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Intelligence émotive et affective, les deux propositions de Rolando Toro et D. Goleman par F. Ceresa

Dans ce bref article je souhaite présenter les éléments communs et spécifiques de

« l’intelligence émotive » de Goleman et celui de « l’intelligence affective » de Toro, concepts parfois confus ou erronés. La Biodanza aide à renforcer les deux intelligences qui ne sont pas alternatives mais complémentaires.


Origines du concept d’intelligence émotive

Même si les définitions populaires de l’intelligence soulignent la dimension cognitive du concept, comme la mémoire et la résolution des problèmes qui appartiennent à l’intelligence rationnelle, beaucoup de chercheurs ont commencé à reconnaître l’importance des aspects non-cognitifs. Robert L. Thorndike, en 1920, a utilisé l’intelligence sociale, terme pour décrire la capacité de comprendre et motiver les autres personnes. En 1940, David Wechsler a décrit l’influence des facteurs non intellectuels sur le comportement intelligent. En 1983, Howard Gardner a introduit l’idée que les indicateurs d’intelligences comme le QI n’expliquent pas complètement la capacité cognitive car ils ne prennent en considération ni « l’intelligence interpersonnelle » (la capacité de comprendre les intentions, les motivations et les désirs des autres personnes), ni « l’intelligence intrapersonnelle » (la capacité de se comprendre soi-même, d’apprécier ses propres sentiments, ses peurs et ses motivations).

En 1995, Daniel Goleman a publié son livre « Intelligence émotionnelle » et la même année le magazine Time a été le premier média à publier un article important de Nancy Gibbs sur le texte de Goleman.

Goleman illustre combien il est indispensable pour comprendre le grand pouvoir des émotions sur la pensée mentale et la cause des conflits fréquents entre les sentiments et la raison de partir de la structure du cerveau des émotions appelée système limbique.

Supposons par exemple que l’on est en train de se promener de nuit sur une route déserte… à un moment donné nous repérons un groupe de jeunes à l’air menaçant. Face à une situation de ce type, nous pourrions constater un état croissant d’anxiété et une peur que nous pouvons reconnaître par une augmentation du rythme cardiaque, de la respiration et de la transpiration.

Ces sensations nous amènerons à fuir ou à nous préparer à une éventuelle confrontation. Nous sommes prix par une émotion qui détermine notre comportement et nos réactions corporelles.


Le système limbique

Le système limbique est une partie du cerveau créée il y a des centaines de millions d’années et que nous partageons avec les espèces animales même moins évoluées que nous. Beaucoup d’espèces, y compris la nôtre, communiquent leurs émotions par des changements de positions, d’expressions faciales et des sons non verbaux (soupirs, gémissements, grognements). Ces expressions remplissent avantageusement des fonctions sociales, communiquent aux autres individus ce que nous éprouvons et surtout ce que nous avons l’intention de faire. Nous avisons par exemple à un rival que nous sommes fâchés, ou nous révélons à nos amis que nous sommes tristes et que nous aimerions un peu de support et de réconfort. Cette méthode de communication, souvent involontaire, est régulée par notre système limbique.

Les émotions qui se génèrent dans notre système limbique ne sont toutefois pas complètement libres de s’exprimer sans filtre. En fait, l’air la plus évoluée de notre cerveau, le cortex, a une fonction de régulation de l’aire limbique et ceci permet parfois l’inhibition ou le contrôle des émotions qui pourraient parfois être aussi nuisibles, comme la rage ou l’agressivité disproportionnée.


L’amygdale

L’aire limbique est composée de différentes formations parmi lesquelles il y a l’hippocampe, le gyrus cingulaire, les corps mamillaires et l’amygdale. L’amygdale est une zone du cerveau qui a la forme d’une amande (du grec amygdali qui signifie amande) et est le siège où convergent les informations de nos émotions. Elle remplit une fonction déterminante sur nos réactions aux objets et aux situations qui revêtent une signification biologique particulière. Pour cette raison, elle est impliquée dans les réponses face au danger, initiant une série de réactions pour notre défense personnelle.


