définirait la connaissance comme une accumulation mentale de savoirs ou d’informations.

Ce qui distingue cependant réellement l’être humain des autres animaux est sa « capacité de connaître. »

De larges études approfondies sur ce qu’est « connaître » se trouvent principalement chez Maturana et Varela (1994) et dans différents autres travaux de H. Maturana, Morin (2014) et Piaget (1967).

 

Potentiels de vie

Ces aspects de la nature humaine furent soulignés de façon géniale par Rolando Toro Araneda (1924-2010), créateur du système Biodanza, en tant que caractéristiques à être développées au travers du système qu’il a créé. Ces potentiels sont la vitalité, la sexualité, la créativité, l’affectivité et la transcendance. La définition et la portée de chacun d’eux peuvent se trouver chez Toro (2006).

 

Émotion

Ici aussi nous allons nous retrouver avec beaucoup de définitions et de manières de considérer ce qu’est l’émotion. Nous allons prendre comme concept le suivant : les émotions sont des impulsions d’origine instinctive qui promeuvent des actions d’approche face à des circonstances agréables et de rejet et de fuite face à des situations désagréables. Les principales émotions désagréables sont la rage, la peur, les jalousies, l’angoisse.

Dans le concept d’émotion ci-dessus apparaît une autre caractéristique fondamentale de l’être humain qui est également présente chez les animaux en général : l’instinct.

 

Qu’est-ce que l’instinct

Nous arrivons au thème sur lequel je veux fonder ma proposition initiale.

 

Dans la superbe retranscription faite sur ce thème dans la collection de textes sur la Théorie de la Biodanza, aussi connue sous le nom de Tomes et publiée par l’ancienne Association Latino-Américaine de Biodanza (ALAB) en 1991, Rolando dit :

 

« L’instinct est une conduite innée, héréditaire qui ne demande pas d’apprentissage et qui se déclenche face à des stimuli spécifiques. Sa finalité biologique est l’adaptation au milieu pour la survie de l’espèce. » (Toro, 1991).

 

Comme presque toutes les théoriciens et chercheurs sur l’instinct, Toro met en évidence que sa finalité biologique est la survie de l’espèce.

 

La discussion sur la « finalité » peut être vaste et difficile et nous la laisserons donc de côté. Ce qui importe est la relation étroite entre les conduites innées observées chez les animaux et la recherche constante et laborieuse de maintien et d’intégrité de la vie.

 

Tout indique que l’impulsion de survie naît dans l’instinct de base et que les autres s’organisent autour de lui en étroite relation.

 

L’instinct a été étudié dans différents domaines de connaissance et avec différentes approches. Dans le domaine de la psychologie (W. Wundt, S. Feud, W. McDougall, A. Maslow), dans celle des sciences du comportement (A. Spink, F. Beach, B. Skinner), dans celle de la biologie (J.H. Fabre, I.P.R. Pavlov, R. Winston) et, plus particulièrement dans celle de l’éthologie (N. Tinbergen, K. Lorenz, I. Eibl-Eibesfeldt).

 

Dans le livre « Instinct : an enduring problem in Psychology » (R.C. Birney & R.C. Teevan, 1961), une collection de textes de différents auteurs, furent établis une série de critères qui différencient « instinctif » d’autres types de comportement. Pour être considéré comme instinctif, un comportement doit : a) être automatique ; b) être irrésistible ; c) se passer à un certain point du développement ; d) être déclenché par un événement dans l’environnement ; e) se passer chez tous les membres de l’espèce ; f) être non modifiable ; g) régir le comportement pour lequel l’organisme n’a besoin d’aucun entraînement.

