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Photo du rédacteurBiodanza-Paula

Rolando Toro raconte la Biodanza


Biodanza : le mouvement qui guérit


De quelle façon tes expériences professionnelles avec les malades psychiatriques ont influencé la création de la Biodanza ?

Dans les premières années de mon activité professionnelle, j’ai travaillé dans le domaine sanitaire, je m’occupais d’anthropologie médicale. Mon travail dans les hôpitaux psychiatrique consistait à donner des médicaments. Déjà à ce moment-là, je m’aperçus de comment la musique et le mouvement pouvaient avoir un effet thérapeutique sur les malades et j’ai donc commencé à les utiliser dans des expériences. Ceux qui en tiraient le plus de bénéfices étaient ceux qui souffraient de dépression, déjà après quelques séances ils changeraient complètement d’état d’âme. Dans ce temps-là, on n’avait pas encore affiné la technique de l’utilisation de la musique et il arriva donc, d’une part que, déjà après la première session, les hallucinations disparaissaient, on enregistrait après chaque rencontre de Biodanza une augmentation constante de cas de délire. Plus exactement, alors que les exercices qui stimulaient la vitalité, le rythme et une certaine euphorie amenaient à une diminution de la manifestation des délires et des hallucinations, les exercices, au contraire, qui amenaient tranquillité et sérénité les augmentaient. Après ces premières expériences, il me fut évident que pour éviter de tels inconvénients, je devais choisir des groupes d’exercices et des morceaux de musiques. Ainsi, une fois structuré le travail, j’ai commencé à y introduire aussi les infirmières, les médecins et les étudiants en médecine. Cela s’est peu à peu diffusé dans toute l’université.


A combien de temps remontent ces expériences ?

Mes expériences se sont développées pendant environ huit mois. Ensuite, le coup d’état militaire de Pinochet en 1973, j’ai perdu toutes les quatre chaires que j’avais à l’université et je fus contraint à m’expatrier, d’abord en Argentine puis au Brésil. C’est au Brésil que je fus contacté par un couple d’italiens qui m’ont invité à amener la Biodanza en Italie où j’ai travaillé pendant environ huit ans.


Peux-tu mieux expliquer sur quels principes se base la Biodanza ?

La Biodanza se base sur le principe biocentrique. On peut la définir comme un système qui concerne tout ce qui est vivant et la vie humaine en premier lieu. Elle concerne ainsi tout le monde : les nouveaux nés, les enfants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées. Elle concerne autant les malades que les personnes en bonne santé. Je dis que la Biodanza concerne tout le monde parce qu’il s’agit d’un type de travail qui va stimuler le système régulateur de sa totalité. On ne s’intéresse pas à intervenir au niveau d’un seul organe ou d’une seule pathologie, mais va améliorer dans sa complexité le fonctionnement du système nerveux, du système immunitaire et du système endocrinien. Il n’est pas rare que ceux qui souffrent de maux de tête, d’ulcère duodénal ou d’autres types de troubles de nature psychosomatique, ressentent des améliorations concrètes avec la pratique de la Biodanza. Bien-sûr, selon l’état de santé et l’âge, des types d’exercices différents seront proposés. La Biodanza qui se fait avec les enfants est différente que celles qui se fait avec les adultes, et les exercices indiqués pour des individus sains sont différents que ceux nécessaires aux personnes qui souffrent d’une pathologie spécifique.

Plus exactement ?

La Biodanza cherche à stimuler cinq grandes potentialités : la vitalité dont dépend le plaisir de vivre ; la sexualité qui stimule le désir de fusion, de plaisir et d’amour, même la fusion génitale (il y a de nombreux cas d’amélioration de la fertilité grâce à l’action positive de la Biodanza sur le système endocrinien) ; la créativité qui est la capacité d’amener de la nouveauté dans sa propre existence, mais aussi dans le domaine artistique et plus généralement dans la vie professionnelle ; l’affectivité entendue comme la capacité de communiquer au niveau affectif avec son propre partenaire, mais aussi avec toutes les personnes avec lesquelles on est en relation (l’affectivité est un des potentiels qui émerge avec le plus de force suite au travail avec la Biodanza) ; la transcendance, non dans le sens de la vie après la mort, mais la transcendance de l’égo (dans le sens de se donner la permission d’entrer dans l’âme de l’autre par l’empathie).

Ces potentialités sont stimulées par la Biodanza grâce aux exercices et à des morceaux de musique spécifiques. Pour stimuler la joie de vivre, on n’utilise pas bien-sûr la marche funèbre de Beethoven, ni une marche militaire. De même, quand on travaille sur l’affectivité, on ne peut utiliser une musique violente, mais des morceaux évoquant une atmosphère romantique et affective seront plus indiqués.


Concrètement, quels sont les avantages assurés par la Biodanza ?