Caractéristiques de l’intelligence émotive

L’intelligence émotive est structurée par :

1- Les sentiments : « ce que nous sentons », c’est-à-dire des résonances affectives moins intenses que la passion et plus durables que les émotions avec lesquels le sujet vit et interprète les stimuli du monde. Les sentiments peuvent être, comme le dit Jung, actif (aimer) ou passifs (être amoureux). La sensation active est rationnelle et la passive est irrationnelle.

2- Les émotions : réactions affectives intenses déterminées par des stimuli environnementaux, le partage des émotions provoquent des modifications au niveau « somatique », « végétatif/viscéral », « psychique ».


Les caractéristiques de la soi-disant intelligence émotive sont : la capacité de nous motiver nous-même à persévérer dans l’effort, malgré les possibles frustrations, de contrôler les impulsions, de différer la gratification, de réguler nos états d’âme, d’éviter l’anxiété qui interfère sur nos facultés rationnelles et notre capacité à entrer en empathie et en confiance avec les autres. Le degré de contrôle qu’atteint une personne sur ces compétences est fondamental pour déterminer pourquoi certains individus prospèrent plus que d’autres avec les mêmes conditions de départ.


Les émotions sont les expressions extérieures des sentiments accumulés qui se forment par l’imagination et la visualisation. Il y a trois sources de sentiments qui interprètent toutes les informations qui entrent en l’être humain au travers des cinq sens et qui donnent un sens à ce que nous percevons.

1- Notre histoire, la culture et les expériences, bonnes ou mauvaises, qui nous ont programmées à sentir d’une façon ou d’une autre et à donner aux choses une signification différentes de tous les autres.

2- Le côté obscur de ce que nous pourrions définir comme « le mauvais esprit » qui vit chez nous tous et qui nous encourage à considérer négativement les événements de la vie et les transforme en peurs telles que : le sens de pauvreté, le danger, la faim, la maladie, le rejet, etc., et qui suscite en nous des émotions négatives.

3- Le côté de la lumière spirituelle que nous appelons « Divin » et qui nous encourage à donner un sens édifiant et positif aux événements de la vie et à voir les choses du point de vue positif, produisant des images et des visualisations positives qui se traduisent en action s’y rapportant.


L’intelligence émotive est donc basée sur comment chacun vit ses émotions. Les cinq émotions de base que les êtres humains partagent avec les mammifères, à la différence que nous, êtres humains, en avons conscience sont :

- Peur : l’objectif est la protection

- Affect : l’objectif est le lien avec les autres

- Tristesse : l’objectif est le retour en soi-même. Quand nous nous sentons triste, notre corps nous dit : « va-t’en de cette situation et retourne en toi »

- Rage : l’objectif est celui de défendre

- Joie : son objectif est l’accélération des processus vitaux. Elle devient la batterie de notre existence.


« Nous vivons actuellement dans un monde où nous perdons chaque jour de la sensibilité pour le milieu et les personnes autour de nous, souvent parce qu’il est difficile d’entrer en contact avec nos sentiments. Il est donc important d’avoir une dimension émotive qui nous permet de nous rendre compte de ce que nous sentons. L’objectif est de devenir observateurs de nous-même pour comprendre et donc contrôler ce qui nous pousse à agir, et avoir un plus grand contrôle sur nos réponses » (Daniel Goleman, Intelligence émotionnelle).


L’intelligence émotionnelle nous permet de :

1- Devenir conscients de nos émotions

2- Comprendre les sentiments des autres

3- Résister aux pressions et frustrations que nous endurons

4- Accentuer notre capacité à travailler avec d’autres personnes

5- Adopter une attitude empathique et sociale qui nous donnera de plus grandes opportunités de développement personnel

6- Participer, discuter et interagir avec tous, contribuer à créer un environnement harmonieux.

