Éduquer correspond, premièrement, à la découverte des possibilités des êtres humains à être dans le monde.
Certains disent que l’éducation montre une vision du monde. Voir est une possibilité. Mais il existe d’autres formes d’approche de ce qu’est le monde. Malheureusement, ces formes sont niées par la tradition pédagogique.
L’éducation biocentrique veut récupérer tous les sens : la vision du monde, le parfum du monde, le goût du monde, le toucher du monde, les sons du monde ! Il est nécessaire de sentir le monde dans son entier pour s’éduquer !
Les matières de l’éducation ne sont pas enfermées dans des salles, confinées dans des écoles ou n’importe quelle institution. Les matières de l’éducation ne sont pas fixées à une certaine place, elles ne se laissent pas emprisonner ; elles circulent en différents espaces et temps, de façons très variées et parfois inespérées. Les matières de l’éducation ne peuvent être cherchées que dans la VIE que nous vivons !
Lamentablement, la société contemporaine est profondément marquée par des modèles individualistes qui stimulent la compétition et la domination. Nous souffrons, par conséquent, d’une pathologie affective évidente qui génère le manque d’amour pour soi-même et pour les autres, abaisse l’estime de soi et rend difficile les contacts sains.
Affectivement, nous sommes plongés à un niveau de survie. Il faut chercher la vie !
Rolando Toro dit que nous avons besoin de créer de nouvelles règles internes pour vivre. Il revient à l’éducation de créer de nouveaux espaces et du temps pour que les personnes puissent sentir que le chemin vers le soin et l’affectivité peut être vécu et non seulement attendu !
Si une personne vit constamment la compétition, l’individualisme et la domination, elle ne peut pas laisser émerger une pratique affective saine. Pour créer des relations de vie, il faut les vivre et non les attendre ; pour aimer il faut sentir et non imaginer.
Donner à l’espace éducatif la forme d’un école-univers. Ceci est l’axe principal de l’éducation biocentrique, la plus grande leçon de Rolando Toro.
Il est important de comprendre que nous considérons ce texte comme une introduction aux idées de Rolando Toro sur l’éducation biocentrique. Ce n’est que notre lecture des matières précieuses que nous lui avons empruntées. Notre contribution, qui est aussi un espoir, est celle de présenter, même d’une façon succincte, certains aspects de ses idées et inviter les lecteurs à connaître plus profondément sa pensée.
Qui est Rolando Toro
Rolando Toro Araneda, psychologue et anthropologue, est né à Concepción au Chili le 19 avril 1924. Il est poète et peintre. Il a occupé la chaire de psychologie de l’art et de l’expression à l’institut esthétique de l’université pontificale du Chili et fut privat-docent du centre d’études d’anthropologie médicale de l’école de médecine de l’université du Chili. Récemment, il fut nommé professeur émérite de l’université ouverte interaméricaine de Buenos Aires, Argentine.
En tant que didacticien du centre d’anthropologie médicale, à l’école de médecine de l’université du Chili, il réalisa des recherches sur l’expression de l’inconscient et sur les états d’expansion de conscience.
Il est le créateur du Système Biodanza qui est pratiqué en Europe, en Amérique et dans divers pays d’autres continents.
Rolando Toro est président de l’International Biocentric Foundation – IBF. Il vit actuellement au Chili, d’où il dirige et coordonne les activités de Biodanza dans le monde entier. Il est également membre fondateur et président honoraire de l’Association Européenne des Enseignants de Biodanza – AEIB. (Rolando est aujourd'hui décédé)
L’intelligence affective
En parlant de l’éducation biocentrique, Rolando Toro fait ressortir l’antériorité des processus affectifs sur l’élaboration symbolique. La compréhension des configurations existantes dans le monde est intimement liée à l’exercice d’attribuer des signifiés. Cet exercice est une qualité de l’intelligence humaine qui opère dans le domaine de l’affectivité.
