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Biodanza, mythes et archétypes par Michela SanPietro

Retrouver l’ivresse et le plaisir dionysiaque, la connexion avec la terre à travers Déméter, le chant et la poésie avec Orphée et encore la magie de l’amour avec Aphrodite, mythes et archétypes sont en nous.


Le mythe est l’image, la personnification de quelque chose que nous avons en nous ; dans la civilisation, les mythes demeurent présents à travers la littérature et l’art. Pour Jung, les mythes sont aussi des archétypes, une expression de l’inconscient collectif qui nous renvoie à la mémoire de l’espèce, à quelque chose qui a déjà été vécu au niveau phylogénétique : nous pouvons vivre une sensation qui a déjà été éprouvée par d’autres personnes dans le passé.

Chaque fois que nous tombons amoureux, par exemple, nous vivons le mythe d’Aphrodite ; quand nous ressentons le besoin de rattacher à la Mère Maternelle ou que nous éveillons l’instinct maternel, nous avons en nous Poséidon, le dieu des mers.


Retrouver le mythe nous aide dans ce parcours que Jung a appelé « processus de différenciation », c’est-à-dire dans notre parcours évolutif qui nous accompagne à la redécouverte d’un monde jusqu’alors inconnu.


Il est fondamental de reprendre contact avec nos archétypes, c’est-à-dire avec la partie la plus profonde de nous-mêmes ; vivre « en dehors de son archétype », comme le dit Bolen (Les dieux chez l’homme ; les déesses chez la femme) signifie perdre la connexion avec soi-même, s’éloigner de sa propre « capacité à sentir », ce que nous faisons souvent pour nous conformer aux exigences d’une civilisation très productive comme la nôtre et dont le prix à payer est toujours très élevé.


Retrouver le mythe signifie célébrer la sacralité de la vie dans toutes ses manifestations, comme nous le faisons dans le contexte de la vivencia.


Dans l’évolution des mythes, on remarque le passage du matriarcat (dont Déméter est l’héritage d’anciennes divinités féminines et terriennes) au patriarcat qui trouva sa plus grande expression dans le christianisme. Avec la religion chrétienne, les divinités deviennent éloignées et insaisissables en restant dans le ciel et, en plus, on y impose le modèle sacrificiel, une vie de renonciation et de négation du loisir.


Le mythe ne propose pas un retour à l’époque préindustrielle, mais une attitude plus humble et plus disponible envers ce qui est primordial et une source de trésors que nous avons perdus à cause du rythme frénétique de notre vie quotidienne.


Comment nous appliquons les mythes dans la vivencia

Les mythes possèdent une force extraordinaire de transformation. Jung avança l’idée que les mythes et les archétypes de l’inconscient pourraient acquérir une dimension corporelle plutôt que théorique et psychique. Cette idée fascina Rolando Toro Araneda qui décida d’introduire ces symboles universels dans la vivencia.


Il y a des mythes de mort et de renaissance ré-évoqués par le renouvellement périodique ; le mystère de ce processus de renouvellement implique que nous sachions mourir au passé, aux vieilles habitudes, à ce qui nous fait souffrir inutilement pour renaître à de nouvelles formes de vie plus heureuses et plus saines.


En Biodanza, nous héritons des différentes mythologies des religions cosmiques que nous exprimons par la danse, la régression – transe et le langage symbolique de la poésie, de la musique et du chant.


Dionysos et le pouvoir de l’instinct

Dieu de l’ivresse et du chaos, symbole de mort et de renaissance dans la mesure où il est mort et re-né trois fois. Il représente les forces primitives et inconscientes, ces énergies vitales que notre civilisation, fondamentalement apollinienne, voudrait contrôler et réprimer.


C’est cependant bien en nous perdant dans l’ivresse et le plaisir dionysiaque, en nous consumant dans le feu qui est son élément, que nous laissons aller notre côté rationnel et que nous nous mettons en connexion avec les forces obscures de la nature.


Notre existence devrait être une pulsation entre ce qui est apollinien et ce qui est dionysiaque ; entre l’élégance, le raffinement et l’équilibre typiques du dieu Apollon et le viscéral, le sens de la transgression qui appartiennent au répertoire dionysiaque. Rencontrer Dionysos en Biodanza nous aide à retrouver notre « éros », en tant qu’amour pour la vie, capacité à vivre chaque instant de notre existence comme si nous étions en train de savourer un fruit ; en saisissant chaque rencontre, chaque souffle, chaque moment comme unique, précieux, non reproductible.

