Il serait nécessaire d'atteindre un nouvel ordre de pensée et de sensibilité pour mettre en rapport les expériences intérieures qui ont le plus préoccupé les philosophes, les génies de la littérature et les chercheurs en Sciences Humaines.
Il est temps de penser de nouveau à l'Amour, à la Liberté et à la Transcendance, non comme des concepts abstraits mais comme des allusions immédiates, des expériences corporelles, des noms que nous pouvons donner à nos formes de participation existentielle. Nous devons abandonner les traditions intellectuelles pour arracher cette méditation de notre vie personnelle, de notre désespoir - comme dirait Kierkegaard - de notre nécessité biologique d'amour et de transcendance.
L'Humanité a cherché, à travers l'histoire, des degrés de liberté interne chaque fois plus grands. Ceci signifie que, par des idéologies, par des religions et par l'implacable questionnement philosophique, elle a essayé de se libérer des différentes formes de conditionnement.
La pensée sur l'oppression et la liberté a préoccupé de façon extraordinaire les penseurs contemporains.
Marx dénonce le processus d'aliénation du système capitaliste. Theodor Adorno perce les mécanismes pathologiques de l'oppression fasciste en étudiant la personnalité autoritaire. Erich Fromm et Marcuse analysent la structure oppressive de la civilisation occidentale. Paulo Freire dénonce les formes masquées d'oppression dans les systèmes éducatifs. Wilhem Reich perce, dramatiquement, les formes d'oppression sexuelle et leurs conséquences psychosomatiques. Rogers examine les multiples formes d'amour et leurs composantes inquiétantes de liberté et d'oppression. Ronald Laing, David Cooper, Franco Basaglia, Leon Bonaventure, Claude Steiner dénoncent la Psychiatrie et la Psychologie traditionnelles comme étant des structures d'oppression.
Dans la Philosophie, Carl Jaspers examine le problème de la liberté à la lumière des nécessités de transcendance et Heidegger, comme une condition ontologique. Sartre et Camus le voient comme l'expression suprême du processus existentiel, en ce sens que l'homme, "jeté" au monde, se voit contraint de choisir; il est obligé d'être libre. Ce bref panorama des différentes optiques sur la liberté révèle la préoccupation de l'homme du XXème siècle d'examiner les formes de conditionnement internes et externes auxquelles il est soumis.
Il y a des propositions encore plus dramatiques et inquiétantes qui proviennent de l'Éthologie et de la Biologie, faites par Konrad Lorenz, Eibl-Eibesfeldt, Jacob et Monod. Leur contenu se réfère à la forte détermination des messages génétiques et aux facteurs de hasard et d'apprentissage précoce, lesquels limiteraient, théoriquement, les cadres de liberté humaine que certains philosophes avaient élargi à l'infini. Finalement, Julian Huxley propose que le processus évolutif de l'homme, à la différence de celui des animaux, soit réticulaire, labyrinthique et alternatif, ce qui signifie que la vie humaine est marquée par un facteur incontrôlable de liberté.
L'étude de diverses cultures paraît démontrer que, en réalité, il n'y a pas une augmentation des niveaux de liberté, mais plutôt le remplacement d'un système de conditionnement par un autre.
Si l'humanité était dans un processus de libération progressive des conditionnements, l'état final auquel elle arriverait serait la mort, qui est la zone "de l'âme inconditionnée" ou bien, dans le meilleur des cas, à une forme universelle de dissociation et de détachement, pareille à ce qu'aujourd'hui on appelle "schizophrénie".
Il me semble que l'aspiration à la libération de toute forme de conditionnement est essentiellement "anti-biologique" et amène à la perte de structure et à la désorganisation. L'être humain cherche, intuitivement, sur sa trajectoire existentielle, des formes de vie structurées et non des actions isolées. Même du point de vue génétique, il a été démontré que nous n'avons pas hérité de mouvements isolés ou de fonctions motrices séparées, mais d'actes complets, de séquences de conduites. Indubitablement, il y a une force profonde qui pousse la vie vers des structures cohérentes. C'est là que le besoin d'amour acquiert une importance qui n'avait pas encore été révélée jusqu'à ce moment: l'amour est la plus grande force structurante de l'existence. La nécessité d'amour chez l'être humain est telle que, si celle-cimanque, l'individu tend vers la désintégration et vers la mort. Le manque d'amour est une situation biologiquement insupportable. Si les personnes n'arrivent pas à en avoir, elles trouvent rapidement des solutions pathologiques: toxicomanies, destructivité, folie et maladies organiques. De telles options sont toujours des programmations de mort.