Dans les mots de Rolando Toro, la définition la plus essentielle de l’intelligence serait : « la capacité affective d’établir des connexions avec la vie et de lier l’identité personnelle à l’identité de l’univers. »
Il est important de comprendre que l’auteur ne met pas en scène un type spécial d’intelligence : l’affectivité est un portail pour différentes formes d’intelligence (motrice, spatiale, mécanique, sémantique, etc.).
La relation perception-affectivité mérite d’être détaillée. Dans les mots de Toro « Les relations entre perception et affectivité furent déjà démontrées dans les recherches sur la perception dans « la chambre des perspectives altérées d’Ames ». La taille des personnages, vus par un orifice dans la chambre construite par Ames, est perçue complètement différemment selon le degré de relation affective existant entre l’observateur et la personne observée. Ceci veut dire que l’affectivité organise la perception. (…) Pendant les expériences hallucinogènes, la perception des couleurs change violemment selon la qualité de l’affectivité et de l’humeur. Dans des états dépressifs profonds, les couleurs sont perçues opaques et sans vie. Dans la psychose, la perception des formes, des espaces, du temps et des couleurs change avec les altérations structurelles de l’affectivité. »
Éduquer et Rétablir des liens
Rolando Toro souligne deux grands objectifs dans l’Education Biocentrique : l’apprentissage par le développement de la pensée et apprendre à vivre.
Apprendre pour le développement de la pensée est une tâche classique et correspond à l’effort d’offrir une éducation scolaire de qualité qui inclut l’apprentissage culturel, la lecture, l’écriture, l’arithmétique, les arts, la préparation de base pour découvrir les secrets de la nature et entrer dans les disciplines scientifiques, technologiques et humanistes.
Le second objectif, spécialement nourri par le Principe Biocentrique, montre le besoin d’apprendre à vivre, à être heureux et à se lier affectivement.
Avec ces termes, Rolando Toro défend l’urgence d’éduquer les personnes à une nouvelle façon d’être face à soi-même, à ses semblables et aussi à la nature.
Il ne s’agit donc pas de cultiver seulement l’intellect, mais essentiellement le développement de l’affectivité. Pour atteindre cet objectif, il faut que les enfants apprennent à vivencier, c’est-à-dire à sentir avec intensité, ici et maintenant, son expérience avec la vie.
Assumer l’Education Biocentrique dans les écoles implique des changements organisationnels et culturels qui incluent, selon Rolando Toro, les points suivants :
Le rétablissement du lien avec la nature, des excursions, des cours de natation, la culture d’un jardin, l’observation et le soin aux animaux, des promenades à cheval, etc.
Une attention à l’alimentation : consommer des fruits, des légumes et une alimentation complète avec des protéines d’animaux et de végétaux, des lipides et des hydrates de carbone, faire du pain et préparer des jus de fruits.
La protection écologique : prendre soin de l’environnement, nettoyer, notions générales d’écologie.
Cultiver le langage poétique : après avoir fait de la Biodanza écrire une poésie dédiée à un compagnon avec comme thème : « Le poème c’est toi ».
Assister à des concerts de musique, participer à des chœurs scolaires, demander aux enfants qu’ils fassent des commentaires sur leurs préférences.
Participer à des séances de Biodanza, au moins deux fois par semaine, d’une durée de deux heures chacune.Intégration de la famille : une fois chaque quarante jours inviter les parents et les personnes de la famille pour une session partagée avec les enfants et les professeurs.
Objectifs de l’Education Biocentrique
Rolando Toro souligne 8 points fondamentaux qui orientent une éducation nourrie par le Principe biocentrique :
Cultiver l’affectivité pour dépasser toute discrimination sociale, raciale ou religieuse.
Prendre contact avec sa propre identité afin d’éduquer les personnes à vaincre les défis face aux difficultés, à avoir le courage pour défendre leurs points de vue, à avoir une connexion avec sa propre force.
