Les questions de genre sont arrivées à la Biodanza pour rester, car le monde a changé très rapidement et pour le mieux ; pour être à la hauteur de ces changements, nous devons réviser toute notre pratique, non seulement le langage des consignes et des directives pour la réalisation des vivencias, mais également nous questionner sur le modèle donné à certaines danses.
Je crois également qu’il y a quelques confusions au sujet des concepts de yin et de yang chez certains biodanseurs que nous pourrions éclaircir.
Ces concepts naissent de la philosophie taoïste il y a environ 3000 ans avant Jésus-Christ. Le Tao est antérieur aux principes, il est le vide, l’espace, l’absolu, c’est la vie comme potentiel, comme possibilité, c’est le Tao de la vie.
Grossièrement, deux types d’énergies ou de forces potentielles (yin-yang) se détachent et se matérialisent dans la nature, sur la terre, dans l’univers, dans l’humanité, dans tout ce qui existe. Elles sont partie constituantes de chaque entité.
Ce sont des principes pulsants d’une polarité en lien, c’est-à-dire que l’un dépend de l’autre, l’un « existe par rapport à l’autre »…
Ils sont toujours changeants, ils forment une polarité alternative et fonctionnent en complémentarité, comme des opposés qui se génèrent mutuellement dans un mouvement dynamique, toujours « en relation à ». Autrement dit, mon énergie devient yang par rapport à une autre force yin selon la situation, il n’y a pas de frontières fixes. La roue des cycles de la vie, l’enfance fait place à l’adolescence et celle-ci à l’adulte et ensuite au lent vieillissement. Chaque cycle a ses principes yang-yin.
Le principe yang est énergie génératrice de lumière, d’action, de force créatrice masculine active, puissance nécessaire pour notre réalisation. Soleil, jour, été, c’est un état sympathique-tonique, adrénergique qui invite au courage de vivre, à la communication.
Le principe yin est l’énergie passive, réceptive, tranquille, lente, suave et légère du principe féminin, c’est le mouvement interne des émotions intimes, c’est la lune, la nuit, l’hiver. Il prédispose au recueillement, c’est un état parasympathique qui invite à se relaxer et à dormir.
Donnons quelques exemples : Le tronc et les branches d’un arbre surgissent de la force yang, les feuilles et les fleurs du principe féminin yin. L’eau d’un lagon tranquille émane de l’énergie yin mais la cascade pleine de puissance est générée par le principe yang.
Il y a un problème en ce moment dans notre culture où l’homéostasie est altérée, nous mettant dans un état de stress quasi permanent, et pourtant ni notre yang s’exprime dans toute sa dimension, ni notre yin car nous ne pouvons nous détendre, ni aller plus lentement. Nous dormons tendus, nous ne nous relaxons pas, nous ne cessons de penser, nous avons des cauchemars.
C’est une culture yang de l’extérieur, du succès, du bonheur comme impératif, de la compétition constante dans un temps resserré. Quand nous arrivons à la maison, nous comptons sur toute la technologie qui nous met aussi dans la rapidité et le bruit.
L’époque de la pandémie était un moment propice pour s’arrêter, aller à la rencontre de notre énergie yin, de notre intérieur, de laisser surgir l’inspiration, l’intuition, l’auto-observation et une réflexion bienveillante sur l’état actuel de notre existence pour nous proposer des changements substantiels.
A la base du modèle théorique de la Biodanza il y a le chaos qui est antérieur à la dualité. C’est la totalité des possibilités non organisées, les principes de vie cosmique, c’est l’espace du Tao, c’est sans cause et sans but, c’est la vie comme potentiel d’où surgira la vie matérialisée en formes, les êtres, les éléments, les objets comme combinaisons et organisations possibles (yin-yang).
Même si Rolando Toro ne l’a pas placé explicitement, nous pouvons dire sans crainte de nous tromper qu’à la base du modèle théorique apparait le potentiel yang-yin avec son potentiel génétique. C’est le potentiel ascendant, c’est le flux de vie qui se déploiera au cours des ans dans un cercle spiralé entre les pôles de l’identité et de la fusion. Sur le pôle gauche serait l’énergie yang, l’action, la détermination, la présence, la puissance, les choix de la personne, la conscience de soi, le feu, le tigre avec son pouvoir de vie, le courage d’être. Sur le pôle droit est le yin, ce sont les eaux tranquilles, l’hippopotame qui cherche le plaisir, le relâchement, le silence, la fusion, la régression, la lenteur, la non-action, laisser que les événements arrivent et apparaissent. C’est le temps d’attente, des rencontres et des synchronicités.
