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  • Photo du rédacteurBiodanza-Paula

Biodanza avec des personnes handicapées mentales par Agnès von Burgh

Lorsqu’il est donné à quelqu’un de rencontrer une personne handicapée mentale, sa « différence » choque et la plupart des gens réagissent par la peur et le rejet ou l’envie de comprendre, de connaître cet autre. J’ai eu cette envie de savoir, et j’ai cherché des livres qui expliqueraient qui ils sont, leurs caractéristiques, leur fonctionnement.


J’ai surtout trouvé des définitions à partir de leur déficit : un « fonctionnement intellectuel inférieur à la moyenne » et sinon peu de choses sur leur personnalité, leurs caractéristiques, comment les aborder et les comprendre. En fait, les recherches scientifiques restent limitées dans le domaine et l’histoire du handicap mental à travers les siècles révèle combien le destin de ces êtres dépend du regard que la société porte sur eux. Ils restent encore, malgré quelques pionniers courageux, des êtres mis « à part » dans une société qui ne reconnaît que les valeurs de rentabilité, d’autonomie, de « gagneurs ».


La Biodanza, elle, m’a offert une vision plus inspirante. A toutes les questions posées par la différence, l’inconnu de l’Autre et sa nouveauté, la Biodanza apporte une réponse différente de celle de la culture ambiante. A propos des enfants mongoliens, Rolando Toro Araneda ne déclare-t-il pas : « Et d’abord, tous les enfants sont déficients. Aucun ne peut sérieusement être catalogué selon des normes générales rigides. L’identité implique l’exceptionnel. »


Dans une vision biocentrique, faire de la Biodanza avec des personnes handicapées mentales c’est :


- Aller à la rencontre de personnes, chacune unique et singulière, chacune expression unique et admirable de la Vie, faciliter chez chacune l’expression et le développement de ses potentialités.

- Aller à la découverte d’un monde méconnu, toujours présenté dans ses pathologies, et être ouvert à y découvrir des trésors cachés.

- Reconnaître, au-delà des limites, intellectuelles ou physiques, un être qui s’exprime.


Dans une intervention de style traditionnel, les personnes handicapées mentales sont l’objet de soin, de sollicitude (dans les meilleurs cas). La Biodanza, elle, les invite comme sujets, comme êtres à part entière, à partager une vivencia.


Dès les premières rencontres, certains traits particuliers, certaines qualités se révèlent :


Les personnes handicapées mentales sont très fort en connexion avec leurs affects, leurs émotions. La répression corticale est moins bien organisée. Le contrôle social prend cependant souvent la relève, également sur la zone instinctive. Elle crée une autocensure et un sentiment de non–acceptation. Il faudra créer une « ouverture », donner une autorisation à être soi, et aussi développer la capacité à tenir compte du feedback.


Etant moins en distance avec le réel, les personnes handicapées mentales ont gardé une fraîcheur, une spontanéité que beaucoup pourraient leur envier. Un tremplin pour oser bouger, essayer, être.


Les handicaps de ces personnes touchent souvent aussi la motricité, la capacité de coordonner les mouvements. Il faudra respecter les niveaux moteurs des participants, adapter les exercices à leurs possibilités. Donner des consignes simples, claires et imagées.

Ces quelques remarques permettent de tirer des objectifs généraux pour ces cours de Biodanza.


Objectifs


- Stimuler, développer la capacité de bien-être, la joie de vivre.

- Faciliter une élévation du tonus vital, une évolution du mouvement vers plus de fluidité, d’ampleur et d’équilibre.

- Permettre le développement des potentialités propres à chacun, à travers des vivencias adaptées et proposées selon les particularités, les besoins de chacun.

- Améliorer l’état d’âme.

- Améliorer l’estime de soi.

- Améliorer le niveau de communication.


Les lignes de vivencia privilégiées sont la vitalité, la créativité et l’affectivité.


La ligne de la sexualité est bien sûr présente dans l’accent mis sur le plaisir, plaisir de bouger, marcher, danser. Et par le biais de l’affectivité, dans la restauration de la fonction de contact, dans la joie de la rencontre de l’autre sexe, dans le plaisir de plaire.


La ligne de la transcendance est présente dans les vivencias groupales, et dans certains exercices affectifs (donner – recevoir, par exemple).


Chaque année, les objectifs et les moyens sont réajustés au groupe présent.


Déroulement d’un cours

Les cours se déroulent à partir d’une structure maintenue tout au long de l’année. C’est important pour eux de retrouver des exercices et des musiques connus. Des variations ou des nouveaux exercices sont introduits pour enrichir cette structure, développer certaines lignes selon l’évolution des personnes et du groupe. Pour que les vivencias demeurent intégrantes, les exercices et les musiques sont choisis soigneusement. Dans le groupe actuel, par exemple, les musiques très vitales et fortes induiraient des peurs chez l’un, une musique trop « planante » provoquerait de l’agitation ou des pleurs chez l’autre.


Résultats

Lors d’un cours hebdomadaire avec des adultes « tout venant », et lors d’une fréquentation régulière, des changements au niveau du mouvement, des comportements et de la manière d’envisager sa vie apparaissent, changements qui peu à peu s’intègrent dans la vie de la personne.


Pour des personnes avec des handicaps souvent lourds et profonds, un long temps est nécessaire. Nous avons cependant pu constater une évolution dans le mouvement chez la plupart d’entre nos participants, vers plus de synergie et de fluidité. Des changements au niveau neurologique ont pu intervenir. Peu à peu, nous les voyons apprivoiser leurs peurs, prendre des initiatives. Leur état d’âme s’est amélioré au point qu’une éducatrice nous a fait la remarque suivante : « ils sont plus heureux ».


Peut-être aussi devons-nous, face à cette population, et c’est eux qui nous l’enseignent, renoncer à des « résultats » spectaculaires, et oser la gratuité du geste : accueillir et vivre simplement avec eux le bonheur de la vivencia partagée. Parfois aussi, lorsque l’un d’eux va moins bien ou est en crise : savoir simplement être là, accueillir ce qui se passe, compatir avec amour.


Avec eux, j’apprends à « vivencier » la vie, avec ses heurts et ses malheurs. Et chaque vivencia partagée avec eux est un bain de fraîcheur pour moi.


Conclusion

Ces quelques lignes ne font qu’ouvrir un coin du voile sur une expérience riche et profonde pour les participants à ces cours et pour moi.


Voici ce que m’a inspiré ma première année de cours avec un groupe de six personnes handicapées mentales. Une expression de ce qu’il m’est donné de vivre, semaine après semaine.


Aline et sa quête d’elle-même,

la fraîcheur de ses étonnements,

tout ce qu’elle n’ose pas encore imaginer d’elle-même.

Albert, sa sensibilité sous son aspect rugueux,

son humour et sa créativité,

son don théâtral.

Aude, son regard brun si loyal et pénétrant,

son écoute de l’autre et sa douceur

ses enthousiasmes éclatants.

Gaston et sa volonté de bien faire malgré le regard des autres,

sa joie à se rouler,

son envie d’être embrassé.

Gilbert le malicieux, ses regards en coin,

ses peurs et ses sourires, oh ses sourires

ils sont parmi les plus beaux.

Sandro si loin et si proche, qui aiguise mon sixième sens,

témoin d’un autre monde où cœur et mélodie sont les premiers.

Dans la magie de nos rencontres, je me suis rafraîchie

parfois fatiguée, jamais lassée,

j’ai découvert votre beauté, votre innocence.

Avec vous s’est animé mon enfant divin

qui a reconnu le vôtre.

J’ai pu vivre au rythme de nos cœurs.

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