Cultiver l’expressivité et la communication pour exprimer les émotions par la danse et le dialogue ; pour développer la créativité artistique et l’expression verbale, oratoire et de récitation.
Développer la sensibilité cénesthésique, la perception de son propre corps et la dextérité motrice pour développer la fluidité, la coordination, la synergie, l’eutonie, le plaisir cénesthésique et la natation organique.
Acquérir l’apprentissage vivenciel par des cours d’apprentissage vivenciel sur la nature, la géologie, la botanique, la zoologie et l’astronomie.Intégrer la nature et le développement de la conscience écologique par des excursions à la mer et à la montagne ; perception de la nature avec les cinq sens, recherche d’un nid écologique.
Développer et amplifier la perception musicale et d’autres arts plastiques ; percevoir avec les cinq sens des situations humaines.Expansion de la conscience éthique.
En semant l’idée d’une éducation biocentrique – une éducation qui a comme centre la vie -, Rolando Toro apporte une nouvelle exigence : l’élément le plus précis de l’éducation est de collaborer pour que les personnes créent et développent leurs propres « règles internes pour vivre ».
Éléments constitutifs de l’éducation biocentrique
L’éducation biocentrique a comme priorité le développement d’une intelligence affective.
L’idée de base n’est pas de disqualifier la formation intellectuelle ou technologique : elle met en avant la stimulation des potentiels génétiques qui ont la structure de base de l’identité.
Nous présentons ici, de façon synthétique, cinq éléments constitutifs de l’éducation biocentrique selon Rolando Toro :
L’éducation biocentrique se fonde sur le paradigme des sciences humaines et sur le Principe biocentrique
Le Principe biocentrique donne une priorité absolue aux actions qui permettent la conservation et l’évolution de la vie, en stimulant l’expression des instincts et le développement affectif par les protovivencias et les vivencias intégrantes.
Méthodologiquement, elle utilise le Système Biodanza comme médiation entre l’éducation traditionnelle et la proposition biocentrique. Ceci veut dire introduire de nouveaux contenus dans le programme, dans la pratique éducative et la méthodologie.
Les facteurs environnementaux sont les écofacteurs d’intégration avec la nature et avec le semblable. Les écofacteurs s’organisent autour de l’amour, de la nature, de la sacralité de la vie et de l’amour pour le semblable.
Les contenus sont : expression de l’identité (potentiels génétiques) ; rénovation organique ; harmonisation de l’inconscient vital ; affectivité intégrée ; créativité, innovation existentielle et artistique ; expansion de conscience (éthique) ; perception de l’unité cosmique ; développement de l’intelligence affective et de la raison critique ; plaisir de vivre.
Pour une pédagogie du sacré
La rencontre avec le Principe biocentrique donne une qualité différente à l’éducation : la vie en tant que centre éthique, écologique et éducatif. La vie n’est pas qu’un produit de processus atomiques ou chimiques ; la vie est comprise comme un « programme » impliqué qui guide l’organisation de l’univers.
Souvenons-nous ici d’un passage du fil italien Giordano Bruno, écrit et dirigé en 1973 par Giuliano Montaldo. Dans une rue étroite, à des personnes simples et attentives, Giordano Bruno parlait des correspondances entre le monde animal, végétal et humain : « Pense au lait, qui fait le lait ? La vache. Et que mange la vache ? De l’herbe. La prairie, le nuage, la pluie, le ciel, les astres, l’univers, Dieu – si vous le voulez. Univers, astres, ciel, nuage, pluie, prairie, herbe, vache, lait. Une image vive de Dieu – si vous le voulez ».
Le Principe biocentrique est la reconnaissance d’un fondement impliquant – unificateur ou transcendantal – qui sous-tend ce que nous sommes capables de vivre dans le quotidien. Il est la reconnaissance d’une matrice cosmique de vie.