 

Certains critères correspondent à ceux cités par Toro (1991) :

« Caractéristiques des instincts

Les instincts sont :

1.    Innés – Les conduites instinctives se font sans apprentissage, mais se renforcent avec l’expérience. Ils sont une programmation génétique pour la survie

2.    Invariables – Ils ont des lignes fixes et se font toujours sous la même forme et dans la même séquence

3.    Spécifiques – Ils sont partagés par tous les membres de l’espèce et parfois par des espèces proches

4.    Involontaires – Ils sont déclenchés devant un certain type de stimulations externes ou internes, comme des réponses adaptatives

5.    Séquentiels – Ils continuent jusqu’à leur aboutissement, même en l’absence du stimulus qui les a provoqué

6.    Différenciés – ils ont une structure plus complexe que de simples réflexes conditionnés mais la frontière reste imprécise dans le cas de chaînes de réflexes d’une certaine complexité.

7.    Fonction de survie – Ils ont un rôle de survie pour l’individu et pour l’espèce. Tous les instincts s’organisent autour de la conservation de la vie.

8.    Autorégulés – La force de l’impulsion instinctive diminue au fur et à mesure qu’il se satisfait. L’autorégulation des instincts a une base organique. Ainsi il n’y a pas de danger dans sa libération.

 

L’item 7 met en avant la fonction de survie qui  n’est pas cité dans le livre de 1961, tant pour l’individu que pour l’espèce, renforçant le fait que tous les instincts s’organisent autour de la conservation de la vie.

 

Ainsi, les instincts liés aux potentiels de vie définis par Rolando Toro sont en relation intime :

 

Vitalité : instinct de survie biologique avec la fonction de maintenir l’homéostasie ;

 

Sexualité : instinct sexuel, avec la fonction de perpétuation de l’espèce ;

 

Créativité : instinct exploratoire, avec la fonction d’adaptation et d’intégration ;

 

Affectivité : instinct grégaire avec la fonction de coopération, d’intégration et de bienveillance ;

 

Transcendance : instinct de fusion et de dissolution avec la fonction de recherche de l’harmonie.

 

L’instinct de fusion correspond aux caractéristiques spéciales de l’être humain que sont l’impulsion à intégrer des unités toujours plus grandes, la résonance permanente avec l’origine, l’expression de l’identité et le caractère culminant dans l’expérience mystique.

 

Par tout ce qui a été dit ci-dessus, l’instinct de survie nous indique que la vie tend et nous pourrions dire « s’efforce » pour se maintenir, pour continuer à exister. Que ce soit au niveau individuel (o bios des grecs) ou au niveau de l’espèce et de tous les êtres vivants (le zoé grec).

 

Il semble que la vie, une fois « installée » ou « manifestée » sur la planète terre, désire rester et tout faire pour cela.

 

Dans le livre « Biology revisioned » (Harman é Sahtouris, 1998), les auteurs citent aux pages 211 et 212 quelques principes formulés par Margaret Wheatley (1996), qui est curieusement une consultante en marketing et organisations et non une biologiste ou une écologiste, révélant qu’elle a perçu avec profondeur certaines caractéristiques du monde vivant.

 

Je vais citer tous les huit principes mais seulement inclure dans certains d’entre eux les spécificités.

 

1.    Nous vivons dans un monde où la vie désire se passer

Dans ce sens large, la biologie holistique est téléologique. Non qu’elle ait des objectifs fixes ou spécifiques mais la vie créative semble encline à exprimer sa créativité hors de toute mesure et semble faire de cela une finalité.

Nous avons tous été influencés, pendant notre croissance, par le dogme darwinien stipulant que le surgissement de la vie sur terre fut un accident et que l’évolution se compose d’une série d’accidents sans aucun sens et de la « survie du plus adapté ».

La nouvelle conception, beaucoup plus saine et plus juste pour l’existence humaine en tant qu’un tout est celle que la vie désire se passer comme une communauté et nous faisons partie d’elle.

 

2.    Les organisations et les sociétés sont des systèmes vivants

Et les systèmes vivants sont auto-organisés. (…).

 

3.    Nous vivons dans un univers qui est vivant, créatif et qui tente tout le temps de découvrir ce qui est possible

(…)

 

4.    C’est la tendance naturelle de la vie de chercher des niveaux chaque fois plus grands de complexité et de diversité.

La vie cherche à s’affilier avec une autre vie et, au fur et à mesure qu’elle fait cela, elle crée plus de possibilités. Elle cherche à créer des modèles, des structures, une organisation, sans leadership directif planifié à l’avance.

