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Le bonheur: une valeur sociale. Le droit biologique au bonheur. Vocation sociale du système Biodanza

par Eugenio Pintore


Celui qui a eu l’occasion d’écouter Rolando Toro raconter l’origine de la Biodanza se rappellera sûrement que, outre l’histoire de la découverte des effets de la musique et du mouvement sur les patients psychiatriques de l’hôpital dans lequel il collaborait en tant que professeur de psychologie de l’art, il abordait la recherche sur la Biodanza en regard de l’échec et de la douleur éprouvée face aux grandes tragédies de la dernière guerre mondiale. Quelque chose d’essentiel devait avoir été négligé, disait-il, si face au grand développement scientifique, à l’éclosion de grands penseurs dans tous les domaines de la connaissance humaine, de grandes productions artistiques et littéraires, l’humanité s’était retrouvée à compter des millions de morts à la fin d’une guerre où les massacres dans les camps d’extermination ont fait écho aux bombardements de Hiroshima et Nagasaki. Quelque chose d’essentiel de l’humain avait été oublié et continuait à être oublié. Nous sommes l’expression d’une société et d’une culture malade dans ses fondements, continuait-il, à laquelle j’ai senti qu’il était nécessaire de trouver des antidotes extrêmement profonds et fondamentaux. De cet aspect éthique, il faisait ressortir le développement et la croissance de la Biodanza qui incorporait petit à petit une vision du monde dans laquelle les paroles clés étaient le réapprentissage et la reconnexion avec les instances vitales inscrites dans l’essence biologique de l’homme et de l’univers. Il faut repartir d’une culture de la vie, de la reconnaissance de sa sacralité : non de façon abstraite, mais à partir de chaque être vivant singulier jusqu’à la communauté de l’espèce humaine.


Le thème de la guerre était naturellement l’exemple le plus aigu et le plus tragique pour une critique de la société, et pas seulement la société occidentale, fondée sur l’accentuation extrême de l’individualisme, de la compétition, du pouvoir dont les résultats sont non seulement les injustices sociales évidentes ou les violations constantes des droits humains, mais de façon plus générale et indépendamment des situations économiques, la détérioration des possibilités d’un développement humain vers la plénitude.


J’ai fait référence au souvenir de ces mots de Rolando Toro pour nous rappeler de la vocation sociale de la Biodanza, son instance éthique, son intention transformatrice, qui ne sont pas des éléments qui s’ajoutent de façon facultative à une technique qui pourrait pourtant survivre et fonctionner sans eux. La vocation sociale de la Biodanza appartient et transparaît comme une trame indissoluble de chacun de ses aspects, tant théorique et méthodologique que vivenciel.

Il est donc intéressant de noter comment, au cours des années –d’abord en Amérique du Sud puis en Europe – des expériences à orientation sociale se sont peu à peu développées de façon de plus en plus marquées et explicites: elles sont celles, en réalité, qui ont à voir avec les couches plus fragiles de la population, soit en institutions ou dans des projets soutenus par les institutions; souvent également dans les contextes éducationnels avec des enfants et des adolescents ou à but rééducatifs dans les domaines sociaux et sanitaires.


Elles sembleraient donc différentes des expériences “normales” de Biodanza avec des adultes dans des contextes moyennement normaux. Elles ne le sont en réalité que parce qu’elles mettent en évidence de façon irrévocable et “par excès” la vocation originelle de la Biodanza: là où l’injustice sociale, la déprivation, l’insatisfaction des besoins fondamentaux, la violence parfois et souvent la discrimination ont généré des situations où les ressources et les capacités humaines essentielles ont été compromises, la Biodanza manifeste son essence et sa véritable mission.


C’est aussi par ces expériences que la Biodanza met à l’épreuve la prégnance et la validité de sa proposition en tant que dénonciation et appel à des politiques sociales plus justes, à des modèles culturels et éducatifs plus en syntonie avec le principe biocentrique, avec la constitution originelle de l’être humain. La Biodanza sociale met en évidence ce qui la constitue fondamentalement, c’est-à-dire le fait qu’elle est une technique raffinée et efficace de transformation personnelle mais est aussi une proposition qui cible la transformation du monde et de la société en remettant au centre les valeurs de la vie et de la dignité de la personne, qui prend à cœur la défense des droits humains en l’accompagnant cependant d’une spécification des besoins essentiels de l’homme plus riche, plus complexe et articulée sur ce qui émerge chaque fois que l’on procède à leur séparation en privilégiant soit l’aspect économique, soit politique ou social et culturel.


