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La vivencia, fins épistémologique par Eugenio Pintore

Photo du rédacteur: Biodanza-PaulaBiodanza-Paula

La complexité de la réalité, sa totalité demande une approche multiple, dans laquelle les formes du discours, l’émergence des modalités, les relations, les expériences ont la parole en même temps.


Une épistémologie systémique et transdisciplinaire est le premier pas vers une nouvelle conception du savoir et de la connaissance.


Le pas suivant est encore plus profond.


Il s’agit de connecter le savoir avec l’expérience, avec la profondeur et la totalité de notre être vivant. Sur ce point, les réflexions théoriques ne sont pas encore nombreuses. La connaissance est considérée comme une activité séparée de la totalité des constituants affectifs, instinctifs, émotionnels, en résumé de la corporéité considérée dans sa totalité.


Même la neurophysiologie a cherché à isoler le système nerveux cérébral dédié à l’activité cognitive du tout, le dotant d’une autonomie fonctionnelle propre. Ce qu’on appelle conscience, mental, que ce soit intellectuel ou réflexif, la recherche a cherché à séparer, à diviser de façon cartésienne la « res cogitans » de la corporéité.


Il est évident que, d’un point de vue systémique, ceci n’est plus acceptable : en raisonnant encore avec une conception fragmentée des aires cérébrales, il semble indispensable de procéder à une théorie modulaire du fonctionnement cérébral dans laquelle chaque partie interagit toujours avec toutes les autres (cf. le connexionnisme).


Encore moins acceptable est celui de donner au concept de connaissance une valeur plus grande qui inclut les relations du système humain avec lui-même et avec son propre milieu ambiant, démontrant surtout un préjugé qui privilégie le discours logico-rationnel.


Dans cette perspective, la proposition de la Biodanza, avec le point central qu’elle donne à la «vivencia», à l’émotion, à la musique, au mouvement – aspects qui sont apparemment éloignés de n’importe quel objectif connu – offre un horizon nouveau pour unir l’expérience et la connaissance.


Elle cherche surtout à valoriser tout ce qui est sous-tendu comme un terrain fécond au domaine logico-linguistique, en manifestant les racines sur lesquels l’art comme la science peuvent grandir comme expressions de la vie humaine.


La vivencia intense comme expérience profonde et intégrée de notre être ici et maintenant peut fournir un modèle très efficace pour une connexion de la connaissance en syntonie avec une perspective vraiment systémique, une connaissance qui surpasse tout privilège du logico-déductif en faveur d’une conception « symphonique » de l’activité cognitive, dans laquelle tous les composants de l’être humain, de la perception à l’imagination, de l’émotion au mouvement, convergent vers la connaissance de soi et du monde.


Ce qui s’expérimente dans la vivencia est surtout cet effet de résonance du multiple : une expérience intégrée qui relie avec les autres et avec le monde qui ouvre de nouvelles voies de perception et de compréhension.


Une expérience également cognitive mais non limitée à l’observation ou à la représentation : plutôt une connaissance vécue, participative.


Il n’est pas facile de rendre dans le vocabulaire de la science ou de la philosophie ce qu’est la vivencia.


Nous pouvons la segmenter dans les langages les plus divers : dire par exemple dans le langage de la représentation que la vivencia est considérée comme un état descriptible en termes biologiques en lien avec les variabilités physiologiques mesurables et vérifiables : une certaine pression artérielle, un certain flux hormonal, une prévalence de certains neurotransmetteurs plutôt que d’autres et ainsi de suite … ; et tout ceci ne dit rien de la vivencia. Nous pouvons dire le « visible » de la vivencia, par exemple, une certaine mimique faciale mais là encore la « vivencia » échappe.


La vivencia se comprend de façon empathique.


Nous voyons une mère caresser son fils et, d’une façon empathique, non seulement nous comprenons ce qui se passe, mais nous sentons ce qui arrive.


