Le Principe biocentrique que j’ai formulé en 1970 s’inspire de la pensée d’un univers organisé en fonction de la vie. Ceci veut dire que la vie est une condition essentielle dans la genèse de l’univers. La vie serait, selon cette approche, un projet-force qui conduit, à travers des millions d’années, l’évolution du cosmos.
Différents scientifiques pensent l’inverse, soit que la vie est le résultat occasionnel de la combinaison d’éléments atomiques ; cette approche semble ingénue. La possibilité qu’un organisme vivant se génère à partir de la combinaison fortuite d’éléments, sans une matrice organisationnelle préalable, est impensable. Même pas en millions d’années le hasard pourrait combiner efficacement les éléments atomiques pour créer un organisme, même s’il était très simple.
Les relations de transformation matière-énergie sont évolutives et ont différents niveaux d’intégration de la vie. La matière-énergie ne peut que générer un organisme vivant quand la poussière cosmique obéit à une matrice d’organisation préalable.
Tout ce qui existe, éléments, étoiles, plantes, animaux et êtres humains, sont des composants d’un « système vivant plus grand ». « L’univers existe parce que la vie existe » et non « la vie existe parce que l’univers existe ». L’évolution de l’univers est, en réalité, l’évolution de la vie et culmine dans le phénomène de la conscience.
Teilhard de Chardin propose que l’univers suive un programme téléonomique dirigé vers le « Point Oméga », un état suprême de perfection. Cette idée a été très controversée car elle représente une limite dans la conception d’un programme cosmique.
D’éminents scientifiques comme Paul Davies[1], Carl Sagan[2], Fred Hoyle[3], Leo Villaverde[4] sont arrivés à la conclusion que l’univers est un gigantesque hologramme vivant.
Le cosmologue Christian de Duve[5], prix Nobel de Physique, dans son œuvre « Poussière de vie » pose « la vie comme un impératif cosmique ».
Ilya Prigogine[6], prix Nobel de Physique, a développé la « Théorie du Chaos », soutenant que les processus que génèrent la vie commencent dans les « zones dissipatives », éloignées des systèmes de l’ordre.
Les zones dissipatives sont les conditions de fluidité et de dynamisme qui facilitent les processus d’organisation (ce processus dépend des conduites initiales), elles sont aussi l’expression de matrices de vie préexistantes.
Je pense que la vie est un « attracteur biologique » au milieu du chaos cosmique. Le concept d’ « attracteur », décrit par J. R. Newman dans la Théorie du Chaos, se réfère à une force étrange qui apparait dans certains systèmes dynamique et qui a le pouvoir d’organiser les éléments. Un système donné peut avoir différents attracteurs, chacun desquels a son propre bassin d’attraction dans l’espace.
Le règne de la vie englobe tout ce qui existe, des neutrinos aux quasars, des pierres aux pensées les plus subtiles. Toute expression, tout mouvement, toute danse est un « acte vivant ».
La déconnexion des hommes de la matrice cosmique de la vie a généré, au cours de l’histoire, des formes culturelles destructrices. Les dissociations corps-âme et homme-nature ont conduit à la profonde crise dans laquelle nous vivons. Quand nous prenons conscience de ce que signifie le « miracle de la vie » qui nous anime, se révèle en nous un sentiment absolu de valorisation de l’existence.
Si nous prenons comme point de départ les propositions intrinsèques qui surgissent de l’acte de vivre et de la communion avec les êtres vivants, nous devons catégoriquement abandonner n’importe quel type de fondement culturel basé sur l’argent et l’assassinat, comme par exemple tout le délire juridique de l’Orient et de l’Occident, avec leurs codes et leurs tribunaux de justice basés sur des idéologies et non sur la vie ; les guerres également sont l’expression de cette psychose collective qui nie la sacralité de la vie.
Le Principe biocentrique met le respect de la vie comme centre et point de départ de toutes les disciplines et comportements humains ; il rétablit la notion de sacralité de la vie. La culture devra être organisée en fonction de la vie ; nos formes culturelles sont anti-vie.
La nouvelle science unifiée de la vie se base sur la fusion de toutes les disciplines du savoir : physique, chimique, biologique, psychologique, sociologique, éthologique, etc. Les phénomènes supérieurs de l’esprit comme l’apprentissage, la fonction créative, l’affectivité et la conscience doivent être inclues dans cette vison réelle du phénomène de la vie.
Zibnov Wollkovsky[7] affirme que les organismes vivants sont des champs énergétiques de grande complexité et son étude doit toucher non seulement l’ensemble des processus chimiques et atomiques, mais toutes les manifestations de vie dans une vision d’ensemble.
Notre approche épistémologique part de la perception de l’ « Unité Suprême de la Vie », dans un programme impliqué qui guide la construction de l’univers.