Rolando Toro dénonce la perte de notre connexion à la vie, par un processus historique de dégradation instinctive. Voici ses mots : « Il n’y a pas de ‘réflexes de vie’ chez le citoyen commun de nos métropoles. On peut postuler que la maladie est l’incapacité d’établir des bio-feedbacks avec tout ce qui est vivant dans l’environnement. Notre intellect a développé une capacité monstrueuse à se lier avec des choses mortes dans un processus de sophistication
nécrophile ».
Immergés dans ce processus malade, qui déjoue le lien que nous avons avec le Cosmos, nous perdons la perception que la vie a une condition sacrée.
Connecter l’éducation à la vie n’est pas qu’une possibilité, c’est une nécessité. Connecter l’éducation à la vie signifie assumer que l’existence a une qualité sacrée qui a besoin d’être récupérée dans tous les domaines.
Le sacré n’est pas confiné dans des rituels. La pensée de Toro vise à réunifier les actes sacrés et les actes profanes. La méditation sur le sacré est nourrie par la contemplation du quotidien ; elle peut être rituelle et non rituelle.
Ainsi, l’acte sacré est hors du temps de la liturgie, est hors du temps rituel : l’acte sacré est quotidien, il est le temps vécu. Chaque geste, chaque mot est capable de révéler la réalité sacrée qui existe en nous.
Voici les mots de Toro : « Le sacré se trouve dans n’importe quelle circonstance de la vie qui se passe. Toute la vie est sacrée. L’acte sexuel qui se fait dans un temple ou celui qui se réalise dans une chambre d’hôtel misérable ont la même condition de sacré. Quand les personnes sont connectées avec amour, elles recyclent l’énergie cosmique, elles vivent l’amour éternel d’Aphrodite et d’Apollon. L’homme fatigué qui marche dans la rue parce qu’il n’a pas d’argent pour le bus est aussi un marcheur d’éternité. L’enfant dans les bras de la Vierge Marie et l’enfant abandonné, rachitique et affamé qui cherche la nourriture dans les tas d’ordures sont des formes de l’Enfant Divin. »
Pour une pédagogie de l’amour
Rolando Toro par du principe qu’il existe une force puissante qui oriente la vie pour établir des structures vitales cohérentes.
A partir de ce point de vue, l’amour acquiert une grande importance parce qu’il est considéré comme la « plus grande force structurante de l’existence. »
Voici les mots de Toro : « Le besoin d’amour est tel chez l’être humain que, si l’amour manque, l’individu se dirige vers la désintégration et la mort. Un manque d’amour est une situation biologique insupportable. Si les personnes ne rencontrent pas l’amour, elles entrent rapidement dans des situations pathologiques : toxicomanies, destructivité, folie ou maladies organiques. Ces choix sont toujours des programmations de mort. (…) L’amour est donc la recherche de la structure et de l’unité comme forme essentielle de l’être dans le monde (…). »
En ces termes, Toro affirme que l’amour est une énergie qui permet la conservation de la vie en tant que vie, c’est un processus anti-entropique. Ainsi, l’amour n’est pas une idée abstraite ; c’est un exercice concret, quotidien, pour ceux que nous aimons.
Il est important de souligner que l’amour a un potentiel social et politique : « (…) tous les hommes, par le simple fait de vivre en société, exercent une fonction politique. Cette fonction devient consciente et prend tout son sens quand surgit chez l’individu la vivencia de l’amour communautaire. Ceci donne l’impulsion pour faire des efforts convergents et des actions de solidarité avec les hommes. Notre pensée politique est centrée sur les notions de gouvernement démocratique et la régulation des conditions sociales pour augmenter le plaisir de vivre, la justice et la solidarité (…). Le processus d’évolution intérieure de l’individu implique l’expansion de son influence politique, de sa capacité de lien solidaire. L’action politique, à partir d’un processus évolué (et non révolutionnaire) n’exclut pas l’agression comme moyen de défense et d’attaque ».
