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Créativité existentielle par Rolando Toro Araneda


Interview faite par Neuronilla.com, Fondation pour la Créativité et l’Innovation

le 8 novembre 2009.


Neuronilla

Que conseilleriez-vous à une personne qui désirerait être plus créative ? Comment pouvons-nous développer notre créativité ?


Rolando Toro Araneda

La créativité est un potentiel inhérent à l’être humain. L’être humain a sans aucun doute une perception esthétique et une perception des différences, de la diversité, de la richesse du monde et de l’expérience humaine.

La créativité est une fonction qui dépend de la capacité de perception de l’abondance et du merveilleux. Celui qui n’a pas d’expérience du merveilleux peut difficilement organiser une œuvre créative, il reste dans les rituels quotidiens sans ajouter de la beauté et sans possibilité de changer la laideur du monde.

Je crois sincèrement que toute personne peut cultiver sa créativité, quelle soit musicale, picturale, dansante, poétique… nous avons tous ces potentiels. Ceux-ci restent souvent en silence toute la vie et ne s’expriment pas. Ils ne le sont pas parce que la personne a peur de s’exprimer en pensant que ce qu’elle fera n’aura pas de valeur, ni de signification. Et elle ne commencera même pas à le faire.

« La première condition pour la créativité est de commencer »

La première condition pour la créativité est de commencer, c’est-à-dire oser prendre une guitare, découvrir les sons et pratiquer et inventer des chansons ; oser acheter des pinceaux, des peintures et des craies et essayer. Ce n’est pas important qu’au début leurs propositions n’atteignent pas un niveau esthétique ou créatif. La créativité est une transaction solitaire, ce n’est pas un processus groupal, comme l’amour et la mort.

Il faut simplement oser s’exprimer. Dans le « Projet Minotaure » (une extension de la Biodanza), on aborde quatre ensembles de peurs et l’un d’eux est la « peur de s’exprimer », d’être créatif.

C’est paradoxal parce que certaines personnes avec un sentiment profond d’infériorité font une œuvre créative et un omnipotent ne le conçoit pas. Mais il faut bien avoir une vocation pour le merveilleux, pour le mystérieux, être capable de converser avec l’invisible, peindre avec des couleurs que personne n’a jamais vues, des formes que personne n’avait imaginé exister, entrer pour la première fois dans une morphologie de sa propre identité.


Neuronilla

La créativité va-t-elle bien au-delà que l’art ?


Rolando Toro Araneda

Oui, il existe la créativité existentielle qui demande surtout du courage, plus que la créativité artistique parce qu’il faut faire des changements difficiles qui améliorent la qualité de vie, qui augmentent la perception, qui permettent de trouver des champs énergétiques plus riches, l’amour, l’érotisme et des formes d’expression très personnelles.

La créativité existentielle apparaît spontanément, par exemple, chez une cuisinière qui commence à découvrir de nouvelles saveurs et combinaisons d’aliments, dans une lettre d’amour qu’une personne très inspirée par ses sentiments organise avec des images profondes, sincères, vraies…

Tout ce qui nous entoure nous propose de la créativité, mais pour cela il faut du courage. Vous me proposez, par exemple, de parler de la créativité et pour moi c’est un défi parce je n’y ai pas pensé une minute avant et je peux me tromper et dire quelque chose sans valeur (rires).

« Tout ce qui nous entoure nous propose de la créativité, mais pour cela il faut du courage »

En réalité je suis un poète (six libres de poésies) et un écrivain (contes), je suis peintre (avec différentes expositions au Brésil) et photographe (j’ai commencé avec les enfants, ensuite avec les femmes dénudées et actuellement avec des scènes mystérieuses de la réalité qui montrent ce que les personnes ne voient pas). Chaque fois que je vois un détail dans un coin, je fais comme cela (il nous montre le mouvement avec la caméra). Elles sont exposées au Chili. Maintenant que je suis vieux, je me dis que je vais créer des chansons et j’apprends le luth avec une professeure du conservatoire. J’ai déjà étudié des compositions musicales et l’écriture musicale. Je commence à m’entraîner avec des chansons romantiques (je ne pourrai jamais créer un quartet de violons, piano et violoncelle), ce sont des chansons qui naissent du cœur et peuvent être améliorées de façon détaillée. De telles choses sont à la portée de tout le monde avec les nouveaux moyens technologiques. Mon idéal serait de pouvoir jouer des chansons pour un amour comme les troubadours avec la luth.