Cette capacité empathique procède à des niveaux de compréhension absolument pré-catégoriels par rapport auxquels la description est absolument insuffisante. La réflexion vient toujours après.


Comment donc rendre compte du pouvoir cognitif de la vivencia ?


Nous devons avoir recours à des métaphores : dire par exemple que dans la « vivencia » nos capacités sont potentialisées parce que s’ouvre une modalité qui dépasse celle du langage analytique, parce qu’elle fait appel à des potentialités cognitives originaires et innées dans lesquels l’analogique, l’émotif, l’instinctif peuvent dépasser les limites et les confinements imposés par la prévalence du modèle logico-rationnel, des préjugés culturels, des ossifications linguistiques. C’est l’expérience d’un nouveau mode de connaissance intégré à l’être propre et à l’être du monde.


Ces affirmations ne sont pas sans conséquence du point de vue épistémologique : cela signifie surtout redonner au concept de « connaissance » une dimension plus vaste que celle prévue par le discours scientifique et plus proche, dans ce sens, du domaine esthétique. Une tragédie, un tableau, une poésie, un mythe parlent de la réalité avec une profondeur et une amplitude qui échappent à de nombreuses descriptions scientifiques.


Je dis beaucoup et de loin pas tout dans le sens où, outre le mécanicisme et le déterminisme, la science de notre temps a ouvert des perspectives d’une grande résonance vivenciale. La théorie de la relativité de Einstein, le principe de l’indéterminisme de Heisenberg, la théorie des catastrophes de Thom, la découverte de l’ADN, la théorie du chaos et encore d’autres ont ouvert des horizons, non seulement à de nouvelles connaissances mais à de nouvelles façon d’expérimenter la réalité qui sont celles des vivencias de totalité.


La Biodanza enseigne de ce point de vue à ne pas renverser, sans discrimination, le rapport entre la science : il ne s’agit pas d’abandonner le discours scientifique pour celui d’un savoir plus intuitif ou de l’esthétique mais de comprendre leur portée vivencielle.


Quand on pense, par exemple, à la théorie de l’ordre implicite de Bohm, la référence est non seulement « scientifique » mais aussi vivencielle. Si nous parlons du principe biocentrique mais sans vivencia, il reste un pur concept vide ; si nous parlons d’affectivité et de sexualité mais sans vivencia, cela ne signifie rien ; finalement si nous parlons de transcendance mais sans vivencia, celle-là se transforme en une pure conception philosophique vide.


Ce que nous sommes en train de dire est en fait paradoxal. Parce que, si la vivencia en Biodanza est considérée comme un abandon de l’attitude représentative, descriptive, analytique propre à la science en faveur d’un nouveau rapport, précisément vivenciel, avec le monde, comment pouvons-nous encore parler de science, de savoir ?


Je crois que le centrage épistémologique de la vivencia conduit à l’intégration du savoir, non à l’opposition.


Nous avons besoin d’une nouvelle image du savoir. Donner au savoir la caractéristique du vivant, cette caractéristique que nous connaissons bien dans la vivencia, dans laquelle la séparation entre le visible et l’invisible est dépassé, où le corps est tout un avec l’imagination et l’émotion, dans laquelle nous sommes tout un avec le monde, faits de la même matière éternelle, insérés dans le flux d’une vitalité sans limite.


Nous parlons de transdisciplinaire dans le sens horizontal, mais aussi multidimensionnel en référence à la profondeur, à l’intensité, au signifié, au sens.


Il y a de l’extase dans la science, il y a de l’émotion, il y a le plaisir et l’enthousiasme ; comme il y a de la connaissance dans l’émotion, il y a de l’intelligence dans l’instinct, il y a de la « science » dans l’art.


En dépassant l’antique distinction dans l’univers du savoir, les limites deviennent mobiles, un océan s’ouvre à la navigation, une navigation encore toute à faire.

 
 
 

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