Après 25 siècles, nous arrivons au versant de la libération des corps.
Après avoir jeté les corps esclaves au lions dans l'arène romaine et avoir crucifié le corps de l'Homme Dieu; après avoir flagellé les corps avec des verges pour gagner le ciel, avançant parmi les bûchers humains de l'inquisition, parmi les infinies formes de torture; après l'holocauste d'Hiroshima et Nagasaki et de l'immolation de moines vietnamiens, nous arrivons à l'Age du Corps Bien-aimé, de l'hédonisme contemporain, des massages et psychothérapies corporelles.
En ce moment, la préoccupation est centrée sur la "libération des corps", la libération de la répression sexuelle, des pleurs, du cri, des tensions caractérologiques dénoncées par Reich.
Toutefois, il est nécessaire de mettre les choses en ordre. Nous sommes une espèce qui marche en direction de l'abîme. Avant la libération, il est urgent de nourrir les corps. Avant la psychothérapie, il est nécessaire de survivre.
C'est sur ce point que les corps sont une expression sociale, quand la schizophrénie et le rachitisme appartiennent au même corps, quand le manque sexuel et le manque d'aliments font partie d'une seule problématique. Quel est le problème d'un enfant rachitique? La déformation des corps, le gonflement du ventre, l'infiltration du plasma dans les articulations, la solitude, le désarroi, l'humiliation? Il est nécessaire de reformuler les techniques d'assistance. Le premier problème de la psychiatrie est de savoir comment alimenter des millions d'affamés. Ensuite, la libération des corps.
Dans la recherche du pouvoir, les personnes cessent d'être nourries. La Biodanza est un système de nutrition absolue. Tu te nourris du cosmos, de l'amour de l'autre et des fruits de la terre. Pain et baisers sont les instruments d'échange.
Le corps est le résultat d'une posture existentielle: une gamme de palimpsestes[ avec des enregistrements et des modifications successives. Que fit la société de ce corps? Que fit la société du corps de cet ouvrier avec les côtes incurvées, avec les mains durcies, avec la bouche serrée, avec le sexe impuissant? Où commence l'humiliation et où finit-elle? A quel point son impuissance sexuelle n'est-elle pas une impuissance de toute sa vie? A quel point les cyphoses dorsales ne sont-elles pas une identité massacrée? Que fit la société du corps de la prostituée et que fit la société du corps du soldat?
Comment se contrôle le corps maniaque d'un fasciste, le corps dépressif des hommes fourmis et le corps de l'explorateur qui a subi un infarctus? Ne sommes-nous pas, par hasard, la réponse macabre à un monde sans pitié? Ne sommes-nous pas la griffe, la cuirasse, les yeux changés en poignard, le sexe, un piston, une partie d'une machine qui s'insère à contretemps dans le vide de la nuit masturbatoire? Que fit la société avec les seins qui nous allaitaient, avec les bouches sans dents? Que fit-elle avec nos pas faits pour marcher en recherche du frère et qui avancent silencieux comme les pas d'un chasseur? Que fit la société avec nos pauvres cerveaux délirants? Ne fussent pas nos parents, ceux qui ont généré le traumatisme, le vice de l'abandon, la schizophrénie? C'est l'héritage historique d'une pathologie de laquelle, pour la première fois, nous avons conscience. Nous sommes l'expression grotesque de nos valeurs culturelles.
Nous devons renaître en un corps ardent et plein d'amour, en harmonie, dans la majesté du sexe, dans l'élan du saut et dans la fraternité de l'étreinte. Seulement en coupant le fil historique et en commençant de nouveau, du fond de nous-mêmes.
Le processus évolutif de l'homme doit commencer avec l'étape de survie, suivre avec la libération pour culminer avec la félicité amoureuse et créative.
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