Il y a dans la proposition de la Biodanza un potentiel de valeur, théorique et méthodologique, et même opérationnel, qui mérite d’être développé pour tisser un dialogue avec ceux, à partir de l’institution, qui s’occupent des programmes sociaux, éducatifs et de politique de développement en général.


C’est dans cet esprit qu’il vaut la peine d’ouvrir un échange entre quelques idées de base de la Biodanza – et en particulier celles qui définissent les cinq lignes de vivencia en lien avec le développement des potentiels humains – et celles élaborées dans d’autres contextes eux aussi intéressés à identifier les besoins et les capacités humaines fondamentales sur lesquelles construire, par exemple, non seulement de nouveaux modèles d’intervention pour les régions les plus pauvres de la planète, mais aussi de nouvelles conceptions sur ce que l’on doit entendre par développement en lien avec la qualité de la vie et le bien-être personnel.


Les domaines de réflexions sont nombreux. Nous chercherons ici à nous délimiter et à ne faire référence qu’à une conception des droits humains qui face au droits à la vie et à la dignité humaine dans leur signification la plus profonde et complète et qui face à « l’urgence » dictée par les situations extrêmement graves liées à la pauvreté et à la menace de la subsistance (eau et nourriture saine) ou à la violation élémentaire des droits civiles et politiques saurait contenir aussi le droit au développement des potentialités humaines, à l’exercice de ses propres capacités dans les domaines qui sont faussement considérés comme secondaires et non essentiels comme c’est le cas pour l’affectivité et les sentiments, l’imagination et la créativité, l’appartenance communautaire, la joie et le repos. Ce sont des aspects qui, avec ceux définis comme des besoins primaires, contribuent à définir une vie digne d’être vécue et réclame le droit non seulement à la recherche du bonheur comme le dit la constitution américaine, mais de le posséder.


Il pourrait être intéressant dans cette perspective de partir de cette maintenant très connue pyramide des besoins élaborée par Maslow avec à la base les besoins physiologiques essentiels à la survie, au sommet un ensemble de mots sous le titre de besoin de s’accomplir et au milieu des mots comme besoins affectifs et besoins d’estime.


Il s’agit d’une position qui déjà d’un point de vue de bon sens paraît correcte : si je ne suis pas satisfait des besoins de l’échelle inférieure et en particulier des besoins physiologiques et de sécurité, les autres besoins qui suivent ne peuvent même pas être pensés ou sentis comme tels.

Si aucune question apparente ne peut être faite sur les besoins physiologiques fondamentaux, quelques raisonnements en plus peuvent et sont faits sur plusieurs aspects de l’organisation hiérarchique des besoins qui en émerge et qui, transposé de la psychologie individuelle vers le milieu social, génère des malentendus avec des modèles d’intervention, par exemple seulement économiques ou seulement centrés sur la sécurité, au détriment des droits civils ou indifférents à la croissance ou au développement de la personne dans ses besoins affectifs ou créatifs.

Si nous voulions confronter cette organisation hiérarchique avec les cinq lignes de vivencia, nous nous apercevrions tout de suite que, bien que les besoins physiologiques essentiels soient d’une importance prioritaire pour la survie, les relations entre les lignes ne peuvent être représentées par une pyramide mais plutôt par une figure qui rappelle l’hologramme, une figure capable donc de représenter leur interaction systémique : toutes les lignes sont essentielles et interagissent entre elles et définissent ensemble une totalité humaine intégrée ; toutes sont pareillement nécessaire et aucune ne peut être éludée sans répercussions sur les autres, y compris la première, la physiologique, qui semblerait être la plus autonome (une situation de privation affective, une menace permanente pour l’estime de soi, une exposition à l’insécurité au travail peuvent avoir une incidence sur l’état de santé en générant des pathologie, même graves, qui menacent la survie de la personne).


Les résultats de cette hypothèse à propos d’une conception non hiérarchique des besoins deviennent évidents seulement s’ils les placent dans leur dimensions originelles : l’essence des besoins, tous sans distinction, trouve son fondement dans la constitution biologique de l’homme.

Ainsi, non seulement les besoins ne sont pas hiérarchiques mais ils n’ont aucune marge de manœuvre : ils ont un caractère universel, ils concernent donc tous les membres de l’espèce humaine indépendamment de la culture, des conditions historiques, politiques ou religieuses. Ils ne peuvent être remis en cause. Il n’y a pas de lieu ou de temps où ils perdent de leur vitalité. Si les conditions socio-historiques et culturelles ne permettent pas leur pleine satisfaction, ce qui est remis en cause est la possibilité de la personne de vivre sa propre vie avec dignité.