Je partage totalement l’approche de David Bohm[8] qui affirme : « Les données réelles de la science non seulement un sens que sur un certain type de fondement impliqué ou transcendantal, sous-jacent aux données explicites ».
La perception de l’ « Unité Suprême », expérimentée par les mystiques, est parfaitement cohérente avec cette vision. Nous pouvons découvrir dans des états d’expansion de conscience cette réalité fondatrice et pénétrer les racines d’une « Culture de la vie ».
La proposition du Principe Biocentrique est de situer « la vie au centre » de toutes les activités humaines, en particulier les sciences comme l’éducation, la psychothérapie, l’économie et la jurisprudence. C’est, de plus, l’approche la plus appropriée pour penser à l’éducation dans un contexte de totalité.
L’apparition de la conscience et de l’amour dans l’évolution de la vie sont deux événements culminants qui ont le pouvoir d’impulser de nouvelles formes évolutives de l’espèce humaine. Pour cette raison, je crois qu’il faut faire quelques considérations sur l’évolution de la vie et de ses manifestations profondes. Cette approche peut donner à l’éducation un point de départ originaire.
Les études actuelles sur l’évolution de la vie ont démontré qu’il y a un progrès ostensible dans les stratégies morphogénétiques et psychiques de différentes espèces. Si un organisme n’évolue pas, il disparaît de la biosphère.
Bien que certaines fonctions biologiques sont plus parfaites chez les animaux que chez l’homme, le niveau évolutif – qui culmine dans la position debout, dans le langage, dans la conscience et dans l’amour – semble être d’une différence qualitative étant donné que ces caractéristiques confèrent à l’homme une grande autonomie créative par rapport à n’importe quelle autre programmation animale.
Notre approche sur l’énigme de la vie est intuitive, quelque chose comme la compréhension d’une œuvre d’art. La perception esthétique est indémontrable et inaccessible à la cognition rationnelle, il s’agit d’une vivencia et donc d’une expérience personnelle.
La science a obtenu l’accès à la connaissance de certains processus biologiques d’une immense complexité et rapidité. De tels processus d’organisation donnent l’impression que leurs composantes avaient une « conscience propre ».
Un paradigme pour les sciences humaines
Le Principe Biocentrique est le paradigme qui pourrait servir de fondement aux sciences humaines du futur : éducation, pédagogie, jurisprudence, médecine et psychothérapie.
Le Principe biocentrique place le respect de la vie comme centre et point de départ de toutes les disciplines et comportements humains.
Le sentiment d’amour pourrait être défini comme : « L’expérience suprême de contact avec la vie. » Par la Biodanza, nous arrivons à la source originaire des impulsions de vie. Danse, amour et vie sont des termes qui font allusion au phénomène d’ « unicité cosmique ». Le noyau créateur de la culture du troisième millénaire va naître avec la restitution de la sacralité de la vie.
A partir du Principe biocentrique, nous pouvons concevoir l’univers comme un gigantesque hologramme vivant ; l’expérience d’unité mystique et d’identité suprême est pour nous parfaitement valide. Nous pouvons découvrir dans cette vivencia fondatrice les « racines d’une culture de la vie ».
Les codes actuels de justice, qui se basent sur la propriété privée et non sur la vie, sont l’expression d’une psychose culturelle. La culture devrait être organisée en fonction de la vie, nos formes culturelles actuelles sont anti-vie. Le Principe biocentrique surgit donc d’une proposition antérieure à la culture et se nourrit des impulsions qui génèrent les processus vivants.
Le Principe biocentrique propose la potentialisation de la vie et l’expression de ses pouvoirs évolutifs. La Biodanza est, de ce point de vue, « une poétique du vivant, fondée sur les lois universelles qui conservent et permettent l’évolution de la vie. »
Le Principe biocentrique est une référence essentielle sur l’origine cosmique de la vie, une synthèse conceptuelle de l’être humain avec son processus d’intégration maximale avec l’univers, avec son semblable et avec sa condition autonome d’amour et de conscience.
[1] Davies, Paul: L’esprit de dieu. Paris, Hachette, 1998
[2] Sagan, Carl: Inrtelligent life in the Universe. Holden Day, San Francisco, 1966
[3] Hoyle, Fred: Intelligent universe. Book Sales, 1988
[4] Villaverde, Leo: Biocosmos el universo vivo. Editorial Cultrix. Sao Paulo, Brasil
[5] de Duve, Christian: Pousière de vie. Paris, Fayard, 1996
[6] Prigogine, Ilya: La thermodynamique de la vie. 1972
[7] Wollkovsky, Zibnov : Planeta n°177, Editora Três
[8] Bohm, David : La plénitude de l’univers, Monaco, Editions du Rocher, 1992
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