Neuronilla

Si tu étais le directeur d’une entreprise, que ferais-tu pour que les personnes des équipes soient plus créatives et produisent des innovations qui ont de la valeur ?


Rolando Toro Araneda

Je leur proposerai d’abord de faire des cours de Biodanza parce que pour créer il faut être en contact avec soi-même, c’est-à-dire des « vivencias » plutôt que de l’intelligence rationnelle. Il est nécessaire de vivre les choses.

« Si j’étais le directeur d’une entreprise, je leur proposerai de faire des cours de Biodanza, la première chose est de se connecter à soi-même. »

Il y a des peintres actuels qui peignent des bouteilles, des natures mortes… J’ai fait un cours en Italie de peinture où il y avait beaucoup d’élèves avec une peintre célèbre. Elle a dit : « Rolando Toro est le seul qui voit les choses de l’intérieur » Et tous sont venus me demander : « Comment voit-on les choses de l’intérieur, Rolando ? Dans l’art Zen les modèles doivent entrer en premier dans ton esprits, tu dois arriver à être le jonc.

Giorgio Morandi peint des ensembles de bouteilles qui deviennent métaphysiques. Elles ont une présence et ne sont pas simplement des bouteilles, une expression immobile très mystérieuse.

J’ai toujours été intéressé par l’art africain et j’ai créé des musées avec plus de mille pièces que nous allons ouvrir au Brésil. Un de nos compagnons de danse, le professeur Armando Montanari (facilitateur de Biodanza) a acheté un immeuble de cinq étages pour mon musée.

J’ai parcouru l’Afrique en cherchant des trésors et je pense que les africains proposent une nouvelle esthétique que les occidentaux n’ont pas réussi à découvrir parce que dans la peinture occidentale la créativité est dans une relation entre l’œil qui perçoit et un espace qui est la toile. Dans l’art africain, elle est entre la sensation corporelle et le matériel. La relation n’est pas l’œil et la peinture mais elle est dans le « ahhhh » (exprimé de manière gestuelle), c’est une énergie. A tel point que quand j’avais accumulé au Chili une montagne de culture (masques, sculptures en bois), les personnes entraient et cela leur faisait peur ! parce que la puissance qu’avaient ces objets est une puissance numineuse et elle reste enfermée dans le matériel.

J’ai écrit un livre (mais il n’est pas publié) sur l’esthétique africaine avec des illustrations de masques, de sépultures… dans lequel je démontre que la façon d’aborder la créativité plastique de l’occident est complètement différente que la façon primitive. Picasso, par exemple, qui avait un œil extraordinaire, a copié différentes œuvres africaines et les as transférées sur ses toiles et sa sépulture ; dans « Les Demoiselles d’Avignon » il a fait la moitié des femmes blanches et l’autre moitié noire, copiée sur les africaines. Il n’a pas réussi, bien qu’il fut un génie, « à sortir ses tripes ». Il a imité la morphologie africaine.

Au Japon j’ai été avec un maître de l’art Zen qui m’a offert des tableaux et j’ai appris avec lui la peinture Zen. Elle n’est pas très appréciée en Occident parce qu’on ne connaît pas ce qu’il y a dans cette peinture, qui est parfois des lignes. Avant, cependant, il faut avoir à l’intérieur une image très nette.

Il y a une histoire d’un roi qui a demandé à un grand peintre qu’il lui peigne des chevaux et celui-ci a dit : « Je vais peindre ». Un mois passe, un an et le roi est allé le voir et lui dit : « Que ce passe-t-il ? »

Il était entouré de chevaux ! Parce qu’il devait d’abord incorporer le cheval pour pouvoir pendre le grand cheval pour le roi, le cheval en vrai. C’est une esthétique différente de l’esthétique occidentale (qui est principalement expérimentale), elle montre des formes qu’on ne voit jamais, des structures, des conjonctions et provoque aussi le spectateur ; par exemple, une machin à coudre sur un piédestal est une œuvre (rires). Il est clair que les personnes n’ont pas vu une machine à coudre. Les personnes savent qu’il y a une machine mais ils la regardent d’une autre manière, la machine acquiert une autre présence.

De ce fait, dans une entreprise, il faudrait faire de la Biodanza, d’abord pour se connecter à soi-même et ensuite oser.

