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  • Photo du rédacteurBiodanza-Paula

La danse de la voix par Mariela Furman

« Le chant a du sens quand il palpite dans les veines ».

Victor Jara

 

Pourquoi le silence ? Pourquoi la voix ?

La voix est directement liée à la communication et face à une réalité sociale opposée à la solidarité communautaire, elle ne s’étend pas mais se contient, se garde, se cache, s’opprime.

La voix, parlée ou chantée, souffre particulièrement d’être contenue, de la prison de la peur, de la honte, de l’isolement. Sortir la voix n’est pas seulement chanter, il faut habiter les émotions qui émergent quand nous la mettons en jeu : notre histoire, notre identité, nos répressions.

 

Pourquoi la répression ?

Je cite une approche sur les mécanismes de répression développée par Sigmund Freud :

« … la satisfaction de la pulsion (impulsion instinctive) soumise à la répression serait sans doute possible et toujours agréable en soi, mais elle serait inconciliable avec d’autres exigences et desseins… produisant du plaisir et du déplaisir… La condition pour la répression est que le déplaisir contient un pouvoir plus grand que le plaisir de la satisfaction… » (Freud, 2000).

L’appareil psychique stocke ce qui est réprimé dans l’inconscient et, en même temps, les pulsions ont leur origine dans les exigences organiques, de nature biologique, et sont donc constantes et péremptoires. Cela demande une force également permanente pour maintenir ce qui est refoulé dans cet état, de sorte que la répression est présente chaque fois que, pour une raison quelconque du devenir quotidien, le refoulé tente d’apparaître comme possibilité, ainsi :

« .. son essence… rejeter quelque chose de la conscience et le maintenir éloigné d’elle… » (Freud, 2000).

C’est pour cela que la répression et l’inconscient sont corrélatifs, on ne peut penser l’un sans l’autre. Ceci me semble une clé. Parce que l’énergie de l’impulsion instinctive que porte la pulsion se maintient dans un endroit de notre existence, dans ce cas, dans l’inconscient, permettant qu’elle puisse, à un certain moment, apparaître.

 

Quelle est son importance en Biodanza ?

Le groupe de Biodanza s’abandonne à la permissivité, peut-être une des plus grandes qualités que nous avons. Il s’agit d’un autre collectif, différent du répresseur social, qui donne des consignes et propose une chaîne humaine qui invite souvent à se reconnecter au refoulé, transformant cette dynamique en un scénario de dissolution du mécanisme de répression ou, tout du moins, facilitant le commencement d’une transition de cette expérience.

Si la Biodanza est un espace de liberté, et je pense que oui, nous pouvons en déduire qu’elle peut aussi être un lieu d’habilitation – libération du refoulé, et s’il en est ainsi : de qu’elle façon peut-elle le faire ?

C’est là que je suggère de mettre l’accent sur l’importance d’un travail organisé et structuré sur le développement de la voix.

Je cite ci-dessous quelques témoignages recueillis dans mon travail en Biodanza où je facilite des ateliers et des séances d’approfondissement dans l’expression de la voix et le chant qui rendent compte d’un allègement / libération, en permettant l’émergence de la voix :

« Cela m’a beaucoup coûté au début de sortir ma voix et j’ai ensuite commencé à avoir du plaisir »

« Quand ils ont dit que nous allions chanter, j’ai eu peur et je désirais partir »

« J’ai adoré le cri parce que je me suis senti libéré »

« Le cri ma fait peur »

« Je me suis beaucoup libéré à sortir la voix, j’ai senti beaucoup d’allègement »

« la danse qui m’a le plus frappé fut la libération du corps et de la voix, j’ai senti qu’un très grand poids se libérait en moi d’en haut »

« Toutes les propositions qui utilisaient la voix m’étaient agréables »

« Au début de la séance, me vinrent les souvenirs de mes difficultés à chanter et je me suis senti mal. Ensuite, peu à peu, j’ai apprécié grâce au soin et au groupe ».

« Pour moi, ce fut important de travailler avec la voix parce que c’est ce que je dois sortir. Ce fut une séance idéale, comme faite pour moi. Elle le fut aussi par la magie qu’est la Biodanza »

« Ce qui m’est resté de plus significatif, fut la guérison avec la lettre « m » sur les points énergétiques. Et aussi de lâcher en dansant et chantant à la fois. »

Nous pouvons voir que la potentialité de l’émergence de la voix est indissolublement liée à la possibilité de nous libérer de tout mécanisme répressif qui la freine.

En poursuivant sur cette ligne et sachant que la finalité de la Biodanza est l’intégration de l’identité –et les mécanismes de répression en font parties – je pense et je réfléchis que pour travailler avec la voix et le chant dans les séances, les ateliers et les groupes hebdomadaires, il faut s’appuyer sur certains outils et savoirs pour élaborer les séances.

 

Quel impact à la voix sur la construction de l’identité ? Quel est le point de rencontre ?

Il y a beaucoup de définitions de l’identité et il est connu que c’est un concept complexe et inachevé.