Selon Goleman, l’intelligence émotionnelle peut être divisée en deux aires :

a. Intelligence intrapersonnelle : la capacité d’avoir un modèle réaliste et précis de soi, l’ouverture aux sentiments et leur utilisation comme guide dans le comportement

b. L’intelligence interpersonnelle : la capacité de comprendre les autres, ce qui les motive, comment ils fonctionnent, comment se relier correctement. La capacité de reconnaitre et de réagir aux états d’âme, au tempérament et aux autres émotions.

Les émotions peuvent être régulées. Manel Güell Barceló, dans son livre « ¿Tengo inteligencia emocional? » retient qu’il n’y a pas d’émotions positives ou négatives. Ce sont simplement des émotions comme résultats de la réponse du sujet à une situation. Il est aussi vrai que certaines émotions sont utiles et peuvent être bénéfiques pour certains et pas pour d’autres. Nous pouvons, de ce fait, séparer les émotions efficaces, utiles et adaptées des réponses émotionnelles inefficaces, inutiles et donc inadaptées. Une réponse émotionnelle (joie, rage, honte) sera utile dans des contextes différents. Si la réponse est adaptative et nous aide à nous relier au monde qui nous entoure, aux autres et à nous-même, cela peut être une émotion efficace. Ainsi, toutes les réponses émotionnelles sont positives si elles sont utilisées correctement.


Intelligence affective

L’affectivité

Pour Rolando Toro, l’affectivité a une genèse bio-sociologique et est en fait liée à l’instinct de solidarité à l’intérieur de l’espèce, aux impulsions grégaires et aux tendances altruistes et aux rituels de lien. Ces impulsions biologiques de coopération, intégration et solidarité deviennent, chez les êtres humains, des sentiments altruistes qui sont la genèse de l’amour.

L’affectivité est donc un état de profonde affinité envers toutes les expressions de la vie et est aussi la manifestation des liens affectifs entre les êtres humains, « la perception des autres englobe tout le corps, pas seulement les émotions. »

L’affect comme inclination ouverte et permanente de soin et d’empathie avec tout ce qui est vivant, un état d’amour infini pour la vie, pour la nature et pour les personnes.

Il n’y a pas d’états affectifs purs, sans éléments cognitifs.

Toutes les différentes formes d’intelligence ont une source commune, l’affectivité. Pour comprendre cela, il faut examiner les relations entre perception, habileté motrice, mémoire, apprentissage, élaboration du langage symbolique et structure affective.

L’affect n’est pas une émotion, mais un sentiment. Si la sensation peut être intelligente, nous entrons dans le monde du cognitif, la sensation devient le point qui relie les émotions à la cognition.

L’affect, selon Rolando Toro, est le tissu sous-jacent à toutes les fonctions mentales. Ainsi, par rapport à une approche traditionnelle qui voit le centre de l’intelligence dans la fonction cognitive (intelligence rationnelle) ou dans la fonction émotionnelle (intelligence émotionnelle), pour Rolando Toro, le centre ou la partie sous-jacente à chaque processus mental est le fond affectif qui imprègne toutes les quatre fonctions mentales : perception, mouvement, mémoire, apprentissage de la langue.

Ce font est appelé par Rolando Toro noyau affectif.

Même la mémoire a des filtres qui sélectionnent et réorganisent les ressources autour des expériences affectives et ne dépend pas seulement d’éléments neurologiques.

Même l’apprentissage dépend des motivations affectives et non seulement cognitives. En fait, selon Rolando Toro, l’évolution du langage chez l’enfant est liée à la création d’un environnement sémantique aimant de la part des éducateurs.

La proposition de l’intelligence affective de Rolando Toro tend donc à intégrer et à s’intégrer aux autres formes d’intelligence, rationnelle, cognitive et émotionnelle.

L’affect est un puissant organisateur de la pensée et de l’action et réveille l’intuition, la curiosité et l’innovation, il va au-delà du raisonnement linéaire complet et séquentiel (cause et effet) qui est à la base des principes qui régulent tous les processus décisionnels de la vie.


