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  • Photo du rédacteurBiodanza-Paula

Masculinité et tendresse: la liberté et le courage de créer un nouvel homme par Ricardo Spreafico

Il n’y a pas dans notre culture assez de modèles de masculinité et tendresse. Dans les foyers, dans les écoles, on ne nous a pas enseigné à être des hommes sensibles, capables de dégager des gestes d’amour et de soins.

La culture que nous avons créée endurcit l’homme, le préparant aux aléas d’un monde compétitif où nous devons conquérir les espaces en ne montrant que notre côté fort et dominant. Le modèle de l’homme qui a réussi est conquérant et soumet.

Quand on dit succès, ce terme est généralement associé à la capacité de l’homme à obtenir du pouvoir et de l’argent. Celui qui ne correspond pas à ce modèle se sent probablement frustré, inadéquat et perdu.

Du point de vue des instincts, en regardant l’homme comme un animal-humain, ce comportement pourrait se fonder sur le besoin qu’a le mâle d’être suffisamment fort, capable de défendre le territoire d’attaques possibles, de fournir une protection, d’obtenir de la nourriture pour les femelles et les petits.

Si nous examinons cela du point de vue des archétypes, nous ne trouvons pas non plus chez les dieux un modèle d’homme qui soit protecteur et fort, et à la fois attentionné et doux avec sa femme et ses enfants. La majorité des dieux des différentes cultures ont un comportement souvent autoritaire, impitoyable et agressif.

De ces points de vue, il n’y aurait pas de possibilité de changement. Le destin de l’homme ne pourrait sortir du rail tracé depuis les premiers hominidés jusqu’aux cultures patriarcales. Cependant, tant sur le plan personnel que sur le plan ontogénétique, notre arbre généalogique peut servir à nous libérer de la répétition de modèles de conduite hérités. Regarder la phylogenèse de l’homme peut nous servir à déterminer quels aspects de nos ancêtres il convient de garder et lesquels nous aurons le courage de recréer.

Concernant la racine biologique du comportement humain, l’éthologue Irenaüs Eibl-Eibesfeldt, dans son livre « Amour et haine », étudie les conduites affectives et agressives de l’être humain, reconnaissant les deux comme étant des manifestations de sa nature animale : « Personne n’a encore démontré de façon convaincante que, dans un groupe d’humain, il n’y avait pas d’agression d’aucune sorte. L’agressivité, ou la tendance à l’agression, semble répandue sur toute la Terre. Les peuples primitifs et ceux civilisés ne semblent pas se différencier à ce sujet. Les indiens des forêts vierges sud-américaines, les papous ou les tribus d’Afrique noire ne sont pas moins agressifs que les citadins des nations civilisées. Le déploiement agressif par les habits et décorations, les armes et l’aspect viril ont dans le fond les mêmes caractéristiques, même dans des cultures très différentes. L’homme se rend impressionnant par des plumes, des chapeaux en peau d’ours et toutes autres choses qui le font paraître plus grand. Il renforce sa musculature et exagère même la largeur de ses épaules. Il a même été démontré que, dans toutes les cultures, la mimique de la menace et de la colère est la même. (…). Cependant, comprenez-moi bien,, ne suis pas en train de justifier l’agression, je souhaite insister sur le fait que tout ce qui fut un temps nécessaire à l’adaptation, ne conserve pas cette fonction de survie pour toujours. Avec le changement d’environnement, il n’est pas rare qu’une adaptation survive comme un résidu historique mais ne représente déjà plus aucun avantage dans la sélection. (…) Le développement de la civilisation est basé sur la coopération et le soutien mutuel. Avec la faculté d’aimer, les vertébrés supérieurs se sont élevés au-dessus de l’agression et sont arrivés à un niveau évolutif qui doit être valorisé comme « supérieur » ou plus élevé. Si nous n’avions pas plus que l’agression, il est probable que nous serions encore à l’étape des reptiles. Avec le même argument, nous pouvons considérer la valeur de la liberté individuelle comme une valeur supérieure. (…) Il s’agit d’un pas en avant de l’évolution dont nous ne pouvons pas encore prévoir les conséquences. »

En regardant la masculinité à partir des archétypes, dans le chapitre « Les Dieux absents » du livre « Les dieux de chaque homme », Jean Shinoda Bolen observe :