Parler de biologique n’est pas seulement parler de génériquement naturel : cela signifie reconnaître en même temps l’interdépendance et l’indivisibilité des besoins. Comme il n’y a pas de besoins plus importants que d’autres, il n’y a pas de besoins qui peuvent être sacrifié en faveur d’autres : l’unité de la personne humaine ne permet pas de discriminations entre les besoins fondamentaux. Il y a bien-sûr des seuils au-delà desquels la satisfaction d’un besoin s’impose avec une urgence absolue : l’exemple de la subsistance est la plus claire. Mais cela vaut également pour tous les autres : il y a un seuil au-delà duquel le manque d’affect, d’estime de soi, de respect compromet la vie de la personne.


Ce n’est pas un hasard si, dans le débat sur les droits humains, l’accentuation sur l’interdépendance et l’indivisibilité des droits a fait son chemin, ainsi que la proposition d’une théorie du développement à dimension humaine (sur cette dimension non hiérarchique et systémique, l’économiste Max Neef a donné quelques informations importantes).

Le deuxième aspect sur lequel réfléchir, toujours dans la perspective d’un dialogue de la Biodanza sur le thème des droits, pourrait avoir comme titre : des besoins aux potentialités et aux capacités.


Le langage et le vocabulaire des besoins cachent de nombreux pièges et la référence à l’unité et à la totalité de la personne n’arrive pas toujours à les éviter.


La satisfaction des besoins a en soi une dimension de passivité qui projette l’idée d’un développement personnel dans une dépendance aux interventions externes et souvent de type assistanat. Une conception qui maintient la personne dans une dimension de nécessités perpétuelles.


Le renvoi continuel que fait Rolando Toro entre le concept de potentiel génétique et les réflexions sur les écofacteurs qui favorisent ou compromettent son développement, met en jeu la nécessité de créer et/ou de modifier l’environnement – humain et naturel – dans lequel naissent, grandissent et vivent les personnes de façon à le rendre plus adapté au plein développement de ses propres capacités innées.


L’environnement doit être compris dans sa plus grande extension, comme une écologie humaine où sont importants non seulement les aspects économiques et sociaux en général mais aussi les aspects relationnels, familiaux et éducatifs. La proposition d’une éducation biocentrique n’est rien d’autre que le versant concret et opérationnel de cette proposition et répond à une idée de la vie en tant que trésor de possibilités qui trouve sa pleine expression de façon naturelle si le contexte est favorable à son développement.


Relire les droits humains sous cette perspective écologique, de façon à ce que le droit à la vie et le retour à la dignité peuvent être compris non seulement en termes de concessions et d’obligations mais garantissent la pleine « floraison » de la personne.


Le terme « floraison » qui semble n’avoir qu’un effet poétique est utilisé dans la réflexion sur une nouvelle économie de développement comme celle d’Amartya Sen qui montre la nécessité de considérer le développement économique et social dans le but de créer des conditions adaptées au plein développement des capacités humaines, à justement leur floraison. Cependant, les consonances les plus intéressantes avec le concept de potentialités peuvent se trouver dans les réflexions de Martha Nussbaum qui réécrit les droits humains, non en se référant à une théorie des besoins mais plutôt à une théorie des vrais droits à pouvoir voir grandir, développer et exercer toutes les capacités les plus propres à chaque être humain.

Ce sont des capacités qui n’admettent aucune exception sans que celle-ci se transforme de fait en une discrimination, ce sont des capacités qui doivent être garanties à tous indifféremment, sans distinction de race, sexe, culture, religion et dont les valeurs doivent être effectivement reconnues comme universelles.


Le modèle de référence est naturellement différent de celui synthétisé par les cinq lignes de vivencias indiquées par Rolando Toro mais contient des indications importantes si nous voulons explorer les résultats non seulement psychologiques mais également sociaux de la Biodanza et il peut être entendu comme une suggestion pour une articulation possible avec le guide social du principe biocentrique.


Je vais essayer de lister quelques-unes de ces capacités en mettant l’accent, non tant sur celles les plus partagés, comme celles qui concernent la vie, la santé ou l’intégrité physique, mais sur celles qui semblent et sont souvent considérées comme secondaires, étant justement secondaires par exemple l’imagination, les sentiments


Je les rapporte intégralement :

1. Vie. Avoir la possibilité de vivre jusqu’à la fin une vie humaine de durée normale ; de ne pas mourir prématurément, ou avant que soit vie ne soit limitée de telle façon qu’elle est indigne d’être vécue.


2. Santé physique. Pouvoir jouir d’une bonne santé, y compris une reproduction saine ; pouvoir être nourri de façon adéquate ; avoir une habitation adéquate.