En stimulant les cinq potentialités dont je parlais précédemment, la Biodanza donne à chacun ce dont il a besoin : joie, créativité, affection, tendresse, transcendance…, ce sont des besoins fondamentaux et universels. C’est justement dans la capacité à stimuler ces potentialités et à donner une réponse à ces besoins universaux que réside le secret du succès de la Biodanza dans différents pays du monde. Un succès qui survient sans grand travail de promotion et de publicité : de l’Europe à l’Amérique du Sud, des États-Unis au Japon.


Peux-tu mieux expliquer le principe biocentrique ?

Le principe biocentrique est le fondement de la vie, le principe autour duquel, pour la Biodanza, la vie tourne : économie, politique, sciences, lois, éducation, médecine, tout doit tourner autour de ce principe. Ce fondement se manifeste chez l’homme par l’instinct. Aujourd’hui cependant on a très peur de l’instinct, notre culture est contre l’instinct. Un exemple très concret de comment notre culture nie l’instinct est la guerre. Ceux qui vont à la guerre vont contre l’instinct de conservation qui est une des formes les plus fortes de l’instinct. L’instinct de nid, d’avoir une maison se désagrège aussi aujourd’hui à cause de l’individualisme qui se répand ; également l’instinct de solidarité intra-espèce. L’homme est l’unique espèce qui tue ses semblables. Pour mieux expliquer comment on est arrivé à cette négation de l’instinct, cela vaut la peine de donner un exemple. Quand un homme sent une forte attraction vers une femme, il ne se jette pas sur elle. Ce qui se passe c’est que le cortex cérébral suggère des stratégies socialement acceptables pour la conquérir. Ainsi, l’homme cherchera à trouver la façon d’entrer en conversation avec la femme dont il est attiré, il l’invitera à boire quelque chose et ainsi de suite. Tous les instincts peuvent être modulés socialement et cette modulation est souvent nécessaire et souhaitable. Avec le temps, cependant, cette capacité du cortex cérébral à moduler les instincts s’est transformée en répression. C’est justement là que travaille la Biodanza, à donner l’importance juste aux instincts et à restituer à l’individu la juste mesure de la fonction de modulation en surmontant la répression.


J’imagine que la Biodanza s’exprime différemment selon les pays. Quels sont les principales différences ?

J’ai déjà dit que la Biodanza travaille sur les besoins universaux. Au-delà des diversités culturelles, raciales et économiques, nous désirons tous de l’affection, de la joie, de la créativité, de la transcendance. Depuis quelques temps, la Biodanza s’est également diffusée au Japon. Culturellement, les japonais sont habitués à avoir une certaine distance physique, mais aujourd’hui au Japon également, dans l’école de Biodanza, on peut voir des groupes de quarante, soixante personnes qui s’enlacent sans problème. Au Mexique, j’ai noté un autre type de difficulté. Les personnes sont très affectueuses mais ont de la peine à se regarder dans les yeux. Avec la Biodanza, nous avons aussi réussi à surmonter ce tabou. Dans d’autres pays, comme par exemple le Chili, il y a une grande répression sexuelle. Ce que fait la Biodanza, c’est surmonter les barrières et donner à chacun la possibilité de manifester sa propre vitalité.


Au début de l’entretien tu as mentionné le travail avec les enfants, peux-tu mieux expliquer en quoi il consiste ?

Oui, un domaine d’intervention très intéressant de la Biodanza est l’éducation affective des enfants. L’idée est que dans le monde d’aujourd’hui, il y a beaucoup d’agressivité : dans les jeux, dans la rue, dans les villes, dans les familles, à l’école, dans la société. Cette agressivité a créé depuis des siècles des millions de morts. Nous faisons tant d’effort aujourd’hui pour éliminer la violence et l’agressivité dans la société. De nombreux pays comme l’Italie ont écrit dans leur constitution qu’ils refusaient la guerre comme résolutions des conflits internationaux. En somme, oralement, nous sommes tous d’accord pour la paix, mais ceci ne semble pas réduire la violence dans ses différentes expressions.

Pourquoi ? A mon avis, tout ceci dépend du fait que le mal est dans l’individu. Et ceci est un problème lié à l’évolution. L’évolution biologique demande des millions d’années, l’évolution culturelle par contre est très rapide. Mon idée est que tant que nous ne réussirons pas à modifier certains mécanismes de la psyché de l’espèce humaine dans sa totalité, en mettant au centre de toutes les valeurs le respect absolu de la vie, il n’y aura pas de solutions à la guerre et à la violence quotidienne. Voilà pourquoi une méthodologie capable de réorganiser le domaine de l’affectivité devient nécessaire. Je suis convaincu que ce n’est que quand nous arriverons à modifier la façon de vivre l’affectivité, que nous pourrons arriver à la paix. Nous devons réapprendre à sentir du respect pour la vie de l’autre. L’éducation affective des enfants a justement cet objectif. Éduquer les hommes du futur à avoir du respect pour la vie, dans toutes ses expressions.

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