Je souhaite donner une vision globale des effets thérapeutiques de la Biodanza sur la base de notre expérience concrète, en Europe et au Brésil.
En Suisse et en Italie, nous avons travaillé avec des malades de Parkinson, dans des hôpitaux, avec une équipe médicale, et on a observé que de nombreux symptômes de ces malades diminuaient ou disparaissaient. Malheureusement, l’expérience a été courte, entre 6 et 8 mois et nous n’avons pas observé de nombreuses guérisons. Dans deux cas seulement, nous avons observé la disparition des tremblements. On a cependant observé une réhabilitation existentielle car, avec la maladie, on éprouve une profonde dévalorisation personnelle, une insécurité. Les relations quotidiennes, familières se rompent et ainsi, avec la Biodanza, on récupère la force de l’identité. Bien qu’il y ait encore des tremblements, le mouvement pour commencer la marche et la façon de marcher s’améliorent. Un jour j’ai dit au groupe que j’allais suspendre l’expérience parce que les tremblements n’avaient pas disparu et tous me prièrent de ne pas arrêter l’expérience parce que les tremblements étaient maintenant pour eux insignifiants. Le plus important était qu’ils ressentaient plus de joie et avaient plus confiance en eux.
Le facteur émotionnel est lié à la motricité qui permet que le système nerveux cherche des voies alternatives pour celles qui n’existent plus, comme c’est le cas de la formation de dopamine dans la substance noir qui se trouve dans la région hypothalamique ; ainsi une série de voies nerveuses alternatives remplacent celles qui sont détruites.
Nous avons aussi travaillé avec des handicapés moteurs, principalement en Italie, dans la ville de Come. Il y eut le cas d’un patient tétraplégique qui pouvait seulement bouger la tête, mais pouvait regarder, chanter, parler, embrasser et recevoir des baisers, et tout cela était pour lui un immense cadeau. La relation affective change leur vie. Il y a des personnes qui ne reçoivent des étreintes qu’à Nouvel An ou pour leur anniversaire, ici ils reçoivent, en une séance, vingt étreintes. C’est une concentration affective, une densité amoureuse très grande. Il était impressionnant de voir les élèves arriver dans la rue en file indienne sur leur chaise roulante pour faire de la Biodanza. Ils peuvent chanter, ils peuvent danser avec les bras et ils peuvent se connecter. Certains arrivèrent à abandonner leur chaise roulante.
Dans un hôpital psychiatrique de Rio de Janeiro, les malades font de la Biodanza et peuvent apprécier l’expression de l’intériorité et la sensation de joie et d’affect qu’il y a. Nous avons travaillé dans de nombreux hôpitaux psychiatriques : à l’hôpital de Fortaleza, à l’hôpital psychiatrique de Mira y Lopez, à l’hôpital psychiatrique de Santiago où nous allons maintenant recommencer, à l’hôpital Juqueri y Borda de Buenos Aires et dans certains hôpitaux en Europe. Le changement est surprenant concernant la récupération de l’identité, la diminution des délires et des hallucinations et également dans le fait d’être plus heureux, d’augmenter la connexion avec ses compagnons. Nous avons introduit l’affect dans la thérapie et je pense que l’échec de la psychiatrie pendant de nombreuses années est dû au manque d’amour pour le patient de la part du thérapeute. L’amour paraît être un des facteurs les plus thérapeutiques.
Questions du public
Question : Existe-t-il un travail avec des personnes épileptiques ?
Rolando Toro : J’ai travaillé environ deux ans avec des épileptiques à l’hôpital psychiatrique de Santiago et les crises épileptiques ont diminué et, dans certains cas, pratiquement disparu. Mais il faut combiner la Biodanza avec un traitement. D’un point de vue pharmacologique – à cette époque – les médecins utilisaient Edipan qui les neutralisait, évitait les attaques. Il y avait parfois des attaques pendant la séance mais elles devinrent moins nombreuses parce qu’il n’y avait déjà plus de troubles de l’excitation corticale si intense, étant donné que la partie limbique hypothalamique était plus activée. En outre, l’épilepsie a un lien, une relation causale, bien que méconnue, avec les émotions. Mais en ce moment nous n’avons pas de travail sur ce sujet au Chili.
Question : J’aimerais savoir si des voies ont été cherchées pour pouvoir introduire la Biodanza dans l’éducation, comme un outil ou une branche en plus ?
