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Photo du rédacteurBiodanza-Paula

Biodanza,Témoignage Partage d’un parkinsonien qui danse sa vie par Bernard Viau

La BIODANZA, une approche telle que je la vis, guidée par la musique et la danse, exprimée par les mouvements, le regard et les émotions, pour mon plus grand bonheur.


TOUT A COMMENCÉ il y a environ une dizaine d’années. J’étais dans un congrès international, et comme chaque soir il y avait une fête, donc de la danse. Avec beaucoup de plaisir, semble t-il, tout le monde dansait à sa façon. Soudainement, la musique s’est arrêtée, et tout a changé. La sono à fond, une magnifique musique sud américaine emplit la salle ; c’était très beau. Un homme et une femme se sont emparés du territoire, pourrait-on dire. Ils se sont mis à danser, occupant maintenant tout l’espace, avec pour seul contact un intense regard dans les yeux.

Immédiatement, toute autre activité a cessé, chacun regardant ce duo auquel personne ne s’attendait, il me semble. Ils ne se sont pas touchés une seule fois pendant les 4 ou 5 minutes qu’a duré leur danse. Pour moi, c’était comme s’il y avait un lien invisible, magique, qui les reliaient l’un à l ‘autre. J’étais bouleversé, comme hypnotisé. J’admirais quelque chose que je n’avais encore jamais vu ; leur façon de se déplacer, de s’approcher l’un de l’autre captivait tous les participants silencieux et oh combien présents ! Ce n’est que plus tard que j’ai su que cette splendeur de danse s’appelle Biodanza. C’est une danse qui touche le corps comme le cœur.

Souvent, lorsque j’en parle, on me demande ce que c’est, mais je suis bien incapable d’en faire une description théorique tellement c’est quelque chose qui se vit si fort de l’intérieur de soi ! Et en groupe en plus !


Je vous explique à ma façon, vous l’avez bien compris ! La Biodanza, c’est cette danse qui, maintenant, me captive tant, avec ma façon à moi de danser tout en suivant les mouvements proposés.


AUSSI, AVEC MON CHEMINEMENT tout au long de ces cinq dernières années, j’aimerais partager quelques instants avec vous, quelques moments forts qui m’ont aidé à vivre, oui, je dis bien vivre, vivre les rencontres différemment, avec davantage de conscience dans mon corps et de respect de toute ma personne.


A la suite du congrès, j’ai eu envie de suivre un atelier de Biodanza de deux heures auquel, vous n’en doutez pas, je me suis inscrit avec une grande soif de participer, de découvrir par la pratique les secrets d’une telle source de bonheur. Bon, j’exagère un peu ? Eh bien non, pas vraiment !


Suivre quelques mouvements bien précis tout en laissant faire le corps, en étant peu directif avec soi-même. J’ai compris que, moi aussi, j’étais capable malgré mes blocages et l’idée de ne pas savoir comment danser, sinon avec complexes et frustrations qui vont ensemble pour m’empêcher d’être heureux.


Ce soir là, au cours de cet atelier, oui, j’ai ressenti que je pouvais vivre du plaisir, du bonheur, à l’intérieur de moi, sans avoir à forcer quoi que ce soit, au contraire même en laissant aller. Le fameux « lâcher prise » vous savez !


A ma grande surprise, je me laissais danser parmi les autres, tout simplement, me laisser porter par l’énergie du groupe, sans contrainte, ni aucune critique et surtout sans aucun jugement sur ma propre personne comme sur les autres. Ce qui est sûr, la Biodanza avec ses vivencia, c’est pas l’endroit pour la compétition ni pour se croire le plus malin ! Non, être tout simplement soi-même est bien suffisant !