 

5.    La vie utilise le désordre pour chercher des solutions bien organisées

(…)

 

6.    La vie est intention de faire ce qui fonctionne, non ce qui est certain

(…)

 

7.    La vie crée plus de possibilités quand elle saisit les opportunités

(…)

 

8.    La vie s’organise autour de l’identité

(…) La vie s’organise de manière spontanée et créative autour d’un moi : toute vie a cette dimension subjective. La conscience agit en tout, se formant en différents êtres identifiables.

 

La vie veut donc se passer comme une communauté, une pluralité et nous faisons partie d’elle. La vie cherche à « créer plus de vie à partir de la vie », comme le dit Rolando Toro.

 

Nous tous, êtres vivants, animaux ou végétaux, rationnels ou irrationnels, avec une conscience ou quelque chose de semblable, plus présent en nous tous, sommes une vie, somme UN dans la vie !

 

Ainsi, quand nous faisons du bien ou créons des dommages à nous ou à n’importe qui de nos semblables, nous le faisons pour ou contre la vie. Ce qui nous informe, nous oriente, nous conditionne, mais ne dirige pas, dans ces actes en faveur ou contre la vie, c’est notre instinct de survie.

 

Je désire maintenant revenir au thème de ma proposition : l’éthique.

 

Qu’est-ce que l’éthique ?

« L’éthique se manifeste pour nous de manière impérieuse comme une exigence morale. »

« Son aspect impérieux a son origine dans une source intérieure à l’individu qui le ressent dans l’esprit comme l’injonction d’un devoir. Elle provient cependant également d’une source externe : la culture, les croyances, les normes d’une communauté. Il y a certainement aussi une source antérieure, originelle de l’organisation vivante transmise génétiquement. Ces trois sources sont interreliées comme si elles avaient une nappe souterraine en commun (Morin, 2014).

 

Dans mes limites à philosopher, je cherche un appui dans les citations de deux philosophes pour défendre ma proposition initiale d’une éthique instinctive.

 

En premier lieu, le philosophe que j’aimerais citer est Wilhelm Dilthey (1833-1911).

 

Dilthey qui est déjà connu pour nous avoir offert la notion de vivencia (Erlebnis), analyse l’importance des instincts dans son livre « Sistema da ética » (Dilthey 1994). Il affirme que les instincts sont supportés par l’organisation de l’être vivant et qu’ils sont réveillés par les stimuli venant de l’extérieur. Une fois mis en fonctionnement par un stimulus, l’instinct agira en accord avec la nécessité du système fonctionnel auquel il est lié.

 

Plus loin, Dilthey observe qu’il n’est pas possible de se détacher des instincts. Ils peuvent être transformés, limités dans leur action, mais non détruits car ils sont les bases indestructibles de tous les processus volitifs.

 

Au sujet de la transformation et de la limitation des instincts par ce que nous appelons culture, Rolando Toro ajoute également :

 

« Selon l’approche de la Biodanza, la culture bloque, désorganise et pervertit les instincts, créant la pathologie sociale et individuelle. Notre tâche la plus urgente est de restaurer la base instinctive de la vie et de chercher une orientation à ces impulsions primordiales. »

 

« L’apprentissage peut permettre la manifestation des instincts ou, d’autre part, les bloquer, les pervertir ou les désorganiser. Le blocage des instincts consiste à empêcher leurs manifestations : la perversion est le détournement du sens biologique de l’instinct ; la désorganisation est la dissociation chaotique des instincts. » (Toro, 1991).

 

Poursuivons avec Dilthey, il cite l’éthique en accord avec Schleiermacher, accentuant que l’éthique conforme les instincts. Ici, ce n’est pas le sens d’être d’accord mais de donner forme.

 

Les idées de Dilthey sur l’éthique sont assez bien analysées dans le livre « Ethique et compréhension de l’autre l’éthique de Wilhelm Dilthey sur la perspective de la rencontre inter-ethnique » de Ricardo Bins di Napoli(Napoli, 2000) souligne que « le concept central de la philosophie de Dilthey est le concept de vie et c’est pour cela qu’elle doit être considérée comme une philosophie de la vie ».