« L’archétype père change et, au fur et à mesure qu’il y a des hommes qui changent dans cette direction, un nouvel archétype père arrive dans cette culture. Chaque nouvelle génération de pères s’unit à ceux qui, au siècle dernier, furent présents aux accouchements de leur femme. Ces hommes sont généralement plus en lien avec leurs bébés et sont des pères plus actifs avec leurs enfants ; ils ne sont pas tellement distants émotionnellement ou inaccessibles comme les pères célestes. Ils reflètent l’évolution de Zeus, dieu céleste et distant devenant un dieu qui a créé un espace utérin pour son fils dans sa propre cuisse. En faisant cela, le père céleste Zeus a adopté un aspect terrestre, comme le font aussi les pères d’aujourd’hui. Certains hommes se transforment en Père Terre. De toutes les images d’enfant, celle du père terre est celle qu’on a le plus éliminé des valeurs et des ambitions imposées par l’éducation. Il se peut que, pour un homme, ce soit l’image la plus difficile à accepter pour se sentir vraiment enrichi. Elle représente pourtant un des aspects les plus fondamentaux pour l’enfant. Au lieu d’être un héros, un être autoritaire, un pont vers le monde extérieur ou une force à vaincre, le père terre a pour fonction de montrer à ses enfants la confiance de base et la sécurité intérieure qui l’aidera à grandir et s’émanciper de la famille pour former une identité unique. »

Quoi qu’il en soit, tout semble montrer que, à l’heure de penser au masculin, il n’y a pas dans le passé beaucoup de modèles de tendresse sur lesquels nous reposer pour prendre de l’élan vers le futur. La genèse d’un nouveau modèle de comportement est entre les mains de l’homme actuel et il ne peut prendre forme que dans le présent, comme expression de notre liberté. Chaque acte prend sens et a le pouvoir de créer de nouvelles réalités, de résonner chez d’autres hommes, de produire le changement. Cependant, pour quoi désirerions-nous un changement ? Pour quoi nous aventurerions-nous vers une masculinité plus ouverte à la tendresse ? Ces questions débouchent sur la même réponse que la majorité des questions existentielles : pour être plus heureux.

La tendresse est un chemin qui nous libère du vide existentiel. C’est une disposition à nous connecter avec le côté pur des choses. Un pont qui nous conduit de notre monde intérieur vers le centre de la vie. La tendresse éradique la confusion qui nous fait nous sentir isolés face à la vie. Les frontières de la peur s’évanouissent. C’est un changement de perspective par lequel nous cessons de regarder les choses à distance, pour entrer en contact, pour les aimer, pour plus nous sentir face à mais dans la vie.

Le contraire de la tendresse n’est pas l’agression, mais l’indifférence. Dans les mots de Rolando Toro, la tendresse est « présence qui donne de la présence ».

Quand un enfant reçoit un geste tendre de son père, il se sent regardé, reconnu, en sécurité avec lui-même. Le petit héros se repose. Les hommes qui n’ont pas reçu de tendresse enfants, aujourd’hui encore erre dans les rues en recherche de ce geste, embarqué dans un héroïsme souvent vide de sens profond. L’indifférence est la négation de l’autre, le dépouillement de sa singularité, l’aridité du contact où l’amour se dessèche et forme des cuirasses. Laisser tomber ces cuirasses demande un courage immense, le courage d’ouvrir notre cœur, de nous montrer vulnérable.

Si l’érotisme est le plaisir de la sexualité, la tendresse est le plaisir de l’affection auquel nous avons droit d’aspirer en tant qu’hommes. Notre masculinité ne devrait pas nous priver de la joie des étreintes sensibles des amis, de la discussion intime et profonde, des larmes spontanées qui surgissent de tristesses ou de joies.

Comme la répression sexuelle a miné la féminité en poussant les femmes à être vierges ou prostituées, je crois que la répression de la tendresse peut aussi nous amener à la perte de notre masculinité profonde.

Il ne s’agit pas de rejeter notre fonction de père garant et protecteur de la famille. Notre don naturel de force physique nous parle d’une certaine disposition aux travaux plus rudes. Mais, pourquoi ne pouvons-nous pas évoquer cette énergie quand la situation le demande, sans perdre la tendresse dans notre cœur ? Dans un monde compétitif et souvent hostile, peut-être est-il justement nécessaire de garder éveillé notre chasseur, notre guerrier comme archétype qui donne l’abri et la sécurité nécessaires pour que notre côté sensible ose s’exprimer.

Comme futur père, je sens que nous avons besoin d’apprendre à pulser entre « le yin et le yang de la masculinité ». Combiner le père qui sait protéger et être garant de son troupeau, avec un homme capable de prendre soin avec amour, de donner des caresses, de se montrer vulnérable, proche, affectif.

Quel sera le chemin vers une nouvelle masculinité ?

Serons-nous capables d’inventer un nouvel homme au-delà des vieux modèles ?


Ces questions invitent à regarder avec un sens critique le passé, à nous auto-créer avec liberté dans le présent et à nous aventurer pleins de courage vers le futur.

Dédié à Cony, la femme qui nourrit ma tendresse et à tous les hommes qui osent vivre la leur.

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