La définition de l’identité en Biodanza est, entre autres, « ce que chaque personne est essentiellement, face à n’importe quel autre système de réalité »… « La sensation émouvante et intense d’être vivant, se générant soi-même. » … « Se révèle en présence d’un autre ». (Toro, 2012, Texte Identité et intégration).

 

Comment la voix exprime-t-elle le devenir de notre Être ?

Serge Wilfart, dans son livre Le chant de l’être, nous dit :

« il n’y a pas deux types de voix, un pour parler et l’autre pour chanter. Ce sont les mêmes. Et c’est la voix, une caractéristique aussi spécifique que les empreintes digitales »… « Elle révèle notre bien-être ou mal être psychologique interne, mais elle est également l’instrument qui nous permettra de redécouvrir notre vraie être ».

Au-delà de notre ton et notre timbre, pouvoir exprimer notre voix – à partir du mot parlé – et aussi à partir de la voix dansée : le chant, est nécessaire pour se défaire des peurs, des hontes, des sentiments d’infériorité, des contraintes et de beaucoup de sensations que, sûrement, nous avons tous traversées à diverses occasions dans notre vie.

Je suis convaincue que pour trouver son propre soutien affectif, sa propre voix et également discerner quand nous parlons de nous et que ce ne sont pas d’autres voix, un long chemin est nécessaire, thérapeutique et très intime.

Fritz Perls dit :

« L’angoisse est provoquée quand la voix qu’une personne entend n’est pas la sienne, sa voix propre, mais celle d’autres personnes parlantes qui ont été introjectées ; que ce soit dans la voix de la mère ou du père se plaignant, criant ou même agissant de manière juste. C’est encore une fois… la situation de la conquête de soi ; l’angoisse réapparaît parce qu’on en vient à étrangler et étouffer son identité vraie, son appétit et sa voix. » (cité par Lichtenberg, 2008)

Dans mon chemin en tant qu’accompagnante du processus d’exploration de la voix pendant 8 ans, tant en Biodanza que dans mes consultations dans ma condition de psychologue, et en tant que chanteuse, la citation précédente est un point central, car se plonger dans les sphères les plus intimes est souvent douloureux et en même temps révélateur – La douleur a cela, non ? Elle conduit aux viscères et est un miroir...

Nous savons aussi que  notre identité est comme une empreinte digitale : unique et irremplaçable ; et pourtant elle change d’aspect au cours de la vie.

En considérant cela et en se basant aussi sur mon expérience, il me paraît fondamental d’avoir à l’esprit vers quoi où nous pouvons accéder en tant que facilitateurs car la voix représente un point de vulnérabilité dont, de mon point de vue, nous devons prendre soin, et beaucoup.

Ainsi, je pense qu’il est très important de comprendre et d’identifier les émotions qui peuvent émerger en sortant la voix et de pouvoir réfléchir sur le corrélat psycho-émotionnel et corporel.

Quand nous faisons des séances avec la voix, il faut que nous ayons une courbe organique : Comment utiliser des danses avec la voix dans une séance ? Comment arriver aux exercices clés ? Comment prendre soin de la voix : ton, volume et émission ?

Il me semble important de pouvoir également approfondir la vivencia de son corps en tant qu’instrument : permettre des sons gutturaux, rythmiques, mélodiques et harmoniques. Avoir la capacité d’improvisation vocale : sortir la voix, jouer et se vivre comme un canal musical.

Pouvoir explorer dans la voix dansée les nuances, les couleurs, les textures et les subtilités, avoir le registre de sa propre voix dans le corps, identifier les émotions qui éveille le lien avec notre voix est essentiel.

D’autre part, en parlant avec des collègues, une autre chose importante, est qu’il existe une grande peur – surtout dans les premiers pas en tant que facilitateurs – de ne plus avoir d’électricité et de lumière dans une séance. En ce sens également, il me semble fondamental d’avoir à portée de mains des séances qui permettent de sortir de manière adéquate de cette situation.

Pour accompagner le processus, nous avons besoin de vivre notre voix dans notre vie et compter sur les instruments nécessaires pour soutenir ce qui apparaît.

Rolando Toro disait : « le groupe est la matrice de renaissance ». Cette métaphore est très belle et forte.

Je rajoute humblement : Le groupe est la matrice de renaissance, une libération et expression du refoulé. Je voudrais seulement être ce qui pousse spontanément de moi.

Pourquoi cela me serait-il si difficile ?

Inspiré du « Demian » d’Herman Hesse

 

Bibliographie

Freud, Sigmund (2000) Œuvres complètes tome XIV, (1914-1916) “La répression”, PUF, Paris.

Wilfart, Serge (2015) “Le chant de l’être”Albin Michel, France

Toro, Rolando (2012) “Identité et Intégration”. International Biocentric Foundation.

Lichtenberg, Philip (2008) “Psicología de la opresión” (Perls, F. Hefferline, R., y Goodman, P., Terapia Gestalt: Excitación y Crecimiento de la Personalidad Humana, Los Libros del CTP, Madrid, 2002). Editorial Cuatro Vientos.

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