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  • Photo du rédacteurBiodanza-Paula

Vivencia et co-vivencia, tribu et groupalité par Carlos Garcia

Ce n’est pas pour rester à la maison que nous faisons une maison

ce n’est pas pour rester dans l’amour que nous aimons

et nous ne mourons pas pour mourir

nous avons la soif et

les patiences de l’animal.

Juan Gelman


En nous qui sommes si modernes et si civilisés, si éduqués par la raison et le calcul, palpite encore l’impulsion originelle de la tribu. Bien avant les contrats sociaux, les cases et les classes, avant que nous habitions les cités ou même des villages, il y avait la tribu. Et le sentiment tribal reste sous l’épaisse cuirasse de la répression morale et sociale. Nous pouvons le voir émerger dans les états de régression et dans la transe, mais aussi dans les concerts et dans les states, pourtant bien contaminés par les identifications et le consumérisme. Dans ces cas, la fusion du corporel et de l’émotionnel a donné lieu à un phénomène tribal qui est plus qu’une foule de personnes ensemble. Dans cette groupalité, on revit le sens tribal qui nous connecte de nouveau à l’espèce et, par elle, à la matrice universelle.


Je sais que certains pourraient demander : Pourquoi récupérer, dans ces temps de progrès, quelque chose de si archaïque comme le sentiment tribal qui nous habite ? Cela ne signifie-t-il pas un recul, une involution à des étapes dépassées de l’histoire humaine ?


Au contraire d’un recul ou d’une involution, la récupération du sens tribal commence à être vu comme fondateur d’une nouvelle forme de lien plus proche de celui vivenciel que social. Selon Michel Maffesoli, ce qui est important dans les nouvelles formes de groupalité ce sont les façons de communication et d’interaction vivencielle entre les personnes en lien, beaucoup ritualisée et locale développant de cette façon d’autres valeurs. « En ce sens, avant d'être politique, économique ou social, le tribalisme est un phénomène culturel. Vraie révolution spirituelle. Révolution des sentiments mettant l'accent sur l'allégresse de la vie primitive, de la vie native. Révolution exacerbant l'archaïsme en ce qu'il a de fondamental, de structurel et de primordial. Toutes choses, on en conviendra, qui sont fort éloignées des valeurs universalistes ou rationalistes, propres aux tenants des pouvoirs actuels. » (Michel Maffesoli).


Pour la Biodanza, plus particulièrement, il est très important de récupérer la valeur et ce que représente ce que nous appelons « le tribal », surtout comme une forme différente de groupalité, parce que la méthodologie de la Biodanza est basée sur le phénomène de régression comme forme de structuration de l’identité et la régression est par essence un phénomène essentiellement primaire et tribal.


Maffesoli se risque à aller bien au-delà en proposant un nouveau concept qui comprend la régression mais récupère aussi la valeur de l’instant. Il dit : « Je propose, actuellement, un autre terme : " ingrés " qui à l'image de ce que l'on trouve dans certaines langues romanes (espagnol, italien, portugais), met l'accent sur le fait que peut exister un chemin qui n'ait pas de but, une marche ne se finalisant pas. Entrer (in-gressa) sans progresser (pro-gressa). Voilà ce qui me semble être en jeu pour nos tribus contemporaines. Elles n'ont que faire du but à atteindre, du projet, économique, politique, social, à réaliser. Elles préfèrent " entrer dans " le plaisir d'être ensemble, " entrer dans " l'intensité du moment, " entrer dans " la jouissance de ce monde tel qu'il est. Il est des thérapies (il connaît la Biodanza) reposant sur le principe de régression. Pourquoi, avec la correction sémantique que je viens d'apporter, ne pourrait-on pas envisager une même procédure pour ce qui concerne la vie sociale. Écoutons l'Ecclésiaste : " les fleuves retournent à leur source pour couler à nouveau ". Il y a, parfois, civilisationnellement, des attitudes " d'ingression " favorisant une nouvelle reviviscence sociale. Ce qui nous incite à opérer une véritable plongée dans l'inconscient collectif. Je veux dire prendre au sérieux les fantaisies communes, les expériences oniriques, les manifestations ludiques par lesquelles nos sociétés redisent ce qui les rattache au substrat archétypal de toute humaine nature. »

J’aimerais dire que je suis touché par la vision proche et sensible d’un auteur qui comme peu d’autres arrive à exprimer avec tant de clarté ce que nous faisons en Biodanza et c’est pour cela que j’ai ajouté la parenthèse après son commentaire sur « des thérapies reposant sur le principe de régression », parce que je sais qu’il connaît la Biodanza et parce que je crois qu’il nous apporte un matériel théorique que nous n’avions pas.