Dans le développement de notre ligne de créativité, l’expression de ces opposés est fondamentale puisque le yin (repos) alimente le yang (action), dans l’un apparaissent les idées, les rêves, l’inspiration et dans l’autre les actions, les concrétisations des projets enthousiastes.
Revenons au modèle, au sommet il y a l’intégration yin-yang en constante alternance et unis par l’AMOUR.
Dès que nous naissons, nous marchons vers l’intégration de notre identité dans toute son expression et retournons au chaos informe, immatériel pour ensuite surgir dans un cercle spiralé de continuité infinie.
La majorité des cultures ont trafiqué la balance, donnant à l’homme des caractéristiques yang et à la femme des yin, ayant pour conséquences une série de règles morales et posturales qui dérivèrent en comportements prédéterminés. S’est ainsi construit un sens commun à ce sujet ; infinité de « vérités » se sont installées et nous devons aujourd’hui les déconstruire, comme l’idée du corps féminin siège du péché.
La diversité de l’expérience sexuelle fut niée et censurée.
Les deux principes cohabitent dans toutes les créatures et chez toutes les personnes, indépendamment du sexe et du genre.
Même dans les domaines politico-économiques, juridiques et socioculturels, des types d’attitudes et d’aptitudes correspondantes à un homme ou à une femme se sont imposées. On crée une culture patriarcale qui décide ce que doit faire et sentir un homme et ce que doit faire et sentir une femme. Les rôles deviennent fixes et statiques, dichotomiques, niant la possibilité de la diversité. En occident, la raison dichotomique nie l’opposé en le plaçant comme un contraire irréconciliable. Quelque chose est bien ou mal, beau ou laid, on polarise avec rigidité alors que tout est en mouvement et se transforme l’un l’autre, le bien en mal et vice-versa. La bienveillance est en danse et lutte constante avec la malignité. Une éducation biocentrique devrait baser sa pédagogie sur le jeu yang-yin. Surtout travailler le principe féminin de la terre, des émotions, des déesses. Chez les adolescents, travailler les polarités comme complémentaires en soi et en lien avec la femme.
En Biodanza, il est important de travailler les deux en chaque personne et dans tout le groupe, éclaircissant dans les consignes l’importance du féminin et du masculin développé en chacun et chez tous les genres. Nous pourrions réfléchir et débattre sur certaines danses de notre système et comment nous les travaillons. Les danses de séduction, la marche masculine et la marche féminine et quelques autres partent d’un modèle prédéterminé produit par la vision patriarcale. Nous pourrions donner plus de liberté pour que chacun exprime sa dualité librement et évolue selon son propre processus.
Il est aussi important de revoir et réfléchir sur certaines question éthiques par rapport au yin-yang et au rôle du facilitateur dans la séance et hors de la séance. Que se passe-t-il avec les préjugés du facilitateur ?
Il serait bon également de revoir le travail avec les archétypes. Aphrodite est l’énergie sensuelle puissante de la femme, quand elle t’envahit comme puissance yang, elle fait émerger ta volupté, embellit ton corps, tu vibres en recherche de plaisir. En aucune manière, cette énergie a quelque chose à voir avec la femme sexy que nous voyons dans les médias de communication massive. C’est une énergie interne qui te met en expansion et provoque. Cette énergie est aussi chez l’homme, non comme force machiste mais comme soin et douceur.
C’est la même chose avec l’archétype de la guerrière que l’on voit aujourd’hui au cinéma comme modèle masculin de combat mais avec une figure féminine. Etre guerrière n’est pas exister que pour l’affrontement, mais être solidaire et être concernée par les conflits que vit son peuple, être en empathie avec les difficultés des autres êtres humains, ne pas être en compétition avec une autre femme mais une compagne au coude à coude. Au quotidien, la lutte avec son partenaire, en tant qu’égale, génère de la tendresse. Les deux énergies (yin-yang) dansent en elle intégrées par l’amour.
Il faut chercher de nouveaux modèles de femme, sortir du modèle patriarcal masculin et oser créer diverses façons d’être une femme. Construire ensemble, éduquer ensemble à partir d’un regard biocentrique, à partir du territoire et du corps, assumer nos polarités, paradoxes et contradictions en formant des collectifs de femmes pour la transformation socioculturelle de l’humanité.
Avec amour.
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