Dans la conception d’une nouvelle masculinité, on cherche à intégrer le « féminin » chez les hommes, on l’aborde à partir d’une perspective taoïste. Le yin, selon cette vision, est le féminin, l’obscur, l’instinctif, l’inconscient, le réceptive qui complète le yang, le masculin, le lumineux, le rationnel, le conscient, celui qui ouvre un chemin, qui pénètre. C’est une vision intégrée où l’un inclut l’autre, l’un n’existe pas sans l’autre. C’est la recherche d’intégration des aspects opposés et complémentaires, c’est vu comme des cycles de vie cosmique en constant mouvement qui s’étend et se contracte, le jour et la nuit, la lumière et l’ombre, le masculin et le féminin.
« Le système dans lequel nous vivons potentialise le comportement yang dérivé de la lutte et de la compétence, ceci est stressant et diminue la capacité de nous sensibiliser avec la délicatesse, la douceur et la lenteur ».
Rolando Toro
L’homme est extrêmement yang dans son corps, dans sa façon de gérer avec la réalité par la rationalité, l’objectivité et le pragmatisme. Il est souvent enfermé dans ce stéréotype externe au détriment de son monde intérieur, le yin qui peut être caractérisé par : sensibilité, intuition, empathie, humilité, émotion, capacité d’abandon et dissolution.
« L’homme n’est pas seulement un être sexuel mais également un être bisexuel qui combine en lui le principe masculin et féminin dans des proportions différentes, souvent en conflit. L’homme chez lequel le principe féminin serait complètement absent serait un être abstrait, totalement séparé de l’élément cosmique. Seule l’union de ces principes est ce qui constitue un être humain complet. »
Nicolas Berdyaeu
Le yin dans le masculin est beaucoup plus que la femme intérieure, c’est un univers inconnu de sensations et d’émotions que nous, les hommes, devons développer et intégrer. Nous devons apprendre à cohabiter sainement avec ces aspects yin et ne pas les nier ou les projeter sur les autres, hommes ou femmes. C’est reconnaître que, en nous les hommes, ces aspects sensibles, émus, intuitifs, existentiels de notre identité font partie de notre totalité en tant qu’êtres humains.
Robert Bly, un des mentors d’une nouvelle masculinité, affirme que la place de l’homme dans la création est avec la nature, il fait partie d’elle. Il dit que les hommes doivent se connecter avec la partie de leur corps qui va de la ceinture vers le bas, c’est-à-dire avec leur aspect yin, relié au monde instinctif, obscur et mystérieux. Pour la culture occidentale et chrétienne, cette partie de notre corps appelée « inférieure » est considérée comme mauvaise, pécheresse et interdite. C’est pour cela que la connexion avec cette partie nous est difficile, elle amène de la culpabilité par le type de sentiment qu’elle peut éveiller en nous et aussi parce que ces nouveaux sentiments, inconnus par la plupart des hommes, je ne peux les contrôler et ils déclenchent en moi une fragilité dans mon identité masculine.
C’est dans le monde instinctif que se trouve la clé pour la récupération d’un homme naturel et c’est dans le contact avec le yin masculin que l’homme aura un yang plus authentique, vrai, réel. Cela se traduit par un homme doux, suave, sensible et puissant, viril et courageux.
Développer la sensibilité en nous signifie développer un état de calme, de réceptivité permanente qui nous permet de sentir ce que la vie me dit pour vivre maintenant ; c’est la possibilité d’être un homme sensible dans un monde aussi sensible et éternel mouvement de vie.
Un aspect yin que nous devons aussi intégrer est notre monde émotionnel qui, dans la culture patriarcale, a été laissé de côté et est devenu notre talon d’Achille. Notre difficulté est telle que beaucoup d’homme n’arrivent pas au cours de leur vie à sentir et exprimer leurs émotions, leurs affects et que certains ne savent pas reconnaitre et distinguer un affect d’un autre (alexithymie) ce qui les amènent à un état de confusion qui les conduit à « l’action pour l’action » déconnectée de toute émotion ou à des conduites addictives, comme l’alcoolisme ou d’autres drogues. Sentir chaque moment comme unique et se laisser prendre par l’émotion de ce moment est un des premiers pas pour intégrer ce monde émotionnel.
Quand un homme a intégré cet aspect yin de l’identité, il arrive à établir une relation plus saine avec son entourage, que ce soit avec la nature (notre Mère Terre), ou avec le féminin car il peut se relier de façon plus sincère et plus spontanée.
« La genèse d’un nouveau modèle de comportement est entre les mains de l’homme actuel et il ne peut prendre forme que dans le présent, comme une expression de notre liberté »
Ricardo Spreafico
Une des portes d’entrée vers ces aspects sensibles de l’identité masculine est de se connecter avec la partie numineuse et encore peu développée des archétypes masculins que la mythologie nous raconte, comme les différents aspects de l’archétype du Guerrier où la solidarité et la camaraderie sont des forces favorables à l’amitié, à l’amour et à la vie. Le travail sur l’aspect protecteur de l’archétype du Roi, qui prend soin, protège et oriente tout son royaume : comprenez sa famille, son peuple et toute l’humanité. Avec son exemple, il crée un « royaume de paix, de justice et de liberté ».
Nous devons aussi récupérer et approfondir d’autres archétypes qui ne sont pas tant développés actuellement, des archétypes comme l’Enfant Divin qui nous appelle à vivre le présent, l’ici et maintenant avec l’innocence de celui qui vit quelque chose comme si c’était la première fois. Nous vider des idées préconçues et vivre la vie comme un éternel présent où tout se transforme. Vivre encore l’archétype du Vieux Sage ou Senex qui, par son expérience de vie, a réussi des processus alchimiques de transformation de l’ombre en lumière, guidé par une force intégrative qui naît dans le cœur, car la vraie sagesse est celle qui vient du cœur. Cet archétype est aussi celui qui initie d’autres hommes à récupérer leur masculinité, plus mûre, plus intégrée et plus saine.
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