Parmi les autres, certains étaient un peu comme des modèles, enfin pour moi ; apprendre en quelque sorte en regardant les autres, en les mimant. J’étais pris par tant de beauté, de finesse, d’élégance, avec un sentiment de sécurité et de bien-être que j’avais l’impression d’être transcendé, comme imprégné par les gestes et postures, par l’énergie émanent de chacun, par quelques chose au delà des mots, dépassant la parole devenue inutile tellement le vécu de l’instant présent est puissant. De temps à autres il est proposé des mouvements très précis, genre Qi Gong, qui nous permettent de contacter une forte énergie, histoire de se faire vraiment du bien…


Oui, moi aussi, j’ai su danser avec une certaine aisance, une sorte d’élégance même, malgré la rigidité de mon corps. Qu’est-ce que c’est bon ! Ne pas se sentir jugé, mais se sentir accepté, aimé même !


ALORS BIEN SÛR, J’AI CHERCHÉ à retrouver des groupes de Biodanza ; pas de soucis, plusieurs groupes de dix à trente personnes ouvrent leurs portes en week-end comme en semaine. Dès que l’on cherche, on en trouve ; Pour une durée de deux heures, ou autres modes de fonctionnement possibles un(e) facilitateur / facilitatrice sérieusement formé(e) pendant plusieurs années, cadre les séances. Celles-ci sont très structurées dans le temps, avec une ronde d’ouverture et une de clôture. J’ai été surpris que l’on se tienne par la main, ce qui est bien normal pour une ronde, mais surtout j’ai été étonné de la qualité du contact main dans la main, de l’intensité des regards, des rencontres…


La plupart du temps, on fait deux rondes consécutives avec changement de place dans la ronde, ou pas ! Et j’ai remarqué au bout de quelques séances que, bien souvent, je prenais place près d’un homme bien solide, carré, costaud ; j’ai su par la suite qu’il était kiné et cela me rassurait parce que j’avais peur de tomber et de serrer cette main sécurisante me protégeait. Ce contact a même participé à guérir certaines difficultés que j’avais avec la gente masculine. Oui, Toi Mon Ami, tu peux te reconnaître, et j’ose te dire combien tu as été un soutien solide, encourageant, aussi nécessaire qu’utile ! Une aide précieuse aussi puissante que discrète, pertinente, aimante.


Également, de nombreuses personnes m’ont aidé, lorsque j’étais bloqué dans certains mouvements impossibles à effectuer tout seul, triste de contacter mon impuissance émanent de la maladie, heureux de recevoir en cadeau l’aide nécessaire pour participer. Par le toucher, le regard, la façon de se déplacer, de se mouvoir, de générer les mouvements adéquats…


DÈS LA PREMIÈRE RONDE le contact visuel est puissant, chaleureux, et je ne peux m’empêcher de sentir mon visage sourire, qui déclenche chez la personne ainsi regardée un magnifique sourire également, ou pas ! Réciprocité gratuite ! Il n’y a ni automatisme, ni obligation. Seulement être ! Ce n’est pas de l’ordre du possessif, du manipulateur non, mais du cadeau, de celui qui ne demande rien en retour, présence généreuse !


En même temps être en contact, percevoir la main du voisin, la sentir ; chaque main est si différente, forme, poids, chaleur, humidité, force, tout en étant en contact avec ses propres mains, déplacements, pas de danse, sensation dans les bras, attentif aux regards des autres, je vous parle ici de la complexité de ces mouvements à accorder, si simples apparemment mais fort complexes à synchroniser, à réaliser ensemble pour une personne atteinte par la maladie de Parkinson, gestes soignants, présence guérisseuse. Accepter, être. Tout simplement, être, sans contrôle, sans volonté aucune, seulement une grande conscience et confiance en soi !

Et puis toutes ces danses, ces vivencia comme on dit, pour parler de l’ici et maintenant, m’ont permis d’évoluer, de mieux me comprendre, moi-même comme les autres. Par exemple, tout simplement, comment est-ce que je choisis, ou me laisse choisir ? Là encore, est ce que j’utilise une stratégie pour obtenir d’être avec la personne de mon choix, oui c’est sûr que cela m’arrive de temps à autre ; cependant, au fil des années, je me sens de plus en plus à laisser faire, à me laisser choisir, en prenant le risque de la découverte d’une nouvelle relation riche pendant quelques minutes. De toutes façons, la facilitatrice présente une nouvelle danse, qui sera, elle aussi, ponctuée de « On change » de partenaire il va sans dire !


