top of page
Rechercher

Modèle théorique de Biodanza: une vision onto-bio-cosmologique par Danielle Tavares

Photo du rédacteur: Biodanza-PaulaBiodanza-Paula

Un modèle théorique a pour objectif de faire une description de la réalité basée sur des concepts cohérents entre eux. Le degré de cohérence de ce modèle le validera.


Rolando Toro a développé un modèle théorique pour expliquer le phénomène de la vie. Il a créé ce modèle dans un contexte historico-scientifique où les bases fragmentées de notre compréhension d’un univers était en échec. Selon Capra (1996), un moment où une vision non-mécaniste post-cartésienne permet la conception de la vie comme un réseau de totalités intégrées.


Partant d’une intuition première d’un univers qui existe parce que la vie existe (Principe biocentrique) et inspiré par ces nouvelles approches scientifiques, Rolando intègre des concepts de psychologie, de biologie, de physiologie, de physique, de philosophie, de mythologie, entre autres sources qui permettent la compréhension de la vie comme un processus cosmique de développement exprimé en niveaux d’organisation croissantes, structuré par un psychisme ordonnateur qu’il a appelé Inconscient vital.


Le modèle théorique se réfère initialement à une ontologie, au développement de l’existence humaine, mais s’élargit ensuite vers une compréhension d’un processus cosmique de vie. L’ontologie est ainsi conçue comme une partie de ce processus intelligent global qui coordonne les aspects du vivant.


Rolando Toro était un éducateur, psychologue et anthropologue, un esprit perspicace et sensible qui s’intéressait à comprendre le phénomène humain avec pour objectif premier de promouvoir des formes pour l’expansion de la santé, l’intégration et l’expression des potentiels. Il développa ainsi ses concepts à partir de données empiriques qu’il récoltait dans ses expériences quand il donnait des cours à l’université du Chili et finit par utiliser la danse et la musique pour atteindre ces objectifs.


Ses premières expériences en hôpitaux psychiatriques, avec des schizophrènes et ensuite avec des épileptiques, l’amenèrent à réfléchir sur l’existence de deux pôles de conscience : la conscience intensifiée de soi – responsable des états de vigilance, d’activation adrénergique, de rapidité d’action, de séparation claire entre les limites corporelles et le monde – et des états de régression – où cette vigilance se trouvait diminuée et les limites corporelles dissoutes, une régression à des états périnataux et en résonance avec les messages originelles de la vie, un état parasympathique cholinergique avec une prédominance d’ondes cérébrales alpha et une sensation de fusion avec le milieu. Ces deux états de conscience sont des états quotidiens dans notre biologie : l’alternance entre activité et repos, vigilance et sommeil. Par des exercices de Biodanza, Rolando a perçu qu’il était possible d’induire ces états visant à rétablir l’équilibre neurovégétatif et la rénovation organique, principalement par l’induction d’états régressifs qui généraient un recyclage des modèles de vitalité :


Un transit vers le primordial… Au fur et à mesure que la personne diminue sa vigilance, elle perd la notion de sa propre limite corporelle. La régression signifie nous submerger dans le lite de notre espèce, récupérer le message. Sans la capacité de se rénover, aucun organisme ne pourrait survivre. Ce processus de rénovation n’est possible que par des actes de régression et de reprogrammation, une espèce de résonance permanente avec l’originaire. (Rolando Toro)

Deux pôles de conscience : Rolando poursuit donc son aventure théorique pour concevoir ce qu’il a appelé identité: en résumé, le potentiel que chaque être humain porte avec son hérédité génétique qui, exprimé dans le milieu et influencé par lui, est à la base de la combinaison et de l’expression unique des caractéristiques qui garantissent sa singularité. Notre identité est immergée dans le paradoxe d’être unique et en constante transformation. L’intégration et l’expression de l’identité est un des objectifs centraux du Système Biodanza.


L’expression de ce potentiel génétique, propose l’auteur, se fait par 5 canaux qu’il a appelés lignes de vivencias : vitalité, sexualité, créativité, affectivité et transcendance.

