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Phénoménologie et corporéité par Terezinha Flores

La contribution de la phénoménologie pour le référentiel théorique de la Biodanza est très significative. Non seulement parce que la phénoménologie donne les bases à la méthodologie de la Biodanza, mais parce qu’elle aborde aussi les relations entre la corporéité et la vivencia.

On a l’habitude d’établir en tant qu’experts de la phénoménologie, le triangle Dilthey, Husserl et Merleau-Ponty. Le premier a développé la notion de vision du monde (Weltanchauung) et il y a proposé le concept de vivencia (Erlebnis) ; le deuxième a élaboré les éléments pour une phénoménologie de la connaissance, spécifiant les bases de la méthode phénoménologique ; spécialement la notion de « épochè » (suspension, entre parenthèse). Le troisième a établi les relations entre la corporéité et l’esprit (dans l’œuvre : L’œil et l’esprit).


Wilhelm Dilthey (1833-1911), en partant de la relativisation des valeurs, soutient que celles-ci acquièrent une signification et des contenus différents dans différents moments historiques.

Faire l’Histoire signifie « expérimenter comme une connaissance et une vivencia les faits enregistrés ». Tous les événements et/ou vivencia « se trouvent en relation réciproque, de telle sorte que la présence de l’un est impliquée par les autres, et ainsi se crée la variation. »

La captation de ces processus est appelée par Dilthey « Weltanschauung » (vision du monde) ; c’est l’organisation d’un monde d’états d’âme, d’émotions, d’enthousiasme, de craintes, provoqués par l’être humain inséré dans les faits de l’Histoire (par exemple : une guerre, la révolution industrielle, etc.).


La continuité du relativisme de Dilthey a existé par la phénoménologie de Husserl. Edmund Husserl (1859-1938) a élaboré la relation entre sensibilité et compréhension. Il a placé dans l’INTUITION (sensible et catégorielle) la possibilité de fonder (instituer) de telles relations. La

« compréhension » purement intuitive de l’ « essence » fut le fondement des premières ébauches phénoménologiques.


Tout d’abord, ce que Husserl a cherché était de « clarifier l’origine des significations » et cela avait comme fondement l’ « essence intentionnelle des actes correspondants ». La relation entre l’intention de signification et l’accomplissement de la signification (traditionnellement, entre concept et pensée) fut pour Husserl la boussole qui a orienté « toutes les relations se référant à l’unité de la connaissance ». Il s’est donc obligé à entrer dans la « phénoménologie des degrés de connaissance » pour pénétrer dans ce qui était plus original, plus important : les différentes sortes d’intuition et leurs relation avec la signification. Il a ainsi cherché une « élucidation des concepts de possibilité et d’impossibilité ».


En adoptant une méthode rigoureuse, propre à la phénoménologie, Husserl est parti de cette question : En quel acte réside la signification ? Pour répondre à la question – par exemple : « ceci est noir, c’est un oiseau noir, volant, etc. » - il a établi des jugements de perception dans lesquels l’énoncé exprime ce qui est donné à percevoir (POSSIBILITE). Ainsi, cela l’a amené à affirmer que « exprimer une perception n’est pas de la compétence des mots prononcés mais de certains actes expressifs » car la perception, en tant qu’acte, détermine mais ne raconte pas le signifié. La perception réalise la POSSIBILITE de dédoublement de l’intuition. Il y a cependant une multiplicité de représentations qui peuvent signifier (ou donner une signification) à un acte. « La perception est un acte qui détermine la signification, sans nécessairement la contenir ».

Husserl donne un exemple : « La capitale de l’Espagne est Madrid. Celui qui ne connaît pas la cité de Madrid acquiert la connaissance que c’est la capitale de l’Espagne, mais il devra aller à Madrid (vivencia) pour appréhender la signification, la perception de l’acte ».


