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Intelligence affective et éducation biocentrique par Ruth Cavalcante

Rolando Toro propose que l’éducation biocentrique crée des mécanismes pour développer l’intelligence affective quand il affirme :


« En réalité, l’intelligence fait partie de toutes nos fonctions et de notre histoire existentielle. Nous ne pensons pas qu’avec le cerveau, mais avec tout notre corps. (…) Je pense que le facteur permanent qui intègre et structure l’intelligence en tant que fonction globale est l’affectivité. (…) L’intelligence affective n’est pas un type spécial d’intelligence. Toutes les formes différenciées d’intelligences : motrice, spatiale, mécanique, sémantique, sociale, etc. ont une source commune : l’affectivité. » (Toro, fascicule du module d’éducation biocentrique)


Dans l’éducation biocentrique l’accent principal n’est pas mis sur l’intelligence, mais sur l’articulation entre elle et l’organisme comme un tout, le corps, le désir et le plaisir en lien amoureux avec l’autre intégré à la totalité. Pour Rolando, l’éduqué est le sujet du processus éducatif car il n’y a pas de dichotomie entre les aspects cognitif et affectif. L’intelligence affective favorise une relation dynamique agréable dirigée vers l’acte de se connaître soi-même, de connaître l’autre, de connaître l’univers, où le savoir entre par les sens et pas seulement par l’intellect.


La base du développement de l’intelligence affective est donc le renforcement des liens, construisant un noyau existentiel qui génère une force qui donne l’impulsion à notre existence. Ceci rend la personne capable de créer un noyau existentiel, de pouvoir écouter ses émotions et ses sentiments, de savoir ce qu’elle désire, quelles sont ses besoins réels, reconnaître quel est son chemin et créer des conditions pour le suivre.


Rolando Toro nous montre très clairement la différence entre émotion et affect dans le tableau suivant :


En étudiant ce parallèle entre émotion et affect nous pouvons aussi déduire quel est le centre de la proposition de Goleman sur l’intelligence émotionnelle et de celle de Toro sur l’intelligence affective. Alors que la première est un exercice pour apprendre à avoir le contrôle sur les émotions et dépend de la perception de chacun de nous, la deuxième concerne l’histoire vitale, les cellules, donnant les conditions pour percevoir la relation avec la vie car notre organisme existe parce que l’univers existe et c’est pour cela que nous parlons d’être cosmique, et pas seulement dans un sens métaphorique.


Notre action dans le monde est impulsée par notre besoin d’affect, de tendresse, de beauté, en lien avec l’intelligence affective. Celle-ci a en elle des composantes organiques héritées génétiquement par chacun de nous, différenciant une personne de l’autre par la possibilité de la développer ou non.


Selon Rolando Toro :

« La genèse biologique de la ligne de l’affectivité est en relation avec l’instinct de solidarité à l’intérieur de l’espèce : les impulsions grégaires, les tendances altruistes et les rites sociaux. La biologie cellulaire démontre l’existence de vraie communauté de cellules qui intègrent quelques opérations biochimiques de « coopération » entre elles. Les systèmes vivants sont de puissants mécanismes de cohérence dans lesquels fonctionnent les principes d’affinité, de rejet, et dans lesquels chaque partie se met au service de l’unité biologique. » (Toro, 2006)


La base de notre méthodologie est donc la vivencia qui a une fonction médiatrice dans le processus d’apprentissage. Elle est différente de l’expérience qui traite un objet d’études ou un apprentissage. L’expérience est accumulative, il peut y avoir vivencia ou non. La vivencia n’a pas la fonction de connaissance, elle ne se propose pas comme un lieu de connaissance ; elle a un sens en elle-même et porte en elle la possibilité de former une nouvelle attitude face à l’apprentissage proprement dit et sans l’expression et l’impression d’une sensibilité élevée ; c’est un instant où la personne s’exprime et le processus s’imprime en elle. La vivencia est la formation de liens intenses, avec soi-même, avec l’autre et avec la totalité. La vivencia a surtout beaucoup d’importance dans la capacité de s’entendre et d’entendre l’autre et la réalité. Elle re-signifie et revalorise l’apprentissage, développant de nouvelles manières d’apprendre par les émotions et les sentiments. Elle amplifie le processus pédagogique pour un processus de vie. Nous entendons souvent des déclarations de participants de nos cours parlant de transformations existentielles survenues à partir de ceux-ci. Ceci démontre qu’une signification importante de l’apprentissage est de se transformer soi-même et de transformer le monde et non d’établir des mécanismes de contrôle.


L’affectivité est liée à la dite protovivencia qui est la vivencia initiale de la vie humaine liée à la faim, à la nutrition, au besoin de protection par le contenant et la chaleur humaine, ainsi que par la communication avec les personnes.



Source : La protovivencia et son développement évolutif (Toro, 2006)


Nous autres les éducateurs de Ceara qui avons déjà introduit l’éducation biocentrique à nos pratiques pédagogiques, dans une construction collective, avons donné corps à ses présupposés théoriques. Je présente ici une synthèse de la systématisation élaborée par moi et Marcos Cavalcante :


Rôle de l’école ou de l’organisation

- Eveiller chez l’être la connexion avec la vie en élargissant la conscience écologique

- Rééduquer pour la vie en cultivant l’affectivité

- Assumer un engagement avec la vie : solidarité comme une nouvelle vision éthico-politique

- Faciliter l’expression créatrice

- Renforcer l’identité : autonomie pour l’exercice de la citoyenneté

- Favoriser l’apprentissage réflexif-vivenciel


Contenus de l’enseignement – apprentissage

- Construction de la connaissance orientée par le principe biocentrique (qui surpasse le principe anthropocentrique)