- La vitalité se réfère à la capacité d’agir, à l’élan vital, à l’état global de santé ;

- La capacité de jouir, de choisir, de sentir du plaisir à la sexualité ;

- Exprimer les contenus internes et produire des changements dans la vie en dépassant des modèles de mécanisation, se réfère à la créativité ;

- La capacité de lien, de se sentir semblable à tout être vivant, de protéger et être protégé, à l’affectivité ;

- Et la capacité de percevoir la vie de façon amplifiée, la perception de la sacralité et l’appartenance à une totalité comique, à la transcendance.


L’expression large ou réduite des lignes de vivencias sera donnée par l’interaction du potentiel génétique avec les facteurs environnementaux rencontrés pendant l’existence : éco et cofacteurs.


Ces facteurs externes environnementaux, les écofacteurs, pourront stimuler les potentiels ou les bloquer dans les différentes étapes du cycle vital. Les écofacteurs les plus centraux sont les humains. Les relations que la personne établit dans son existence la constituent. Nous sommes au travers des autres.


Les facteurs chimiques et endogènes qui influencent l’expression des gènes sont appelés cofacteurs (hormones, neurotransmetteurs, facteurs nutritionnels sont certains parmi les cofacteurs).


« La présence d’un ou plusieurs gènes ne suffit pas pour l’expression d’une caractéristique ou pour la formation d’une protéine déterminée. Il faut la présence de cofacteurs. Les cofacteurs sont de nature chimique. Un type d’intervention encore jamais proposé est l’activation de l’expression génétique à partir de la déflagration d’hormones et de neurotransmetteurs naturels, par la stimulation d’émotions spécifiques. Ces émotions spécifiques peuvent être provoquées par des exercices qui induisent du courage, de l’érotisme, de la joie, etc.

La stimulation émotionnelle est une activation d’hormones hypothalamiques qui agissent comme cofacteurs pour permettre l’expression de potentialités humaines généralement inhibées. L’énorme diversité qui est produite par la combinaison des potentiels du code génétique suggère des capacités humaines insoupçonnées qui ne demandent que des conditions optimales pour s’exprimer. Cette variété, pratiquement infinie, est due aux possibilités mathématiques de combinaison des éléments du code génétique ». (Rolando Toro)


En continuant, avec Rolando, dans l’aventure de construire un modèle théorique aussi complet et global, réfléchissons un peu sur l’ontologie. Pour comprendre l’ontologie, il faut revenir à la phylogenèse (histoire des espèces) et même plus en arrière, au surgissement des conditions initiales pour la vie : ses racines universelles de genèse et de conservation.


Inspiré, dans un univers qui existe parce que la vie existe, Rolando est revenu jusqu’au chaos et à l’organisation dans une étape pré-organique pour comprendre le phénomène vivant. Il perçoit, comme le propose la théorie des incertitudes de Prigogine, que même avant la première étincelle de vie, il y avait des conditions d’instabilité et d’auto-organisation qui entraient en jeu dans son apparition. La vie, ainsi, au travers de principes universels ouvre un chemin : totalités intégrées, auto-organisées, loin de l’équilibre, systèmes ouverts qui développent leur propriété à partir de la relation avec leurs éléments, qui se comportent à partir de probabilités.


Selon Carl Sagan, si nous mettions la vie depuis son apparition dans une échelle proportionnelle a un an, nous pourrions localiser le phénomène de la conscience dans la dernière minute. Apparemment, la vie existe malgré la conscience (si nous entendons comme conscience quelque chose relatif au rationnel). Il y a toujours eu une coordination des éléments et des modèles qui ont créé et maintenu la vie, même avant que toute possibilité de conscience existe. Selon la théorie de Santiago, la vie est un acte de connaissance ; tout acte de vie, créer un monde dans un organisme vivant peut être compris comme une cognition, la présence d’un cerveau n’étant pas nécessaire. Il est donc tout à fait possible de comprendre que notre potentiel est immergé dans des modèles inconscients. La vie s’insère dans des sphères qui transcendent la compréhension rationnelle et l’entendement. Parmi ces sphères, Rolando a suggéré 3 strates de l’inconscient. L’inconscient personnel freudien, le collectif de Jung et le vital, créé par Rolando Toro. Ces inconscients seraient donc des couches d’un tout inconscient et intelligent qui orienterait toutes les actions vivantes et humaines.