Une pédagogie de l’amour donne l’image d’un individu relationnel et donc d’un lien solidaire avec l’autre. Une pédagogie de l’amour est un exercice permanent de soin, personnel, social et politique.
Pour une pédagogie de la présence
Si les conditions culturelles, sociales et économiques actuelles sont anti-vie, il faut instaurer une nouvelle configuration sociale, non avec une nouvelle idéologie, mais avec le rétablissement, à chaque instant, de mouvements qui soient nourris par la vie
Ceci veut dire que le changement est lent, quotidien et profond et comprend un mouvement affectif et amoureux et non idéologique.
Célébrer le temps présent signifie expérimenter chaque moment comme unique et non transférable dans le temps et l’espace ; cela signifie plonger entièrement dans l’ici-maintenant pour faire de son mieux.
Rolando Toro souligne le besoin et l’urgence de penser l’amour, la liberté et la transcendance, non comme des concepts abstraits, mais comme des questions immédiates, avec une expérience corporelle vécue dans le quotidien.
Alimenter l’organisme vivant est un acte du temps présent. Alimenter un corps pour qu’il puisse vivre n’est pas un souvenir du passé ou une programmation vers le futur. Le corps a faim de vivre. Et vivre est une expression du temps présent.
Le Principe biocentrique, traduit en activités humaines, est viscéral dans sa position politique et défend la vie contre l’exploitation et l’injustice : « La plus subversive de toutes les disciplines est celle qui se fonde sur le respect de la vie, le plaisir de vire, le droit à l’amour et au contact. Le Principe biocentrique ne reconnaît pas l’autorité extérieure, que ce soit d’un gouvernement avec sa violence institutionnalisée ou d’idéologies politiques et religieuses qui discriminent les êtres humains. Le Principe biocentrique est révolte. »
Pour une pédagogie des instincts
L’idée de l’éducation biocentrique est intimement liée à la défense d’une « éducation sauvage » : il s’agit de créer des situations d’apprentissage pour que les personnes puissent cultiver leurs potentiels génétiques.
Voici les mots de Toro : « Je propose le terme Éducation Sauvage comme un ensemble de tous les procédés qui peuvent stimuler, chez l’enfant, chez le jeune et chez l’adulte, le cycle des instincts ; souligner et renforcer l’instinct pour la sélection des aliments en lien avec les besoins organiques profonds et les savourer, profitant du plaisir de l’aliment (ensemble, avec les autres) ; stimuler la capacité de lutte et de défense par des jouets et des jeux adaptés à la tranche d’âge ; stimuler la sexualité naturelle par le contact et les caresses ; développer le plaisir cénesthésique du mouvement par des exercices d’harmonie et de fluidité, la natation organique et la Biodanza ; activer l’expression affective et créatrice par le chant, les chœurs primitifs, la poésie et le théâtre, l’utilisation de couleurs et le dessin, le travail avec l’argile (…). Tous ces procédés devraient être pratiqué avec la participation régulière de la famille, y compris les grands-parents, les aînés, en amplifiant l’espace éducatif sous la forme d’une Ecole-Univers ».
L’éducation sauvage montre l’intégration saine des instincts dans le processus éducatif. Rolando Toro parle du respect pour la vie, « comme un agriculteur respecte la semence. Cette conception ne peut être soutenue qu’à partir de l’axiome que la semence humaine est essentiellement bonne, qu’elle a une impulsion divine en elle. Une discipline de développement n’a qu’à aider chaque individu à retrouver cette impulsion en lui ».
Il est important de souligner ici que l’ducation biocentrique est orientée pour collaborer dans le développement de mécanismes d’autocontrôle de son propre processus évolutif, par un processus de découverte d’auto-divinisation de la vie comme phénomène cosmique.
La recherche de l’autocontrôle ne signifie pas la modélisation d’un comportement, il s’agit d’un effort personnel d’autoréflexion, d’un processus individuel de découverte que sa propre personne peut chercher ses propres réponses vitale. De telles réponses doivent être trouvées de la façon la plus adéquate possible en lien avec le développement intérieur de ses potentiels génétiques.
