Faire de la Biodanza ou masser, c’est communiquer. Le massage ne s’arrête pas à l’épiderme, ni aux muscles, ni aux os : il va au plus profond de l’être. Paul Valéry ne dit-il pas que « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est sa peau » ?
Ainsi, l’approche en Biodanza comme en massage, est holistique : l’autre est vu dans sa totalité vivante, vibrante : physique, cœur, mental, esprit, énergie, âme, tous les mots qui servent à éclairer l’un ou l’autre aspect de l’humain, mais qui, en un être unique, ne composent qu’une seule danse et qu’une seule mélodie, qu’un autre être peut parfaitement recevoir.
Mélodie et danse qui peuvent être toujours plus libres et plus expressives et mieux intégrées ; pour leur propre bien-être ; et pour leur rôle dans l’harmonie générale, dans la danse cosmique.
Quand je masse, c’est pour rendre un être mieux dans sa peau ; c’est donc que je crois au changement possible, à l’amélioration. Je le regarde comme un être en devenir, qui sera tout à l’heure plus souple, plus libre, plus vivant. Mieux intégré dans son corps, donc mieux disposé à s’intégrer dans sa « niche environnementale ».
Quand je rentre dans un exercice de Biodanza, à deux, je sais que l’autre me permettra aussi d’être plus riche et plus vivant ; chaque fois, quelque chose de décisif peut se passer pour chaque partenaire. Par l’harmonie entre émotion et mouvement, entre intérieur et extérieur, entre moi et moi, moi et l’autre, je vais m’unifier, m’intégrer. Chacun, pour l’autre, est facteur de changement.
Et cet épanouissement, cette intégration de plus en plus fine, c’est par le plaisir que l’on va l’atteindre. Max Pagès dit que « le plaisir partagé est le moteur du changement ». Massage et Biodanza partagent cette conviction.
L’épanouissement de chacun ne s’imagine ni dans la contrainte, ni dans la réflexion intellectuelle, ni dans la douleur, ni dans quoi que ce soit qui « ferme » l’individu. C’est tout ce qui « ouvre » qui permet l’épanouissement : le plaisir de l’abandon, de la responsabilité, du mouvement juste ; la chaleur, un contact, un sourire, un regard compréhensif, bienveillant. Même Malebranche, dans son « traité de l’amour de Dieu » voit lui aussi l’importance du plaisir : « Otez à l’esprit … tout désir d’être heureux … le voilà sans doute incapable de tout amour » car « il n’est pas possible de ne pas sentir et de ne pas aimer son plaisir ».
Et Goethe, le grave, ne dit-il pas : « Même si le plaisir est éphémère et non-substantiel, gardez-le en votre pensée, car il contient le sens de la vie ».
Le sens de la vie ! Quel espoir dans la destinée humaine, si le plaisir en est le fil conducteur. A condition bien sûr qu’il s’agisse du plaisir au service de la vie et pas d’un plaisir qui « casse l’outil de travail, comme la drogue » dit Jaques Donnars. Pour lui aussi, « le plaisir est l’outil de discernement ».
Ce à quoi l’être dit oui, au travers des sensations, ne peut mentir. « Notre corps obscur est illuminé par les fissures que sont les organes des sens » dit Merleau Ponty. Ce sont ces « lumières » de plaisir qui nous guident pour réaliser nos aspirations. Lowen, grand maître ès plaisir s’il en est, va jusqu’à dire que « le plaisir du corps est la source de tout bien-être et de tout bien-penser ». Mais est-ce si loin de l’affirmation d’Aristote ?
Massage et Biodanza font du plaisir, et particulièrement du plaisir du toucher, un art… de vivre ; une façon de mieux habiter son corps, de réparer ce qui peut l’être, de cicatriser, de dilater la sensation de bien-être et le plaisir de vivre. Celui que l’on ressent dit Lowen «après une maladie ; le bonheur d’être simplement vivant ; par malheur cette clairvoyance est vite perdue».
C’est le rôle du massage et de la Biodanza : rappeler cette clairvoyance. Ramener à la conscience le goût de la vie, le goût de la joie.
Peut-être parce que le toucher, au-delà de la peau, atteint le système nerveux.
Peut-être parce qu’il berce les liquides de ces êtres d’eau que nous sommes.
Peut-être parce qu’il exige la présence attentive, consciente, complète d’un individu, et que cela chasse la peur, le sentiment de solitude et donne un autre goût à la vie, une autre qualité, une autre lumière.
Ou peut-être parce que l’hypothalamus envoie des messages harmonisateurs au néocortex, à l’hypophyse, au système nerveux autonome.
Une autre façon de dire les choses…
Mais pour terminer sur une note poétique, je signalerai que pour Khalil Gibran aussi, le plaisir est au service de la vie : « C’est le plaisir de l’abeille de butiner le miel de la fleur. Mais c’est aussi le plaisir de la fleur de céder son miel à l’abeille. Car pour l’abeille, une fleur est une source de vie, et pour la fleur une abeille est une messagère d’amour. Et pour les deux, abeille et fleur, donner et recevoir le plaisir sont un besoin et une extase. … Soyez dans vos plaisirs comme les fleurs et les abeilles. »
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