3. Intégrité physique. Etre capable de bouger librement d’un lieu à l’autre ; être protégé contre les agressions, y compris l’agression sexuelle et la violence domestique ; avoir la possibilité de jouir du plaisir sexuel et du choix dans le domaine de la reproduction.

Déjà, dans ce troisième point il y a des éléments importants à souligner : on parle par exemple d’agression sexuelle de violence domestique, de plaisir sexuel. Ce sont des aspects qui souvent dans l’énonciation froide et juridique des droits ne sont pas considérés mais qui renvoient à des contextes concrets de violence et d’injustice, surtout vis-à-vis des femmes, qui sont des limitations graves au libre développement et expression des potentialités et capacités humaines.


4. Sens, imagination et pensée. Pouvoir utiliser ses propres sens pour imaginer penser et raisonner, avoir la possibilité de le faire de façon « vraiment humaine », c’est-à-dire d’une façon non formatée et cultivée par une instruction adéquate comprenant l’alphabétisation, les mathématiques élémentaires et la formation scientifique, sans être cependant limitée à ces branches-là.

Être capable d’utiliser l’imagination et la pensée en lien avec l’expérience et la production d’œuvre auto-expressive (…) Pouvoir aller à la recherche de la signification ultime de l’existence par ses propres moyens. Pouvoir faire des expériences agréables et éviter les douleurs inutiles.


5. Sentiments. Pouvoir éprouver de l’affection pour les choses et les personnes en plus de soi-même, aimer ceux qui nous aiment et qui prennent soin de nous, souffrir par leur absence ; en général, aimer, souffrir, éprouver du désir, de la gratitude et de la colère justifiée. Ne pas voir son propre développement émotif détruit par l’anxiété ou des peurs excessives, par des événements traumatiques d’abus et d’abandon.


6. Raison pratique. Etre capable de se faire une conception de ce qui est bien et s’engager dans une réflexion critique sur comment programmer sa propre vie.


7. Appartenance.

a) Pouvoir vivre avec les autres et pour les autres, reconnaître l’humanité d’autrui et montrer des préoccupations pour le prochain ; s’engager dans différentes formes d’interactions sociales, être capable de comprendre les conditions d’autrui et d’éprouver de la compassion ; être capable de justice et d’amitié (Défendre cette capacité signifie défendre les institutions qui fondent et alimentent ces formes d’appartenance et aussi défendre la liberté de parole et d’association politique)

b) Avoir les bases sociales pour le respect de soi pour ne pas être humilié ; pouvoir être traité comme une personne digne dont les valeurs égalent celles des autres. Ceci implique, au minimum, une protection contre la discrimination concernant la race, le sexe, la tendance sexuelle, les religions, les castes, les ethnies, les origines nationales.


8. Autres espèces. Être capable de vivre en lien avec les animaux, les plantes et avec le monde de la nature en éprouvant de l’intérêt pour cela et en en prenant soin.


9. Jeu. Pouvoir rire jouer et profiter d’activités récréatives.


10. Contrôle de son propre environnement.

a) Politique. Pouvoir participer de façon efficace au choix politiques qui gouverne sa vie ; jouir du droit de participation politique, de la garantie de liberté de parole et d’association.

b) Matériel. Avoir le droit de posséder (des terres et des biens mobiliers) non seulement formellement mais d’en avoir une possibilité concrète ; avoir le droit de chercher du travail sur la même base que les autres ; être protégé des perquisitions et des arrestations non autorisées. Concernant le travail, être capable de travailler d’une façon digne d’un être humain, exerçant la raison pratique et établissant un rapport significatif et de reconnaissance mutuelle avec les autres travailleurs.


Certes, certains points sont plus directement liés à la Biodanza, d’autres peuvent sembler trop explicitement politiques. Les droits humains, cependant, ont aussi une extension propre dans le domaine des droits civils et politiques desquels dépend la possibilité pour les personnes de développer une capacité apparemment plus subjective. Ce sont des éléments que nous tenons pour donnés, alors que les systèmes politiques sont suffisamment ouverts mais deviennent primaires dans un contexte fortement répressif. Il n’existe pas de développement personnel complet sans un contexte, même politique, qui garantit la possibilité de liberté. La même chose vaut naturellement pour les conditions économiques.


Tous cependant font référence à une sorte d’écologie du développement humain qui va du contexte le plus vaste comme l’état à celui personnel délimité par l’espace familial et les relations avec l’autre.


Comme je le disais, les éléments les plus intéressants concernent cependant les aspects qui sont normalement considérés comme secondaires et parfois velléitaires en termes de droit. S’il est facile de comprendre la nécessité d protéger et garantir le droit à la nourriture, au logement et à la sécurité, il est plus difficile de parler d’un droit à l’imagination, à l’affection, à l’amour, au jeu.


