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Une perception biocentrique du mouvement humain par Sanclair Lemos


La perception biocentrique est la perception qui surgit de la vivencia du Principe biocentrique, une série de postulats élaborés par Rolando Toro Araneda. En accord avec le Principe biocentrique, la vie est le centre et la référence pour toute l’action et la réflexion de l’individu sur la réalité. En prenant la vie comme référence absolue pour notre vivencia et notre compréhension de notre propre vie et du monde, nous percevons que les êtres vivants se présentent selon une diversité de structure et d’organisation, à partir des organismes les plus simples, unicellulaires, jusqu’à ceux plus complexes. Les mammifères, par exemple, s’expriment en mouvement plus variés, plus riches et plus complexes que les poissons ou les oiseaux.

L’être humain est un organisme extrêmement complexe. Un axe dans le courant évolutif ; l’ « Homo Sapiens » a développé phylogénétiquement des aptitudes et des capacités qui lui permettent une expression raffinée et subtile de lui-même en tant qu’organisme qui présente une organisation psychomotrice et sociale.


L’individu humain, à partir du développement de son potentiel biologique, peut atteindre des niveaux inédits d’intégration et d’optimisation de son système organique et de sa structure et de son organisation internes. Chaque individu porte en lui le potentiel pour la pleine expression de lui-même comme être humain. Nous pouvons exprimer et refléter la totalité de la Nature, percevoir et vivre les rythmes qui s’alternent et se complètent en cycles éternels, sentir la pulsation de l’expansion et le recueillement toujours présent dans l’alternance des jours et des nuits ou dans le mouvement de flux et de reflux des marées. En nous-mêmes, nous sentons la force et la détermination en harmonie avec la légèreté et la douceur.


Les rythmes cosmiques, dans leurs mouvements circulaires et les tourbillonnements en spirale de l’énergie sont présents dans la nature, dans le mouvement des vents, de l’eau, du feu et de la terre. Dans la nature, nous contemplons les mouvements éternels de connexion avec la totalité, présents dans un ruisseau de montagne qui court toujours avec une patience suprême et une fluidité, ou dans la force des vents qui soufflent forts en sculptant les dunes de l’arène blanche, ou dans la douce puissance des vagues de la mer. Ce sont les mouvements de la vie, les mêmes qui s’expriment chez tous les êtres vivants, chez les poissons de toutes les mers, chez les oiseaux du ciel, et chez les mammifères, les chevaux, les tigres et les hommes. L’homme porte en lui le mouvement du monde. Organisme biologique complexe, qui a développé la capacité d’auto-organisation, d’auto-rénovation et d’auto-transcendance, l’être humain peut atteindre des niveaux supérieurs d’intégration et d’expression. Le mouvement de l’être humain exprime sa propre complexité et sa propre intégration dans tous les aspects de la vie. L’être humain existe dans la réalité du monde par son propre mouvement. C’est par le mouvement que va se faire connaître l’identité de tout individu, son élan vital, sa créativité, sa capacité de lien affectif, sa sensualité. Chaque personne a un potentiel infini d’intégration et d’expression qui a besoin d’être stimulé dans différents aspects vivenciels.


Un des aspects fondamentaux dans le processus de développement de l’individu est l’organisation et l’intégration de ses mouvements. L’homme s’est habitué à penser qu’il avait un corps et dit : « mon corps » ou « mon mouvement ». Il n’y a pas de séparation entre l’être et l’organisme qui exprime l’être. Chacun de nous est son propre corps en mouvement. Le mouvement est toujours celui d’un organisme déterminé et ce mouvement peut être intégré ou dissocié. Le mouvement est intégré quand il présente une cohérence avec le sentiment et la pensée qui l’ont créé. Il surgit alors l’unité expressive de l’être, unité composée par le sentiment, par la pensée et par le mouvement. L’intégration présente aussi une cohérence entre penser et agir, entre sentir et penser. Nos mouvements sont, en vérité, l’expression fidèle de ce que nous sommes. Quand pour n’importe quelle raison nous rompons l’unité entre pensée et sentiment, entre pensée et action ou entre sentiment et action, les mouvements de l’individu deviennent tendus, rigides, non coordonnés et dissociés.


Nous pensons donc quelque chose qui est en désaccord avec ce que nous sentons ou faisons, sans connexion avec ce que nous sentons et pensons. Dans ces circonstances, l’organisme et le mouvement, qui est son expression authentique, se rigidifient et se dissocient dans leur expression originale de l’organisme vivant. Nous observons que certaines catégories de mouvement renforcent cette condition générale de désorganisation du corps et du mouvement, comme les pratiques mécaniques basées sur la tension et les répétitions, avec peu ou aucune possibilité d’expression et de créativité. D’autres catégories de mouvement apparaissent comme des mouvements intégrateurs. Ce sont des mouvements qui renforcent les relations ultra-stables de l’organisme et élèvent son niveau d’organisation intra-organique. Ce sont des mouvements propres, expressifs, qui surgissent à partir de la vivencia authentique de l’organisme. L’être humain est celui que son mouvement révèle ; son propre mouvement se révèle comme un moyen pour découvrir de nouveaux états d’intégration et de lien humains. Rolando Toro Araneda, à partir du Principe biocentrique, a créé la Biodanza qui est un système de développement des potentiels humains par la stimulation de lignes d’expression vivencielle, de renforcement de l’identité de l’être et de l’induction d’états de lien.