Alors, est-ce que je bouscule, ou bien je tiens compte de l’autre personne, est-ce que je guette un petit signe d’acceptation, ou de refus ? La main ouverte sur le cœur, ou la main fermée, le regard lumineux, brillant, ou fermé, baissé … En moins d’une fraction de secondes une décision est prise, comme si c’était important, voire vital…


Comment je réagis lorsqu’il y a un nombre impair et que je reste seul ? C’est vrai que la maladie me freine, dans mes réflexes et dans agir mes décisions … Cependant, aujourd’hui, j’ai le sentiment d’avoir dépassé tout ça, une sorte de paix me permet de vivre le cœur en fête ces deux heures d’énergie de vivencia, quelles que soient les propositions faites, quoi qu’il se passe !

Et pourtant, lorsque c’est l’heure de me préparer pour aller rejoindre le groupe, je traîne et manifeste un caractère ronchon pour prendre le métro ou traverser le parc ; cependant, dès que je pousse la porte de la salle de danse, il se produit un subit basculement de mon état émotionnel et de la bonne humeur m’envahit en une fraction de seconde ; à la fameuse question : « comment ça va » je m’entends répondre « fatigué mais heureux » ou d’autres fois « super » laissant de coté les détails perturbateurs voire toxiques. Ou bien, j’explique qu’il ne faut pas me tirer les bras, et que me mettre accroupi me demande réflexions, audace, efforts et patience…

TOUT SIMPLEMENT, AVEC CES QUELQUES MOTS, j’ai envie de remercier toutes ces personnes qui m’ont aidé et qui m’aident encore par leur présence, par la façon dont chacun me tient par la main, ou corps contre corps, par ces regards, par cette écoute, cette présence de qualité.

Biodanza, je ne vois en toi que des bienfaits ; même des personnes atteintes de maladie grave peuvent participer (avec aisance), et je témoigne de cette possibilité à se fondre dans un groupe, d’être pleinement vivant parmi les vivants. Malgré la maladie ! Avec le support du groupe, d’autres pourront aussi participer. A leur façon !


L’énergie positive rend ces vivencia si vivantes, porteuses de joie, d’enthousiasme, et c’est tout ce dont on a besoin lorsqu’on est attaqué par la maladie de Parkinson. Maladie qui, entre autre, et en ce qui me concerne, tue les projets, écrase l’enthousiasme, contrecarre la gestuelle, détruit l’équilibre, freine les mouvements, ralentit voire annule la compréhension et la mémoire ; heureusement j’ai encore la chance de pouvoir m’aider de médicaments qui, pour l’instant, réduisent les inconforts en me permettant de suivre les propositions, en profitant au mieux de ces temps de partages et de vie.


Perte du goût à vivre, pourtant la Dopamine artificielle est présente à chaque instant, avec ses effets secondaires qui, l’air de rien, empoisonnent la vie ! Un juste équilibre est nécessaire entre efficacité et effets dévastateurs non contrôlables ; une position on/off qui, en un espace de seconde, me fait passer du sourire au visage fermé, de la joie de vivre à des muscles tendus, du mouvement à l’arrêt, du confort au tremblement, de la marche aux vertiges, de la conscience à la chute …


Alors j’ose dire que, heureusement, la Biodanza se manifeste pour permettre l’acceptation de soi comme de l’autre, pour apporter de l’amitié, de la joie, de l’amour, du contact, de la beauté, du mouvement, de la fluidité, et encore et toujours de l’amour …


Ainsi je remercie vivement chacun et tous ceux qui font que la BIODANZA EXISTE POUR LE BONHEUR DE TOUS.


P.S. Mon kiné ne manque pas de me demander comment ça c’est passé la dernière séance, et puisqu’il y a une grande et belle qualité dans toutes ces rencontres, j’ose lui dire avec un beau sourire que « hier soir, j’ai pu danser avec les 8 plus belles femmes du monde » pour mon plus grand bonheur !

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