Avoir mis comme les capacités essentiels l’imagination et la pensée, la possibilité de « rire, jouer et jouir d’une activité récréative », celles de pouvoir éprouver de l’affection pour les choses et les personnes autres que pour nous, aimer ceux qui nous aiment et prennent soin de nous, introduit une vision dans laquelle ce que nous entendons normalement comme appartenant au domaine de la psychologie individuelle révèlent leur caractère social.


Le terme capacité, que nous pourrions dire dans le vocabulaire de Rolando Toro potentialités humaines, acquiert ici toute son importance : il s’agit d’être mis dans les conditions pour pouvoir faire ou sentir ce qui appartient originellement et universellement à tous les être appartenant à l’espèce humaine bien avant toute différenciation historique, géographique ou culturelle.

De telles capacités peuvent être compromises de mille façons mais toutes imputables à un « environnement », qui dans ces multiples aspects économiques, juridiques, culturels et familiaux, rend impossible leur développement et leur libre expression.


La violation a la même gravité qu’on la considère du point de vue du développement ou de celui de la répression. Ne pas pouvoir exercer la libre capacité de pensée et d’imagination parce qu’on ne nous a pas donné la possibilité de la faire grandir et de la développer dans un contexte éducatif adéquat est grave et nous limite. La répression est plus facile à reconnaître et nous avons développé contre elle une sensibilité collective qui nous permet au moins de faire des actes de dénonciation. Mais la violation d’un droit n’apparaît pas aussi clairement dans le cas où l’on en empêche consciemment ou non, peu importe, la croissance et le développement.

Notons par exemple ce qui se dit à propos des sentiments en lien avec le droit à : « Ne pas voir son propre développement émotionnel détruit par l’anxiété et la peur excessive ou par des événements traumatiques d’abus et d’abandon » ou encore le droit à pouvoir vivre avec les autres et pour les autres, de reconnaître l’humanité d’autrui et avoir des préoccupations pour son prochain ; se consacrer à différentes formes d’interaction sociale ; être capable de comprendre les conditions d’autrui et d’en éprouver de la compassion ; être capable de justice et d’amitié. Que ces capacités humaines puissent être sacrifiées et compromises n’est pas seulement évident par rapport à des contextes affectifs et relationnels familiaux et parentaux mais aussi par rapport à des contextes sociaux où les enfants et les adolescents, par exemple, sont privés d’expériences fondamentales positives telles que celle de pouvoir développer un minimum la capacité empathique ; les enfants engagés dans des actions violentes de guerre comme dans le cas d’enfants soldats mais aussi dans la criminalité organisée, des enfants et adolescents qui ont grandi dans des contextes d’indifférence par rapport à l’autre, de mépris, de discrimination ou de racisme manifeste.

Le manque de contexte affectif adéquat, la subordination des comportements aux disqualifications propres aux adultes à l’égard de l’humanité de l’autre compromettent de façon quasi irrécupérable le développement et la croissance de la sensibilité empathique.

Cette violence exercée à l’égard des enfants ou des adolescents est d’une gravité incommensurable, non moins grave que celle liée au manque d’instruction ou de soin. Le droit dans ce cas est compromis dès l’origine et ne permet pas le développement d’une capacité humaine fondamentale.

En ce sens, les capacités, toutes les capacités humaines sont à entendre comme des droits qui doivent être sauvegardés et protégés, non seulement dans leur expression mais plus encore dans leur développement. Ce sont des capacités dont on doit prendre soin d’un point de vue éducatif mais aussi – et c’est là que la Biodanza a un rôle supplémentaire – dans leur dimension de réhabilitation.


Tandis qu’il y a des personnes dont les capacités sont compromises, sacrifiées, réprimées ; alors que la violence ou l’indifférence du contexte socio-économique ou familial ont provoqué des carences dans les droits et les capacités fondamentales, la Biodanza peut participer à leur récupération et à la reconstitution de l’intégrité de la personne.


Amartya Sen, quand elle parle de droit au bien-être et à la qualité de vie, fait toujours référence à une idée du bonheur d’inspiration aristotélicienne, l’eudémonisme, en l’interprétant comme la pleine floraison de la vie, le plein développement des capacités de chacun.

Offrir et garantir à la vie de chacun de “fleurir”, d’exprimer plus ses propres potentiels. Ça c’est la Biodanza, et ça c’est sa vocation sociale.


Conférence présentée au premier forum international de Biodanza sociale et clinique – Mars 2009

Centro Gaja Ecole de Biodanza de Vicenza

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