Et, selon la proposition de la Biodanza, les potentiels de vie de l’être humain se manifestent dans la réalité par cinq canaux d’expressions vivencielles. Ceux-ci sont : vitalité, sexualité, créativité, affectivité et transcendance. La ligne de vivencia de vitalité est liée avec la capacité vitale de l’organisme, avec la vivencia pleine d’être et d’exister, en santé, le travail et le repos, avec l’élan vital.


Le mouvement est l’expression de cette impulsion ou élan vital ; le mouvement qui nous anime est le mouvement de sa propre vie dans notre organisme. Mouvement, Facteur d’évolution, le mouvement humain présente une double caractéristique. Il est la forme de base et primordiale par laquelle l’être humain se révèle et se présente au monde, comme un être en évolution. L’être humain, comme nous l’avons dit plus haut, est un axe dans une chaîne évolutive infinie d’expression de vie chaque fois plus pleine, plus complexe et plus différenciée. Dans son autre caractéristique, le mouvement de l’être, en configurant son être-ici-maintenant dans la vivencia de vie, est le même facteur d’évolution et de développement. Le développement de la motricité et du mouvement est à la base le développement globale de l’enfant. Dans l’aspect cognitif, les schémas mentaux qui se combinent pour la formation d’images mentales et de la pensée ont leur origine dans la recherche, faite par l’enfant, de l’appréhension de son monde par le mouvement, des ses besoins de base et d’un sens aigu d’exploration de l’environnement où il se trouve. La première intelligence de l’enfant, antérieure à n’importe quelle élaboration d’ordre opératoire, est une intelligence fondée sur les sensations et sur la motricité.


Le mouvement s’exprime comme facteur stimulateur et organisateur du développement de la pensée de l’enfant.


L’organisme humain perçoit le monde par ses systèmes perceptifs et analytiques. Les organes responsables de la perception ont besoin, comme tous les organes, de stimulations pour leur fonctionnement plein et adéquat.


Au contraire de ce qui se pense habituellement, dans la mesure où le système vivant humain reste actif, plus il sera apte à l’activité. Ce sont les propres expériences perceptives d’ordre varié qui enrichissent et stimulent le développement et l’organisation des structures responsables de la perception. C’est par le mouvement que l’enfant cherche de nouvelles stimulations et exerce de nouvelles possibilités perceptives et motrices. Avec l’évolution, de l’espace d’action manipulatoire à l’espace d’action locomoteur, l’expérience perceptive de l’enfant s’enrichit et s’amplifie par ses activités exploratoires et créatives. C’est sa capacité raffinée de bouger dans l’environnement qui lui permet de percevoir ce même environnement de façon ample et complexe. Le mouvement perceptif-expressif intègre et enrichit les possibilités de l’organisme qui se perçoit et perçoit le monde, en agissant et en modifiant ce monde, et en se modifiant lui-même dans ce processus. Pour cette raison, les méthodes utilisées pour l’enseignement et l’apprentissage du mouvement doivent se tourner ver la stimulation des potentiels de l’enfant et de l’adulte, doivent valoriser l’auto-découverte, l’expression de la créativité, doivent promouvoir l’acceptation et la stimulation des formes individuelles de réponse et d’expression. Et doivent être orienté vers le principe ludique et de plaisir, en se rappelant également que l’amitié et l’affect – en plus de la joie – sont des émotions médiatrices fondamentales dans le processus d’apprentissage orienté vers le développement, et que la qualité de la relation qui s’établit entre facilitateur et élève est celle qui va vraiment permettre ou empêcher que se produise un processus d’apprentissage significatif pour tous ceux qui participent à la relation éducative, qu’ils soient facilitateurs ou élèves.


Nous avons besoin de nous éloigner des méthodologies dualistes qui séparent le mental du corps, de propositions analytiques qui divisent l’organisme et le mouvement en parties avec l’intention de comprendre le tout à partir de la séparation des parties ; des méthodes mécaniques qui cherche l’ « apprentissage » par la répétition mécanisée du mouvement. Le processus de répétition du mouvement, en n’étant pas établi par une signification interne propre à l’élève, amène seulement au conditionnement perceptif et au stéréotype, si présent dans le corps et le mouvement de ceux qui se soumettent à ces méthodes d’apprentissage ou d’entraînement. Les méthodologies analytiques ou mécaniques ne s’intéressent pas aux aspects individuels des personnes, à leurs possibilités et leur condition actuelle de développement. Ce qui les intéresse c’est la forme du mouvement donné par le professeur, et le nombre de fois qu’il doit être répété, de la même façon, comme dans une ligne de montage de futurs robots incapables de donner une réponse propre et originale à un problème moteur. La mécanisation rigidifie l’organisme et annule sa sensibilité, sa perception et sa créativité. Nous avons besoins de nous approcher de méthodologies organiques et biocentriques qui cherchent à stimuler le potentiel expressif et créatif des personnes, en les encourageant à découvrir leur propre mouvement et leur façon particulière d’être dans le monde ; des approches pédagogiques qui visent la joie et le plaisir d’apprendre, où l’objectif est d’accompagner la trajectoire des personnes, en stimulant l’apparition d’un état de disponibilité organique et motrice, et d’intégration de l’unité interne des enfants, des adultes, des hommes et des femmes.

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