Nous pouvons le faire avec une danse de plaisir cénesthésique, avec des mouvements centraux où la poitrine, la taille et les hanches s’intègrent et s’harmonisent ; tout cela nous amène à ressentir notre corps comme source de plaisir et de désir.


A travers le mythe de Dionysos et Aphrodite, déesse de l’amour, nous développons « l’éros indifférencié et l’éros différencié ». Le premier nous renvoie à l’origine, au stade périnatal, au contact « indifférencié » avec le monde, ainsi appelé dans la mesure où le bébé ne fait pas de distinction entre lui-même et le monde extérieur mais ressent ce dernier comme un prolongement de lui-même.


Et c’est à partir de « l’océan » de l’indifférencié, en « naviguant » parmi l’espèce humaine, que nous pouvons ensuite établir des rapports privilégiés en vivant à travers « l ‘éros différencié » l’expérience fusionnelle avec l’autre, en créant une totalité qui n’est pas la somme des deux personnes, mais une unité et une énergie plus grande, plus profonde, plus complète et qui forme le couple.


On découvre le plaisir de l’ivresse avec l’amour ; on renaît avec l’amour.


Isis et Osiris : le pouvoir de l’amour

Nous vivons ces mythes pour retrouver la force du sentiment qui aujourd’hui est réprimé et aussi pour nous libérer de ce qui nous limite, nous opprime, nous met en cage.


Isis et Osiris, divinités égyptiennes, représentent la renaissance à travers le pouvoir déflagrateur de l’amour et ils sont un point de repère archétypique parmi les mythes de mort et de résurrection.


Osiris, dieu de tous les êtres vivants, fut démembré par Seth, dieu du désert et de la mort ; ses morceaux furent éparpillés partout en Egypte. Sa sœur et épouse, Isis, désespérée, recueillit les parties déchirées d’Osiris, le recomposa avec douceur et lui redonna la vie.


Ce mythe, selon Rolando Toro Araneda, nous révèle la puissance de l’amour ; quand nous sommes déchirés par la souffrance, seul l’amour peut nous faire renaître.


Lorsque nous nous sentons déchirés, nous sommes en train de vivre le mythe d’Osiris ; quand nous exprimons l’amour pour nous-mêmes, pour l’autre, pour la vie, nous sommes en train de vivre le mythe d’Isis par un processus de réunification que nous exprimons en Biodanza avec la rencontre, l’accueil, le contenant du compagnon et la caresse.


La Biodanza nous enseigne que la vie est équilibre dynamique.


Shiva et Vishnu : la danse cosmique

Ils représentent la pulsation de l’être humain entre stabilité et transformation.


Shiva

Le dieu qui crée et détruit perpétuellement pour recréer ensuite, dans un processus de mort et de renaissance ; il nous pousse à quitter ce qui est vieux pour nous ouvrir à une nouvelle vie ; la danse de Shiva est engendrée par un mouvement qui rompt sans arrêt les schémas et l’équilibre en créant de nouveaux équilibres ; c’est l’équilibre instable.


Vishnu

Dieu de la conservation et des cycles vitaux ; il est modération, harmonie, équilibre, stabilité ; il inspire la sérénité, la patience, la persévérance et recherche de spiritualité ; danser Vishnu nous aide à valoriser les petits gestes de la vie quotidienne.


Shiva et Vishnu, deux mythes si différents et si complémentaires, la pulsation éternelle du chaos à l’harmonie, de la transformation à la conservation. Nous invoquons Shiva quand nous avons besoin de donner un tournant à notre existence, pour trouver le courage de transformer ce qui ne va plus. Nous invoquons Vishnu quand nous désirons conserver nos valeurs les plus profondes.


La Biodanza nous donne la possibilité de nous rattacher aux forces de la nature.


Déméter et les mystères d’Eleusis

Déméter, déesse de la moisson et des récoltes, mère de Perséphone qui fut enlevée par Hadès.

Le mythe de Déméter nous rattache à la générosité et à l’abondance de la Terre Mère, la terre féconde, la terre réceptive, la terre qui nous accueille et nous soutient.


Que signifie vivre et danser Déméter ?


Cela veut dire avoir un sens de plénitude et pouvoir donner à plusieurs niveaux :


- au niveau matériel, comme le fait une mère qui donne la nourriture et des soins affectifs. De même la déesse nous offre les produits de la terre.