Rolando Toro : Notre proposition est d’introduire la Biodanza en tant que branche habituelle et comme médiation affective dans l’éducation classique. Dans de nombreux pays cela a été fait. En Italie, il y a 200 écoles où les enfants font de la Biodanza, également à Fortaleza au Brésil. Nous sommes en train d’introduire la Biodanza en différents endroits dans les dites disciplines conventionnelles de l’éducation et de la thérapie, non comme une alternative, mais comme une continuité des sciences humaines. Ici nous avons un exemple où la Biodanza est introduite au système éducationnel de façon officielle. Dans le bulletin officiel de l’état de Rio de Janeiro, le 31 mars de cette année, fut déclaré ce qui suit : « Nous instituons une semaine de Biodanza et Éducation biocentrique dans l’état de Rio de Janeiro. Nous introduisons la Biodanza dans toutes les écoles publiques de l’état et, de façon annuelle, une semaine de Biodanza et d’Éducation biocentrique dans les écoles, dans une période qui devra être déterminée par le secrétaire à l’éducation de l’état ». A Milan, la Biodanza est déjà introduite au système éducationnel et nous agissons pour institutionnaliser la Biodanza dans les hôpitaux, les centres de santé et des centres éducationnels.
Cecilia Toro : Ici, au Chili, dans le groupe qui forme des éducateurs Montessori, la Biodanza est une branche obligatoire, officielle, non facultative, cela fait deux ans, tant pour les étudiants que pour les moniteurs. Il y a déjà environ 200 étudiant qui ont fait un cours de Biodanza.
Question : Quel est votre expérience avec la réhabilitation des drogués ?
Rolando Toro : Nous avons ici au Chili l’expérience d’une de nos professeurs qui travaille dans une institution de réhabilitation d’adolescents toxicomanes. Elle a un succès extraordinaire avec la Biodanza, à Curico.
Question : Ce qui m’interpelle est que la Biodanza est appliquée dans des pays très différents, dans des contextes culturels si différents. Et si la musique et la danse sont des productions sociales, culturelles, comment le Système Biodanza tient-il compte de ces différences culturelles ? Comment va-t-elle les intégrer dans une perspective de relativisme culturel ?
Rolando Toro : La Biodanza est un système complet, cohérent et pour se former en tant que professeur de Biodanza, il y a un cursus de trois ans. Ce n’est pas seulement mettre de la musique et danser, le système est assez sophistiqué. La musique qui s’utilise, par exemple, est une musique qui a des valeurs sonores universelles. Il est vrai que chaque personne a des préférences musicales, ce qui s’appelle le ‘principe de ISo » en musicothérapie et le « miroir sonore » chez Yehudi Menuhin. Pourtant, il y a des constantes dans la musique qui sont pareils pour toute l’espèce humaine, qui sont des archétypes. Il y a des effets sensationnels au Japon, par exemple, où les Japonais ont une autre musique, d’autres traditions, ils sont très distants, respectueux, ne se touchent pas et maintenant vous pourriez voir – par les vidéos que nous avons – comment ils sautent, s’étreignent, s’embrassent, ils sont heureux. Cela a commencé il y a juste deux ans et il y a maintenant une école au Japon pour former des professeurs japonais et il y a de nombreux cours hebdomadaires, de 50 et 60 élèves. C’est la même chose en Afrique du Sud, dans les îles d’Océanie, comme n’importe où. Ceci veut dire que si nous voulons produire de la joie, nous n’allons pas mettre une marche funèbre de Beethoven, ou si nous désirons produire de l’érotisme, nous n’allons pas mettre un rock and roll, mais si nous voulons produire une révolte adolescente, alors nous pouvons mettre un rock and roll. La méthodologie de la Biodanza permet que, partout dans le monde, on fasse la même Biodanza avec de petites variations.
Question : Quelle est l’expérience que vous avez avec la formation didactique, à l’université, comme le Ministère de l’éducation ? Avez-vous quelques liens ?
Rolando Toro : Cela fait quelques temps que nous sommes en conversation avec le ministre chargé des sports au Chili et il nous a proposé de mettre dans tout le pays la Biodanza comme alternative au sport. Cela veut dire que ceux qui désirent faire du sport pourront le faire et ceux qui désirent faire de la Biodanza, feront de la Biodanza. Mais nous avons le problème que nous n’avons pas assez de professeurs prêts, ni même à Santiago. C’st pour cela que nous vous invitons à vous former en tant que professeurs de Biodanza et à envahir la planète, et vous n’allez pas manquer de travail.
Question : Comment la Biodanza rend-elle compte du sens de la transcendance qu’a la danse dans toutes les communautés humaines ?
Rolando Toro : La Biodanza a une de ses lignes de développement appelée transcendance. Transcendance pour obtenir des états d’expansion de conscience, de lien avec la nature, de sentiment de totalité avec le cosmos, d’extase et de contemplation de la beauté du monde. Et nous avons au moins cent exercices et musiques. La transcendance fait partie du programme de la Biodanza. Ainsi, tous ceux qui veulent vivre la Biodanza doivent vivre la vitalité, l’érotisme, la créativité, l’affectivité et la transcendance, ces cinq chemins.
