Dans la formation des facilitateurs de Biodanza nous avons le module Antécédents mythiques et philosophiques. Il s’agit d’un itinéraire merveilleux qui nous permet d’approfondir deux domaines de la connaissance humaine : les archétypes de la mythologie grecque et des philosophes que Rolando Toro Araneda a considérés comme fondamentaux pour comprendre le système Biodanza.
Si nous souhaitons explorer plus profondément l’essence du système Biodanza, il est possible que nous devions remonter aux langages ancestraux et explorer l’interrelation entre l’art, le chamanisme, la cosmovision et la culture biocentrique en trouvant leur point de convergence. Là où l’art est une condensation multi sensorielle de la cosmovision, une voie primordiale pour atteindre les plans sacrés, l’authentique langage des dieux ; et où le chamanisme, bien plus qu’un acte rituel ou curatif, se découvre comme une expression complète et vivencielle de la manière dont les cultures indigènes conçoivent et sont dans le monde.
La culture occidentale vit actuellement une crise des valeurs, des croyances et des paradigmes. Les modèles scientifiques installés tentent d’homogénéiser le monde. Le défi est donc de continuer à avancer avec de nouveaux modèles.
Alors que la conquête espagnole était basée sur la négation de l’autre, le paradigme biocentrique est de comprendre l’autre. Son outil : la vivencia. Nous avons là accès à la reconnaissance que nous sommes un tout. Un tout où se manifestent l’hétérogénéité, la différence et la valeur de chacun.
Alors que cela fait 60 ans que l’occident a tourné son regard vers l’orient spirituel, nous revalorisons aujourd’hui ce qui a toujours été là : la cosmovision des peuples originels et leur spiritualité. Il est très important que nous récupérions la sagesse des peuples originels et leurs cosmovision.
Nous devons au philosophe Wilhelm Dilthey deux remerciements, l’un pour le concept de vivencia (outil méthodologique par excellence de la Biodanza) et l’autre pour l’expression « cosmovision » qui est une adaptation de l’allemand Weltanschauung (de Welt, monde et anschauen, observer). Parmi les manières de voir et d’être dans le monde, la nature, l’univers et la relation avec eux, celle des cosmovisions indigènes sont très anciennes et sont encore d’actualité, elles n’ont pas disparues. Elles sont un trésor pour ces communautés. C’est pourquoi elles ont été très sages de les cacher pendant longtemps, pendant des siècles. Elles les ont défendues parce que c’est ce sont elles qui prennent le plus soin d’elles-mêmes. C’est ce qui est au centre de leur identité en tant que peuple.
Ces dernières années il y a eu un processus de convergence entre les cosmovisions indigènes et les nouveaux paradigmes scientifiques. Ce que disent les nouvelles perspectives scientifiques le disaient déjà les indigènes depuis des milliers d’années et continuent à le faire. Un exemple très clair est la conception de la terre comme un être vivant qui s’autorégule. Ce sont des thèmes d’étude dans la formation de Biodanza. Cette hypothèse (Gaia, J. Lovelock – 1985), les indigènes la considèrent depuis des milliers d’années. Ils voient la terre mère comme un être vivant dont il faut prendre soin, qu’il faut nourrir, qu’il faut respecter et qu’il faut surtout garder dans un équilibre permanent.
Tous les philosophes indigènes cherchent à être en harmonie avec la terre mère parce que s’ils ne le sont pas, la terre mère présente la facture. Beaucoup de mythologies indigènes se réfèrent à cela.
Le concept de « réalité » pour les occidentaux est quelque chose qui peut être mesuré.
Pour les indigènes, c’est aussi quelque chose qui est au-delà de nous, les rêves, d’autres plans dimensionnels, des entités qui cohabitent avec nous bien que nous ne les voyions pas. Tout cela le conçoit aujourd’hui la physique quantique.