En Biodanza, nous considérons l’identité comme un processus dynamique qui change et se développe constamment dans et par la vivencia mais qui implique toujours la relation ou co-vivencia avec l’autre ou les autres qui complètent le développement et l’expression de celle-ci. L’identité est traversée par l’action des autres. Ainsi, la prépotence avec laquelle notre culture insiste sur l’individualisme comme synonyme de progrès social ne résiste déjà plus à aucune analyse saine et a montré clairement que ce n’est rien de plus qu’une ressource pour conserver le pouvoir, la coquille vide de quelques institutions et pour réprimer l’expression plurielle et créative de l’identité.


D’autre part, il est pathétique d’observer comment certains circuits fermés du pouvoir, en particulier dans la justice et chez la politique des partis conservateurs, accusent de sectaires certains groupes de jeunes car ils expriment leur idées ou créations ou à cause de leur comportement, cachant de cette manière leur propre sectarisme dominant, guidé non par les affects et les émotions qui sont le sens de la tribu, mais par les règles répressives qui forment les clans mafieux.


Groupalité et Solidarité

L’élément qui crée le réseau de la groupalité et crée la tribu est la solidarité. Dans le retour affectif à la matrice originelle de l’humain se trouve le lien solidaire. Entendez-bien, cependant, que la solidarité dont nous parlons n’est pas un concept moral, produit d’un devoir être qui cherche le prix qui récompense l’effort parfois non désiré d’être solidaire. Ceci fut la conception d’une fausse solidarité que le pouvoir a imposé comme synonyme de miséricorde, où celui qui a et peut renforce son pouvoir et sa distance à l’autre par l’aumône. Je parle de solidarité comme le résultat d’un désir de partager bien au-delà de si l’autre en a besoin, de partager avec un plaisir qui n’arrive que quand il y a une vraie rencontre. Cette solidarité est propre à l’espèce ou, dit autrement, est le propre de la vie, car la vie est un phénomène solidaire dans son essence.

Il est indispensable que la Biodanza se propose comme une méthodologie qui facilite la rencontre à ce niveau, et tout le système avec ses exercices centrés sur l’intégration affective ont pour objectif d’atteindre ce niveau de solidarité. Réussir cela, même à petite échelle, signifie changer les modèles de relation entre nous. De quoi la réalisation de tels objectifs dépendent-ils ? En principe de ne pas reproduire les modèles de communication et de domination qui ont provoqué la dissociation dont nous souffrons. Si le facilitateur d’un groupe de Biodanza prend une posture de leader charismatique qui possède la vérité et à qui les membres du groupe doivent s’identifier, nous serions en train de développer les mêmes modèles sectaires qui composent les institutions qui nous ont formés. Si le facilitateur, par contre, rend sa relation avec le groupe horizontale, c’est-à-dire qu’il n’utilise pas le système comme un bouclier de faux self (« Le maître ») et interagit à partir de l’affect et le contact, alors les membres du groupe n’auront pas peur d’exprimer leur identité, sentant le support solidaire de pouvoir être comme ils veulent être.


Ce réseau groupal qui est une « matrice de renaissance », comme le dit Rolando Toro, est la base de l’action thérapeutique de Biodanza. Vivencia, identité, rencontre, co-vivencia, groupe, forment une Gestalt dynamique qui permet la danse de la vie. Dans cette matrice se développent les rituels qui réactualisent les modèles primaires du phénomène humain.


Cette groupalité affective et nourricière n’a rien à voir avec l’idée de groupe comme un ensemble d’egos isolés, où les modèles d’interaction se basent sur la projection, la négation et la rationalisation. Dans ces pseudo groupe ou anti-groupes comme certains les appellent, se développent les modèles de domination et de contrôle qui sont monnaie courante dans notre culture, en particulier dans certains groupes religieux dogmatiques et dans les mouvements antipolitiques extrémistes, où on proclame le sectarisme conservateur et xénophobe.


La danse de la vie que propose la Biodanza est beaucoup plus qu’une danse pour le développement personnel, c’est la récupération de la matrice communautaire de l’espèce humaine. Non seulement de l’instinct grégaire, j’insiste, mais de l’esprit solidaire qui construit la commun-unité, la communauté qui est l’expression d’identités surgies de la vivencia constante de la rencontre avec l’autre/les autres. Dans la trame infinie des rencontres et des séparations, l’être humain retourne à être la danse.

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