Question : Comment la Biodanza améliore-t-elle l’estime de soi ?
Rolando Toro : En Biodanza être chéri par les autres compagnons, être reçu, valorise. Les personnes sentent qu’elles ont de la valeur et l’effet sur l’estime de soi – à tous les âges – est très fort. Car quand une personne se sent aimée, sa valeur personnelle augmente et, en plus d’améliorer la motricité, l’agressivité, le mouvement et la liberté expressive, c’est ce facteur qui est valorisé, en étant étreint, en étant chéri.
Question : Comment, par la Biodanza, peut-on arriver à un état de conscience supérieure ?
Rolando Toro : L’expansion de conscience est un thème très important en Biodanza et a deux versants : l’une est l’amplification du répertoire des perceptions visuelles, acoustiques et tactiles ; et ensuite, les portes de la perception ouvrent le chemin vers l’expansion de conscience. (Vous pouvez lire les livres d’Aldous Huxley : « Les portes de la perception », « Le ciel et l’enfer » et « Île »). Il faut apprendre à écouter, apprendre à voir, apprendre à toucher et apprendre à sentir. En augmentant la perception, on augmente la possibilité d’expansion de conscience. Et nous avons un ensemble d’exercices de régression et de transe qui sont reliés entre eux. Ce sont des exercices avec différents degrés : il y a des transes légères, de second et de troisième degré, jusqu’à la transe de suspension qui est une vraie transe, très délicate, qui n’a pas la violence des transes thérapeutiques utilisées ailleurs. En entrant en transe, la personne perd les limites corporelles et, pour ainsi dire, se dissout dans la totalité ; ensuite, par un procédé spécifique à cette cérémonie, la personne récupère son identité et a une expansion de conscience très intense. Pas aussi intense que celle produite par l’acide lysergique, mais en sortant de la transe, en regardant ses compagnons, elle ne voit plus les détails, elle voit l’âme. Il y a une série d’exercices pour obtenir des états d’extase face à la beauté de la nature, face à la musique. Le domaine de l’expansion de conscience est très important en Biodanza, il est connecté avec la perception de la beauté et avec la conscience étique.
Concernant le thème de la nature : le contact avec l’eau est une clé de la santé. En Biodanza, nous utilisons le travail avec les 4 éléments, l’eau, le feu, l’air et la terre. Nous avons la Biodanza aquatique, où nous ajoutons, en plus des qualités secrètes de l’eau, la joie du mouvement et la sensualité. Les personnes qui ont des difficultés à atteindre l’orgasme ou à sentir la pluie, le sol, le vent sur la peau, font des progrès extraordinaire avec la Biodanza aquatique.
Question : Avez-vous travaillé avec des enfants maltraités ?
Rolando Toro : Oui. Nous avons eu des groupes d’enfants maltraités, de femmes maltraitées et de personnes torturées. Nous avons une expérience récente à Sao Paulo avec des enfants qui vivent dans la rue et qui sont souvent attaqués par la police et même tués. Certains de ces enfants ont été recueillis dans un foyer spécial. La première semaine ils sont terribles, agressifs, ils crient, cassent les choses, sont franchement violents. Et le traitement qu’on leur donne est un seul exercice de Biodanza, qui est l’exercice de donner et recevoir du contenant, tenir dans les bras la personne, avec une musique, en caressant doucement leur corps ou la tête, comme s’ils étaient un bébé. Les réponses de ces enfants ont totalement changé dans la semaine. C’est une des expériences les plus intéressantes et elle est en charge de la municipalité de Sao Paulo. Pour les enfants maltraités, amour, amour et amour.
Question : Concernant la transcendance, la Biodanza aide-t-elle à rendre conscient le fait que nous sommes tous frères aimés de Dieu ?
Rolando Toro : Non, la Biodanza ne leur fait pas prendre conscience de cela. La vérité est que, en Biodanza, nous respectons toutes les religions, les croyances et la liberté qu’a chaque personne pour croire en quelque chose. La transcendance nous la considérons comme transcender l’égo, non comme transcender cette vie pour une autre vie meilleure qui viendra après la mort. Nous n’avons pas d’information sur ce qui viendra après la mort. Je suis de formation académique et je ne peux parler de ce que je ne sais pas. Mais je peux vous dire que cette sensation de se sentir protégé par une entité, que ce soit un dieu, un saint ou un orixa est bénéfique pour beaucoup de personnes. Mais d’autres personnes considèrent qu’il n’y a pas de protection divine quand elles voient que des cités entières sont bombardées et que des innocents meurent. Mais moi je crois qu’il est utile de croire en quelque chose, croire aux anges ou autre chose, c’est une protection, une autoprotection importante.
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