Pour une pédagogie vivencielle
Le terme « vivencia » signifie l’instant vécu, ici et maintenant. La vivencia émerge dans l’instant où elle est vécue. Inspiré par Dilthey, Rolando Toro défend l’idée que la vivencia a une « qualité de l’originaire », c’est-à-dire des éléments propres aux instincts, à la nature, qui ne sont pas sous le contrôle de la conscience et qui peuvent être « évoqués ».
Voici les mots de Toro : « Le pouvoir réorganisateur de la vivencia est dû à une qualité unique qui surgit comme la première expression affective de notre organisme, avec des sensations corporelles intenses. Les vivencias sont l’expression originaire du plus intime de nous-mêmes, antérieures à toute élaboration symbolique ou rationnelle ».
La vivencia, en tant que médiation, par du principe que le processus d’apprentissage est un processus autopoïétique, comme le définit Humberto Maturana.
L’apprentissage est compris ici comme un processus d’auto-organisation et ne correspond pas à une simple réponse face à des stimulations du milieu. Ainsi, l’individu, face à des stimuli, les transforme activement selon ses propres exigences. D’où l’affirmation que la connaissance ne s’organise pas en fonction d’exigences externes, mais d’exigences internes, de chaque individu.
Rolando Toro distingue trois niveaux d’apprentissage : cognitif, vivenciel et viscéral.
Le niveau viscéral ou instinctif peut être considéré comme une espèce d’intelligence cosmique parce qu’il démontre une capacité innée à répondre aux stimulations, facilitant les adaptations et la conservation de la vie même.
Le niveau vivenciel a une dimension ontologique, se plaçant comme une porte d’accès à la profondeur de notre être. De plus, la vivencia a « une influence régulatrice quand elle contient une qualité affective »
Selon Toro : « Ces deux instances, instinct et vivencia, sont profondément liées et font partie de notre racine biologique de lien avec la vie ».
L’auteur affirme que, si le processus d’apprentissage d’une personne n’englobe pas ces trois niveaux de réponses, ses actions seront forcément incohérentes, dissociées et superficielles.
Voici les mots de Toro : « Ces trois niveaux d’apprentissage sont liés neurologiquement et peuvent s’influencer mutuellement, mais ils ont aussi une forte autonomie. La perception des signifiés qui affectent l’existence peut influer sur l’émotionnel ou le viscéral. Prenons comme exemple la signification qu’une mauvaise nouvelle peut produire : une émotion de profonde souffrance et, au niveau viscéral, des spasmes cardio-respiratoires et même la mort ».
Savourer viscéralement et vivre l’amour, la solidarité, l’amitié, le sacré, expérimenter finalement des contacts affectifs sains et sincères, produit des changements existentiels profonds. De tels changements sont matérialisés dans le comportement des personnes, dans les choix qu’elles font dans la vie, dans les formes claires qu’elles utilisent.
Souvenons-nous ici d’une parole de Raul Terrén dans un de ses cours : « Il faut récupérer l’Education Sauvage pour nous soyons des personnes plus civilisées ».
Restituer à l’être humain la possibilité d’apprendre cognitivement, viscéralement et vivenciellement est profondément essentiel car c’est l’affirmation totale que, apprendre est sentir le monde, la nature dans son entièreté, avec tous les sens humains, en mobilisant toutes nos potentialités. Ceci est le sens le plus important d’une éducation qui veut être libératrice. Penser à une éducation de qualité signifie ainsi créer les conditions pour que les personnes puissent, dans un environnement affectueux, apprendre profondément. C’est seulement ainsi que les changements personnels pourront se matérialiser de façon on dichotomique. C’est seulement ainsi que nous pourrons visualiser des actions capables de transformer la société inégale en société solidaire, biocentrique.
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