Pour nous qui vivons la méthode phénoménologique en Biodanza, ces fondements théoriques sont très significatifs. Déjà dans la question de la CONSIGNE nous comprenons ces relations. Le mot dit déjà qu’il y a une « participation dans la signification » de ce que nous proposons de vivre, du moment que nous l’ayons déjà vécu avant ! La consigne allume (déflagre) des POSSIBILITES que, seul celui qui entre dans la vivencia, va arriver à remplir de signification cette possibilité. Ceci étant, ce n’est aussi que la méthode phénoménologique qui servira comme appui pour l’intimité verbale (exposé des vivencias) au début d’une session de Biodanza.

Merleau-Ponty (1908-1961) va examiner plus profondément les relations entre corporéité et esprit : « Ce que j’essaye de traduire est plus mystérieux ; cela s’emmêle dans les racines propres de l’être, dans la source impalpable des sensations » (J. Gasquet).


Dans « L’œil et l’esprit » Ponty a cherché à entrer dans ce mystère des racines de l’être en commençant par une critique de la science classique qui manipule la transcendance chaque fois qu’elle n’arrive pas à pénétrer dans l’ « opacité du monde ».


Pour arriver à y entrer, Ponty a eu recours à l’esthétique et plus spécifiquement à la peinture.

« Le peintre utilise son corps » - dit Paul Valéry. Et Ponty ajoute : « Et avec raison, on ne voit pas comment un esprit pourrait peindre ». Et moi, Flores je rajoute : « Un esprit ne peut peindre qu’au travers de son corps » (psychopeinture).


Revenons à Ponty, il continue : « Mon corps bouge dans un monde visible, non dans ce monde opaque de la science classique. Que serait la vie sans mouvement des yeux sur un monde visible ? Ce monde visible, comme le temps, voyant et visible ; regarde et est regardé ; se voit voyant, se touche palpant, il est visible et sensible par lui-même ».


Ce premier paradoxe ne cessera pas d’en produire d’autres. Les personnes, les choses et tout ce qui entoure le corps sont des prolongations de soi-même. « Le monde est fait du tissu propre (la condition propre) au corps ». Ainsi, pour Ponty, il est difficile d’établir des limites entre subjectivité et objectivité. « La nature est à l’intérieur » – dit Cézanne. Qualité, lumière, couleur, profondeur, qui sont là devant nous, ne le sont que parce qu’ils éveillent « un écho dans notre corps », parce que celui-ci les accueille.


Ce n’est pas que la vision qui est en jeu, sinon qu’en serait-il des aveugles ? « Les aveugles – dit Descartes – voient avec les mains » et moi, Flores, je dis qu’ils voient avec l’odorat, le goût et l’intuition…


Ainsi, avec Ponty, nous parlons d’ACTE, comme le faisaient déjà Husserl et Dilthey. Dans l’acte, il n’y a pas seulement l’OBJET (du latin : ob-jectum = placé au devant de). L’acte signifie, englobe en lui-même, objectivité – subjectivité dans un ensemble. Ponty affirme que « nous sommes exemptés de comprendre comment les peintures des choses du corps pourraient faire sentir celles de l’âme », car ce serait une tâche impossible.


En Biodanza, nous dirions qu’il serait impossible de comprendre, dans un acte purement cognitif, le corps sensible, ému, touché, regardé. Pourtant, tous seraient des possibilités de vivencia. L’œil voit, le corps bouge, l’âme, l’essence, le soi-même vit (vivencie).


Telle est la synthèse d’une phénoménologie de la corporéité. Telle est la synthèse de l’intuition extraordinaire de Rolando Toro Araneda, créateur de la Biodanza.


Bibliographie consultée

Husserl, Edmund, Recherches logiques. Presse Universitaire de France, 2003

Merleau-Ponty, M., L’œil et l’esprit. Folios Essais, 1985

Amaral, Maria Nazaré de C.P., Dilthey, un concepto de vida y una filosofia. Perspectiva/EDUSP,

1987

Dilthey, W. Esencia de la filosofia. Presencia, s.d.

Dilthey, W. Teoría de la concepción del mundo. Fondo de Cultura Económica, 1978

Sciacca, M.F., Historia de la Filosofía. Miracle, 1958

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