- Différentes sagesses au service des fonctions primordiales de la vie

- Appropriation de la technologie au bénéfice de la vie

- Corporéité vécue – la mémoire du corps

- La poésie et l’art en interconnexion avec les sciences

- Perception amplifiée par l’écologie profonde

- Reconnaissance et expression des émotions légitimes

- Culture de l’affectivité

- Expansion de la conscience morale et éthique par la conservation de la vie

- Découverte progressive de l’autre dans l’interconnexion des systèmes

- Renforcement de la spiritualité orientée par l’amour


Méthode de l’enseignement – apprentissage

- Construction de la connaissance par l’intermédiaire du dialogue au service de la vie

- Apprentissage auto-découverte

- Vivencias intégrantes des émotions légitimes facilitées par le triangle : musique, mouvement et émotion

- Expression des potentiels créatifs dans la relation dynamique entre l’art et la science

- Lien avec le milieu ambiant

- Culture des rituels de lien : avec soi-même, avec l’autre et avec la totalité

- Eveiller l’esprit à la solidarité et à la cohabitation amoureuse

- Coopération comme processus de base dans la socialisation

- Le chemin de l’apprentissage se construit dans l’interaction vivencia – réflexion

- L’amour comme source de reliance avec la vie

- Adoption du principe de la progressivité

- Apprendre à connaître par l’autopoïèse


Relation éducateur – éduqué

- Interaction orientée par la conscience éthique

- Relation horizontale, circulaire et transdimensionnelle

- L’éducateur comme médiateur dans la construction de la connaissance et l’éduqué comme sujet de l’apprentissage

- Relation dialogique et amoureuse

- Coopération affective et apprentissage mutuel

- Relation empathique et culture du lien


Présupposés de l’apprentissage

- Action pédagogique basée sur le principe biocentrique

- Expression de l’identité ‘révélation de soi – différenciation et intégration)

- Processus d’apprentissage en groupe renforcé dans la conscientisation affective

- Culture des énergies organisatrices, conservatrices et créatrices du mouvement – vie

- Le lien comme dimension qui donne l’impulsion aux structures cognitives pour un apprentissage auto-découvert

- La vivencia comme point de départ autorégulateur dans le processus d’apprentissage renforcé par le plaisir

- Avoir pour base les canaux d’expression des potentiels génétiques (lignes de vivencias : vitalité, sexualité, créativité, affectivité, transcendance)

- La multidimensionnalité comme processus de construction de la connaissance dans ses dimensions physique, biologique, mentale, psychologique, spirituelle et socioculturelle

- Le corps en mouvement : rythme, mélodie et harmonie

- La perception de la réalité objective et orientée par la relativité et la complexité

- Le principe néguentropique de l’amour et de l’illumination : autorégulation, autonomie et auto-évolution.


La transformation que la planète vit aujourd’hui et conséquemment les transformations par lesquelles passe l’éducation a été préparée depuis longtemps et particulièrement dans les années soixante du 20ème siècle, période que je considère avoir également été celle de ma préparation en tant qu’éducatrice biocentrique. J’entre dans le nouveau millénaire avec optimise et disposée à apprendre chaque fois plus avec les enfants, à vivre la joie dans l’éducation, me souvenant de Ruben Alves : « Le maître naît de l’exubérance de la joie. Et, c’est pour cela même que quand ils sont interrogés sur leur profession, les professeurs devraient avoir le courage de donner une réponse absurde : - je suis un berger de joie… mais, il est clair que seuls leurs élèves pourraient vérifier la véracité de leur déclaration… » Je souhaite cultiver la joie et l’éveiller chez mes élèves parfois pas habitués du tout à l’expérimenter. J’aimerais leur dire et à moi aussi que la joie est la plus grande manifestation de l’amour de la vie.


Je comprends que la viabilité de l’application pratique de cette approche psychologique est directement liée au changement d’attitude de la part des éducateurs, étant entendu que nous ne considérons pas ici que les professeurs mais tous ceux qui luttent avec les actions humaines ; en ce sens, l’éducation biocentrique suggère une attitude critique et bienveillante permanente dans sa pratique quotidienne au travers d’une simple question : « Mon attitude est-elle en train de générer de la vie ? » Elle suggère aussi de systématiser sa pratique pédagogique dans une perspective affectivo-critique, en intégrant la pensée, le sentir et l’action en une seule totalité allant dans le sens de l’auto-transformation et de la transformation solidaire de la réalité sociale.


Par l’éducation biocentrique, nous souhaitons récupérer le plaisir dans l’activité intellectuelle, la passion pour les sciences, l’action créative et poétique, le dialogue critique et le lien amoureux dans le quotidien de l’élève et de l’éducateur. Quand nous arriverons à une éducation ludique entre la théorie et la pratique au travers de la méthodologie réflexivo-vivencielle, nous aurons établi le chemin de la formation intégrale et complète de l’éducateur en recherche d’une éducation transcendante dans laquelle on perçoit l’autre côté de la réalité en pouvant capter la profondeur de la vie en union et réunion avec le système vivant qui forme la grande trame de la vie. Notre engagement a toujours été de former des éducateurs d’une manière plus large en considérant toutes les dimensions de l’existence humaine, les aidant à conscientiser leur tâche en tant que sujets actifs et créatifs dans leur processus d’auto-transformation et de transformation de la réalité, en éveillant chez eux la conscience et la dignité en tant que personne humaine et en développant le sentiment d’engagement, de solidarité avec l’humanité et avec la planète. Cette conscience implique un changement d’attitude et de comportement en lien avec soi-même, avec l’autre et avec le monde. Elle implique aussi la découverte de sa valeur en tant qu’être historique. Que notre action pédagogique soit un instrument de notre libération car nous sommes fruits de notre propre histoire, de nos décisions.


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