Même si cela sort mal au début, insister, tenter. En réalité, la créativité est l’impulsion pour réaliser quelque chose de nouveau, une innovation.

S’il n’y a pas de persistance, il n’y a pas de créateur.


Neuronilla

Parle-nous de la relation entre créativité et émotions


Rolando Toro Araneda

Elle est fondamentale. La majorité des peintres cependant (abstraits principalement et les minimalistes et les constructivistes) ont des tableaux qui sont sans émotion, ils sont purement l’établissement de relations spatiales subtiles, comme les tableaux de Piet Mondrian. L’émotion est très abstraite, très lointaine. Tout de suite dans le tableau de Mondrian le rouge apparaît mais l’émotion est l’impact perceptuel de l’œil, ce n’est pas la nécessité intérieure du cœur.

Les meilleurs poètes ont été des poètes de l’amour (Rainer Maria Rilke ou Pablo Neruda par exemple). Beaucoup de poètes sont intéressés par l’esthétique de la sémantique, par la métaphore et les relations lointaines parce que c’est subtil, mais rien de plus. D’autres sont des artistes totalement investis et qui désirent dire quelque chose pour toujours, lié à une émotion de protestation. J’ai fait 50 tableaux contre le régime de Pinochet (le régime les ont détruit), j’avais peint des personnes se noyant dans le fleuve, pendues, des instruments de torture (tableaux que personne ne pendrait jamais dans son salon)…, mais c’était l’unique possibilité que j’avais pour exprimer ma sensation dans le monde.

« Il y a une relation très profonde entre l’émotion et la créativité »

Il y a donc une relation très profonde entre l’émotion et la créativité. Dans les peintures religieuses comme celles d’Albert Dürer, se reflète la transcendance dans les visages, il a fait son propre portrait mais il semble un Christ, quelqu’un qui émane une grandeur transcendante.


Neuronilla

Te sens-tu fier d’avoir créé un système si puissant comme la Biodanza pour transmettre tant de bonheur dans le monde ?


Rolando Toro Araneda

Je ne me sens pas si fier parce que j’aimerais beaucoup plus. Je fais ce que je peux ! Ce qui serait génial c’est qu’il y ait 1 million de biodanseurs et aujourd’hui il y en a seulement 120 milles, très peu, me comprends-tu ? (rires).

Mais j’ai l’espoir que cela va continuer à grandir et que la technique perdure. Il y a tellement de personnes qui interviennent en croyant apporter leur contribution mais ils sont naïfs. Ainsi, au lieu d’aider, ils nuisent à l’image et à la méthodologie de la Biodanza.


Neuronilla

Nous pensions que tu allais dire que ta plus grande œuvre créative avait été la Biodanza.


Rolando Toro Araneda

Je crois que ma plus grande œuvre créative, et je ne le dis presque jamais, est la poésie. J’ai travaillé depuis l’âge de 14 ans la littérature (anglaise, française…), je connais presque tous les grands poètes. J’aspire à arriver à écrire une grande poésie. Non la poésie immédiate mais la poésie qui entre dans l’essence de la réalité, qui a une sémantique transformatrice.


Neuronilla

Nous te félicitons aussi pour la Biodanza ! Et pour les concepts d’inconscient vital et de principe biocentrique…


Rolando Toro Araneda

Cela me donne beaucoup de joie que de nombreuses personnes me remercient autant et considèrent que j’ai un grand talent ; je suis en réalité un scientifique qui observe. Tout au long des années j’ai observé des choses qui fonctionnent et d’autres non. Actuellement, la Biodanza fonctionne assez bien mais elle a été une construction scientifique. Il y a aussi eu des expériences émotionnelles personnelles et je les ai introduites.


Neuronilla

Cela nous a surpris que tu dises que la créativité est un processus individuel et que pourtant en Biodanza une des cinq lignes est la créativité qui se travaille en groupe.

« D’abord c’est décider d’exprimer quelque chose : avoir quelque chose à dire et non vouloir dire quelque chose »


Rolando Toro Araneda

On travaille en groupe en tant que phénomène intérieur indispensable pour la créativité, l’expression. D’abord c’est décider d’exprimer quelque chose : avoir quelque chose à dire et non vouloir dire quelque chose.


Neuronilla

Merci beaucoup Rolando.


Rolando Toro Araneda

Merci à vous.

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