Conclusions : Relations entre les intelligences émotionnelle et affective.

De la lecture des textes de Rolando Toro ne ressort pas clairement (peut-être volontairement) la différence entre les deux intelligences. On pourrait en fait dire que les deux intelligences émotionnelle et affective sont consubstantielles (ont une même nature). Dans la définition de l’intelligence affective, il faudrait pouvoir divulguer aussi la pensée de Rolando Toro ou d’autres auteurs sur des thèmes comme la complexité ou la physique quantique. Je confesse cependant ma limite, celle de ne pas réussir à faire des liens entre les différentes théories qui soutiennent le concept d’intelligence affective.

Beaucoup plus simplement, il me semble, est de saluer et partager l’effort que Rolando Toro a fait pour mettre en évidence la force de la dimension affective, cette sphère des sentiments et des émotions qui interagit avec les sphères motrices et intellectuelles desquelles elle ne se distingue que de façon abstraite.

Rolando Toro récupère le terme affectivité abandonné parce que trop abstrait par les écoles de psychologie (théorie des sentiments de Wundt), et le met même à la base de l’émotion et du sentiment, leur reconnaissant une plus grande intensité et une relation avec la dimension affective.

L’affect devient donc le contenant des émotions et des sentiments. La distinction technique a un charme positif mais n’est pas réellement possible, ni dans la théorie, ni dans la pratique existentielle des personnes.


Voici quelques passages du développement de la relation émotion/affectivité qui démontrent le continuum et le lien :

1- L’émotion et l’affect sont le « carburant » du « raisonnement ». C’est la façon correcte de mettre les sujets en syntonie avec la vie, affinant quotidiennement la tonalité émotionnelle.

2- Les problèmes ne peuvent être résolus avec le même type d’intelligence de laquelle ils viennent.

3- L’intégration émotionnelle encourage la spontanéité et la sincérité de répondre adéquatement à chaque situation de façon à renforcer, dans des situations réelles, la production d’émotions saines de plénitude, d’affect et de respect au lien humain.

4- La sagesse créatrice réside dans le noyau de l’intelligence affective/créative.

5- Les valeurs et le caractère fondamental d’une personne ne sont pas dans le QI, mais dans les capacités émotionnelles/affectives sous-jacentes

6- Quand des tensions surgissent, l’intelligence affective manque, le cerveau tend à faire aussi longtemps qu’il réussit à élaborer.

7- Insight et jugement ne sont pas incompatibles avec le sentiment, celui-ci est indispensable et est la force motrice d’une vie bien vécue.

8- La raison n’a de la force et du courage que dans le contexte de l’émotion. Toute idée, toute décision est prise sur la base des processus d’intelligence et toutes ont un noyau émotionnel.

9- Avec l’intelligence émotionnelle sur une base affective, il est possible de relier le mouvement et le contact physique avec l’émotion.

Rolando Toro propose la Biodanza comme discipline pour la rééducation émotionnelle et existentielle, basant la réhabilitation sur des expériences induites par la musique et, dans un sens plus large, il propose une « biologie de l’existence ».

Par la musique et la danse, l’homme est relié, selon Rolando Toro, aux sensations d’être vivant, d’intégrer l’expérience et les émotions et donc de créer le réseau et les branches de l’arbre complexe de l’intelligence.


L’expérience induite par la Biodanza produirait en fait selon Rolando Toro :

1- La capacité de percevoir l’autre de façon empathique

2- La capacité de s’identifier avec les états d’âme des autres

3- La capacité de s’exprimer tant avec la parole qu’avec le corps avec une sincérité et une cohérence absolue

4- La capacité d’affect et d’amour envers les autres.

L’intelligence affective et l’intelligence émotionnelle sont donc les deux faces d’une même pièce, l’une intègre, l’autre dans un continuum qui crée les conditions d’une action correcte du sujet dans son processus d’adaptation au monde, amplifiant ses potentialités et sa capacité à accueillir et profiter pleinement de tous les fruits que la vie lui offre quotidiennement.

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