Le concept de réalité. La possibilité de concevoir différentes dimensions de la réalité qui est quelque chose d’habituel pour les participants de Biodanza ou ceux qui étudient la psychologie transpersonnelle… pour beaucoup de personnes encore il est difficile de le reconnaître. Elles continuent à vivre la réalité avec des catégories étanches, minimisent et délégitiment ce que les indigènes apportent.
La réalité est quelque chose de très complexe, difficile d’expliquer ce que la science peut nous dire. Les chamans peuvent voyager entre les réalités. Il faut changer la façon de penser et de connaître. Il faut élargir les frontières de notre connaissance. Et c’est ce que nous faisons aussi chaque semaine en Biodanza.
Faire des vivencias, des cérémonies de rencontres, c’est établir l’axe spirituel de l’être humain avec l’univers, la recherche de l’équilibre entre l’homme, les plantes et les animaux, les pierres, l’eau… Comme le dit le Yonko Pincen : « Les cérémonies sont pour équilibrer le monde et pour que l’homme chemine avec la nature ».
Le sens spirituel de la pratique de la Biodanza m’a toujours paru important mais ce n’est pas l’aspect que nous soulignons ou communiquons le plus. Cependant, la spiritualité est le point de rencontre, l’instance de communion entre les êtres humains.
Quand deux âmes se connectent, toutes les âmes autour, les ancêtres se connectent.
Quand nous dansons cérémonieusement dans un groupe régulier, nous connectons notre esprit avec l’esprit des ancêtres, c’est un moment de reconnexion, on récupère le sens de la communauté.
La valeur de la communauté est à l’opposé de ce qu’a nourrit l’occident dans l’individualité. Le spirituel n’est pas quelque chose au-delà, déconnecté de nous, c’est quelque chose de l’intégralité de l’être humain. Nous devons dépasser les dissociations matière/esprit, homme/nature. L’unité corps-esprit est une vision de la totalité organisée. Ne pas la suivre nous transforme en structures fragmentées.
Le biodanseur, comme l’homme indigène, cherche à être en harmonie avec la nature.
Il est essentiel que nous revenions à cette intégration pour cela nous comptons sur des instruments sacrés : la danse, le chant, la vivencia.
Nous vivons un changement de conscience en tant que société, il faut planter des semences pour que les autres personnes changent, que ce soit un processus croissant.
Dans les cosmovisions indigènes, la question de la crise est très présente : Pachacuti, pour les incas. Des cycles de grandes transformations. On donnait ce nom à certains leaders parce qu’ils étaient ceux qui promouvaient le changement ou étaient conscients de ce changement, ce processus de destruction et renaissance. On croyait avant que ces mythes concernaient la destruction, aujourd’hui on comprend que ce sont des mythes de rénovation. Ce sont des mythologies d’espoir. Tout ce qui meurt renait, et c’est pour cela que le symbole de la circularité est si important dans le monde indigène. Le cercle de la vie, des cérémonies, des nations indigènes, est le symbole de la totalité.
Dans bon nombre de leurs actions quotidiennes, l’indigène se dirige avant vers les pouvoirs et forces de la nature et du cosmos, donnant une direction sacrée à son existence. La vie quotidienne est présidée par d’innombrables petits actes sacrés qui leur donnent leur vraie signification. (Martinez Sarasola).
Beaucoup d’entre nous sentons que le mouvement de Biodanza pourrait s’inspirer de l’héritage que nous apportent les peuples premiers quand ils décrivent le sens communautaire de la vie.
Si nous comprenons qu’il y a une correspondance entre la terre et la communauté et que, comme l’homme appartient à la terre, il appartient aussi à une communauté… Qu’il serait bon d’honorer cette appartenance dans nos rituels et nos cérémonies de Biodanza ! Et que nous ayons tous une place importante !
L’étude des cosmovisions indigènes est une dette du système éducatif. Notre crise au niveau national est une crise d’identité. Au niveau personnel, c’est une grande source d’inspiration pour la création de vivencias en Biodanza et une belle exploration de mon identité et de notre identité en tant que participant à une activité d’origine latino-américaine dont il est nécessaire de revaloriser les racines.
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