L’inconscient personnel se réfère à l’histoire individuelle, aux conditionnements incorporés et aux contenus qui restent réprimés pendant le processus d’acculturation. Il englobe aussi les dispositions instinctives héritées que Freud a appelées pulsions. Nous trouvons donc dans cet inconscient le résultat du conflit entre le principe de réalité et le principe de plaisir, où les impulsions qui n’ont pas dépassé la barrière de la censure de notre Surmoi terminent dans les sous-sols de notre Inconscient Personnel. Pour Freud, il est un chaudron effervescent de désirs dont certains d’entre eux n’arrivent jamais à la lumière de la conscience.


L’Inconscient Collectif fut théorisé par Jung, disciple de Freud et auteur de la théorie analytique. Il propose que notre inconscient contienne les noyaux psychiques que représentent nos instincts: « les archétypes sont des formes picturales des instincts, des aptitudes imaginaires de la psyché. Ces noyaux garantissent l’expression des capacités humaines et assurent la préservation de notre espèce. Les archétypes apparaissent comme des symboles qui, bien que se modifiant au travers des cultures et du temps, ont le pouvoir d’évoquer une même expression humaine. Les archétypes sont universels. L’Inconscient Collectif est une description métaphorique, la bibliothèque de l’espèce ».


L’Inconscient Vital fut créé par Rolando Toro et se réfère à l’intelligence guide qui permet la conservation de tous les processus vitaux. Ce psychisme guide dirige la solidarité cellulaire, les phénomènes de défense de nos organismes, la précision des rythmes et les interrelations qui garantissent la vie. A partir des états régressifs, des caresses, des vivencias de connexion avec la nature, nous re-syntonisons cette intelligence vitale.


Notre ontologie se passe dans l’intégration de ces dimensions. L’ascension à de nouveaux niveaux d’intégration dans l’échelle évolutive s’appelle transtase.


L’ontogenèse progresse au travers de processus de maturation et de différentiation, de complexité croissante et donne des sauts évolutifs appelés transtase, au travers desquels se fait l’intégration existentielle. Dans le processus intégrant, interviennent l’inconscient personnel (mémoire de l’individu), l’inconscient collectif (mémoire de l’espèce) et l’inconscient vital (mémoire cosmique. (Rolando Toro)


Nous sommes donc des êtres multidimensionnels. Intégrer ces dimensions était la proposition de Rolando Toro. Participer à la danse cosmique en nous percevant comme parties d’une totalité plus grande, contenant le message de la totalité. Nous sommes l’océan dans un goute (auteur inconnu).


L’idée de récupérer le mouvement, le geste naturel est un pont vers cette danse cosmique. En récupérant le geste naturel en moi, je récupère la nature et toute cette intelligence coordonnée. En dansant dans la danse de l’univers, je peux m’exprimer avec toute ma singularité dans ce contexte plus grand. Assumer ma plus grande Daniellité possible, être chaque fois plus moi-même, intégré à la vie et la vie intégrée en moi. La dissociation veut dire séparation : entre les parties du système, entre les parties de l’organisme, entre soi et l’autre et entre soi et la nature. Séparé, déconnecté, ce flux d’intelligence s’interrompt, selon la théorie de Rolando. Ce serait la source de toutes les maladies.


L’intégration et l’expression de l’identité est le plus grand objectif de la Biodanza. Récupérer l’universel en nous, notre nature primordiale, pour que nous puissions participer au processus téléonomique de l’univers (la tendance évolutive croissant à des niveaux chaque fois plus subtils et élaborés d’expression), créer notre danse singulière et exprimer notre identité.

515 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Énigmes par Silvia Eick

Je me suis toujours sentie attirée et intriguée par les trois énigmes existentielles proposées par Rolando Toro Araneda, créateur de la...

Les conditions du lâcher-prise par Lilian Botaya

Lâcher-prise : auto-donation, être avec l’autre, empathie, dévotion, disponibilité.   Le lâcher-prise, en soi-même, a besoin de formes et...

Éloge de la Danse par Carlos Pagés

J’ai lu quelques fois que Heidegger, peut-être en imitant les coutumes millénaires des derviches, avait l’habitude de penser en marchant...

Comments


bottom of page