- au niveau émotionnel, à travers notre sensibilité et notre réceptivité, notre capacité d’écouter et d’accueillir l’autre, de lui donner du contenant, de le laisser se fondre dans une étreinte. La déesse est l’archétype de la mère qui protège, qui ne s’est pas laissée faire lorsqu’elle a perdu sa fille Perséphone. Elle s’est servie entièrement de la détermination de la terre, son élément, pour la retrouver. Son instinct maternel se manifeste également dans le soin de l’autre et dans le plaisir de donner qu’elle a manifesté en s’occupant d’un autre enfant Démophoon pendant l’absence de sa fille.

- au niveau spirituel, Déméter a institué les Mystères d’Eleusis, de vrais rituels de mort et de renaissance d’où on sortait renouvelé et régénéré en apprenant à donner un sens profond à son existence.


Nous invoquons Déméter avec des danses de terre, des rites de fécondation et toutes les vivencias qui évoquent les gestes archétypiques de donner sans condition.

La Biodanza s’exprime aussi avec le langage poétique de la musique et du chant.


Orphée et le Pouvoir de la Musique

Apollon offrit la lyre à Orphée et les Muses lui apprirent à en jouer. Orphée possède le pouvoir enchanteur qui s’exprime par la musique et le chant ; le pouvoir de pénétrer la sensibilité humaine. Avec sa musique, il calme les fauves, il favorise l’éclosion des plantes et les arbres se mettent à danser. Selon la légende, il fut démembré par les Ménades ou les Bacchantes (qui accompagnaient le cortège de Dionysos) et sa tête fut jetée dans le fleuve Hélius où il continua à chanter jusqu’à la mer et fut transporté jusqu’à l’île de Lesbos.


L’homme civilisé n’a plus l’oreille habituée à la musique et le mythe d’Orphée nous permet de nous rattacher aux sons et rythmes universels tels que le son des cascades et du vent, le bruissement des feuilles, l’alternance du jour et de la nuit, les phases de la lune, le rythme du battement cardiaque et le rythme respiratoire.


Nous vivons éloignés de la musique de la création et, cependant, c’est bien la musique, langage universel et accessible à tous, qui suscite des émotions profondes, agit sur notre identité qui, comme le dit justement Rolando Toro Araneda, est perméable à la musique.


La musique en Biodanza est organique et nous renvoie à des qualités telles que la fluidité, l’harmonie et l’expression du chant intérieur.


Le pouvoir de l’invocation

Notre identité est complexe et pleine de facettes ; en chacun de nous peuvent vivre plusieurs archétypes : l’archétype d’Aphrodite lorsque l’on aime, l’archétype de Vishnu lorsque l’on ressent le besoin de stabilité et d’équilibre, l’archétype d’Orphée quand on veut donner de la légèreté et de la poésie à notre existence.


Comme les 4 éléments : terre, air, eau et feu, tous les archétypes devraient être intégrés chez chacun et il faudrait pouvoir invoquer l’un ou l’autre suivant l’état d’âme et les situations que l’on vit sur le moment.


Il est courant, bien sûr, qu’un archétype domine tous les autres ; celui qui vit uniquement l’archétype de Dionysos, par exemple, vit constamment l’instabilité et la folie dans la mesure où ce personnage est toujours dans le chaos ; quand c’est le mythe de Déméter qui domine, ceci peut nous amener à donner jusqu’à l’épuisement, en nous empêchant de nous ouvrir au plaisir de recevoir.


Mythes et archétypes doivent être équilibrés pour un plein développement et une expansion de notre identité. Et c’est bien l’intégration des différents personnages mythiques qui nous aide à mieux comprendre la complexité humaine. Non seulement les archétypes sont en nous, mais ils nous poussent à changer, non par la volonté, non par l’intelligence corticale, mais par l’invocation au travers de cérémonies et de danses.


Rolando Toro Araneda nous rappelle qu’il y a plus de force dans l’invocation, laquelle parvient à toucher directement notre inconscient vital, que dans le raisonnement qui nous amène à vouloir trouver à tout prix des solutions rationnelles pour résoudre nos problèmes.


Chaque fois que nous somme en difficulté, au lieu de nous demander : « qu’est-ce que je dois faire ? » il vaudrait mieux se demander : « qui dois-je invoquer ? ».

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