 

« L’éthique, par conséquent, ne peut être bien comprise qu’à partir de l’idée de vie, parce que la compréhension de « l’autre » avec lequel nous nous relions est la compréhension de la vie de cet autre. »

« La reconnaissance est un des principes importants dans l’éthique de Dilthey. Elle est pertinente parce qu’elle est dans une relation avec les autres principes (bienveillance, intégrité et perfection) et parce qu’elle thématise la relation éthique 'moi' - 'autre'. »

« (…) Dilthey voit dans l’identification (du « moi » avec « l’autre ») la raison pour laquelle l’autre peut devenir la fin ultime de ma volonté comme mon propre moi. » (Napoli, 2000)

 

Dans la philosophie de Dilthey, l’idée de reconnaissance et de compréhension de la vie de cet « autre » (autre légitime, selon Maturana) est accentuée comme fondement pour l’éthique. Il ne pourrait en être autrement car nous ne pouvons que concevoir l’éthique en lien avec l’autre, même si cet autre est moi-même.

 

« L’auto-éthique est avant tout une éthique de soi pour soi qui débouche  naturellement sur une éthique pour l’autre. (Morin, 2014)

 

Deuxièmement, je souhaite amener de manière simplifiée les idées d’un philosophe récent, du début du siècle passé, qui nous présente pour ainsi dire une philosophie de l’autre.

 

Emmanuel Lévinas (1906-1995) est cité par Badiou (2000) comme quelqu’un cherchant à placer l’éthique comme une philosophie première, avant l’ontologie, en mettant l’accent sur une éthique de la différence ou  une éthique de reconnaissance de l’autre.

 

« (…) L’éthique se fonde absolument sur l’identité du sujet, (…). Depuis le début, l’éthique est l’éthique de l’autre, c’est l’ouverture principale pour l’autre, elle subordonne l’identité à la différence. » (Lévinas, 1988, cité par Badiou, 2000).

 

J’aimerais rappeler ici que, en introduisant le concept d’identité, Rolando Toro met en avant :

 

« L’identité ne se manifeste évidement qu’à travers l’autre ».

« Le deuxième paradoxe de l’identité en psychologie est qu’elle ne peut se manifester comme tel autrement que face à l’autre, en se différenciant de l’autre. La mêmeté n’a de sens qu’en lien avec l’autreté. »

« Dans l’émouvante perception de soi-même, dans la saveur inénarrable de se sentir vivant, dans la beauté effrayante d’être unique, je serai toujours présent, avec l’intensité de l’acide sur le métal, la gravure de l’autre, le différent, le fond génital du multiple, de l’altérité. »

« En tant qu’être existant, notre identité est la splendeur d’être avec les autres. »

(Toro, 1991).

 

Ainsi, parmi les idées des deux philosophes cités antérieurement, nous trouvons les positions de Rolando Toro sur « l’identification au travers de la reconnaissance de et pour l’autre ». Ceci est le fondement de l’éthique.

 

Ainsi, si la reconnaissance de l’autre rend notre identité évidente, l’identité de l’autre se manifeste dans notre reconnaissance.

 

Si nous concevons l’éthique comme « une conformation de conduites pour un bon vivre ensemble », il n’y a pas de « bon vivre ensemble » sans la reconnaissance et l’acceptation de l’autre. Et l’acceptation de l’autre ne se limite pas à la tolérance, elle demande de l’amour !

 

Dans un texte publié avec le titre « Mode de vie et culture », Maturana (1999) affirme que l’amour est un phénomène biologique. Il ajoute :

 

« L’histoire évolutive humaine doit être parcourue et est parcourue par une émotion fondamentale qui a rendu possible la cohabitation humaine et cette émotion fondamentale est l’amour ».

«… cette tendance à la récurrence spontanée d’interactions est le fondement du social qui existe dans la dimension de l’amour ».

« … l’amour n’est pas la conséquence du social, mais c’est le contraire. S’il n’y a pas d’amour, si nous ne bougeons pas dans l’amour dans nos rencontres avec les autres, il n’y a pas de phénomène social. »

« … l’amour est le domaine des actions qui constituent l’autre comme un autre légitime en cohabitation avec chacun. »

« L’amour est un mode de conduite relationnel par lequel l’autre surgit comme un autre légitime (comme un autre qui n’a pas besoin de justifier son existence en lien avec nous) en lien de coexistence avec soi-même. »

« … que l’amour a un caractère spécial pour les êtres humains parce qu’il a rendu possible la cohabitation dans laquelle le langage a surgi comme mode de cohabitation,  donné forme à nous être humain. »

« Seul l’amour développe l’intelligence parce que l’amour comme domaine des conduites par lesquelles l’autre émerge comme un autre légitime en coexistence avec nous, nous ouvre la vision et permet d’entrer en collaboration. »

« … nous êtres humains appartenons à une histoire évolutive dans laquelle l’émotion fondamentale est l’amour et non l’agression ou l’indifférence. »

« En notre qualité d’animaux néoténiques, sexués, tendres et sensuels, nous sommes des animaux amoureux qui tombent malades quand nous sommes privés d’amour. »

« Nous savons tous cela et nous savons aussi que l’unique remède est l’amour. »

« L’amour n’a pas besoin d’être appris ; nous pouvons lui permettre d’être ou le nier, mais il n’a pas besoin d’être appris parce qu’il est notre fondement biologique et la base unique pour la conservation de notre qualité humaine… »

« Nous, humains, sommes des animaux amoureux. -… l’amour est la base de notre existence humaine. »

« Parfois notre espèce devrait être appelée Homo sapiens amans… »

 

L’amour est donc l’émotion de base qui permet réellement de reconnaître l’autre.

 

La reconnaissance de l’autre n’est pas seulement parce qu’il est un semblable, de la même espèce. Nous le reconnaissons parce qu’il est un autre « être vivant » comme nous tous. Nous le reconnaissons parce que, instinctivement, nous savons que, en plus d’être bios (vie finie), il fait aussi partie de zoé (vie pérenne).

 

L’éthique de la reconnaissance, par conséquent, chez Dilthey comme chez Lévinas, nous informe que cette reconnaissance est instinctive parce que nécessaire et indispensable à la survie. Parce que cette éthique, pour reprendre les mots de Dilthey, conforme nos instincts en leur donnant la forme intégrée à l’instinct de survie.

 

En conclusion

Considérant tous les arguments et les enseignements des grands penseurs cités ci-dessus, je reviens à ma proposition de discussion initiale :

L’éthique comprise “de l’intérieur vers l’extérieur », celle qui a son origine dans la valeur suprême qu’est la vie, celle qui se fonde sur le principe biocentrique, est une éthique avec des racines instinctives !

 

Avec cette perception, je peux vraiment comprendre le pourquoi de l’expression « Ethique ou Philosophie de la morale » dans le chapitre du livre de CHAUÍ (1995) : penser l’éthique ou percevoir dans notre intimité l’orientation instinctive du « bien vivre ensemble », sentir le besoin amoureux de reconnaitre l’autre comme un autre légitime dans ce vivre ensemble, nous amène à créer, quand cela est nécessaire, des normes de conduite, c’est-à-dire la Morale.

 

« Quand cela est nécessaire » se réfère à ces situations dans lesquelles la culture et/ou l’apprentissage bloque, étouffe, désoriente ou pervertit les instincts de telle sorte que, dans un groupe, la perception de l’éthique interne devient très diffuse. Sans éthique il n’y a pas de vivre ensemble.

 

Dans ce cas, comme  nous ne pouvons pas inhiber l’émotion fondamentale de l’amour, nous sentons le besoin de rétablir le « bon vivre ensemble » sous la forme de normes morales.

 

Ainsi, j’ose conclure que l’éthique est émotionnelle, l’éthique est amoureuse, l’éthique est instinctive !

 

Bibliographie

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BERGSON, Henry – L’évolution créatrice. PUF, 2013

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