L'amour est donc la recherche d'une structure et d'une unité comme formes essentielles de l'être dans le monde et, malgré tout ce qu'on peut penser de la liberté, est l'acceptation jubilatoire d'un conditionnement maximal vis à vis de l'être aimé.
En même temps, la vivencia amoureuse correspond au renforcement et à l'expression au plus haut degré de l'identité des amants. Dans le processus amoureux, l'homme atteint son identité maximale, cela veut dire que la transcendance impliquée dans l'amour diminue l'individualisme et augmente l'identité.
Ce processus décrit, nous pouvons provisoirement postuler ceci: on commence par perdre les conditionnements habituels pour avoir la liberté d'aimer. Dans ce cas, la liberté a une médiation transcendante vers l'amour. En rencontrant l'amour, à partir de cette liberté, on commence un processus de jouissance, épiphanique et créatif, qui rétablit une nouvelle forme de conditionnement en rapport avec la personne aimée.
Lorsque la recherche de liberté s'unit à l'individualisme et à l'affirmation de soi de façon narcissique, on commence un processus de déstructuration et de congélation affective. La libération, dans ce cas, est l'expression d'un immanentisme pur, et cet immanentisme conduit à la mort.
La liberté d'aimer, la transcendance, la splendeur de l'identité et l'augmentation de la vivencia essentielle d'être vivant font partie d'un seul processus unitaire qui structure l'existence.
Le détachement affectif, le déconditionnement individualiste, la désorganisation et la mort font partie de la sphère opposée.
L'amour, vu dans ce contexte, constitue une énergie qui conserve et permet l'évolution de la vie en tant que vie. (Vie qui génère vie.) C'est un processus "anti-entropie".
La libération de tout conditionnement, basé sur une proposition individualiste, induit les processus de mort à tous les niveaux et entraîne l'entropie de l'univers et sa désorganisation.
La Biodanza travaille avec la force intégrante de vie la plus puissante, mettant en relief la fonction affective, l'amour, la réalisation de cet amour au niveau planétaire. La Biodanza promeut la recherche des conditions de liberté pour aimer, c'est-à-dire cherche à transformer les formes de conditionnements létaux en conditionnements qui augmentent l'intégration.
Nous vivons dans la pulsation entre le désir de l'amour et le désir d'être libre. Dans l'amour, nous arrivons à des formes de conditionnements créatifs et toujours renouvelés; nous ne proposons cependant pas l'amour libre sur la base de l'affirmation de soi narcissique, mais la liberté d'aimer sur une base transcendante.
La recherche de libération de tout conditionnement est une chimère métaphysique. La mort est l'état absolu de l'âme inconditionnée, où on est libre des plus infimes conditionnements. Dans l'amour, on structure une forme de conditionnement à deux qui exulte l'identité et enflamme le sens de la vie. De cette expérience transcendante, l'irradiation de l'amour "intra-espèce" est possible, c'est-à-dire, une structure de solidarité "cosmobiologique".
On a vu que l'amour est impossible à partir de l'individualisme. L'amour se réalise seulement à partir de l'identité.
Maintenant, nous allons examiner plus profondément la relation entre la liberté et l'amour. Si la liberté s'exprime en tant qu'indépendance transcendante, elle est la qualité la plus profonde de l'intégrité. Par cette affirmation, on comprend que c'est seulement en étant indépendant que l'on peut aimer avec intégrité. L'indépendance des amants exclut la possessivité. C'est seulement à partir de l'indépendance, que la sollicitude et la consécration de l'un à l'autre sont possibles. La situation de dépendance, par contre, a créé des conditions d'oppression et de possessivité. Il y a possessivité quand il y a distance entre les deux personnes, comme face à un objet. Dans l'amour, cependant, la distance n'existe pas. Dans l'amour, il y a la fusion, la circulation de vie, l'unité profonde. C'est là où s'accomplit le "je suis toi et tu es moi". L'appartenance a un sens uniquement dans le fait que l'un fait partie de l'autre. Il y a un continuum formé par les divers degrés de distances, qui va de l'état de séparation jusqu'à la fusion. Diverses émotions, telles le ressentiment, l'agression, la peur, l'incertitude et la possessivité créent la distance. Dans ces cas, l'autre est imprévisible; l'autre est un mystère; l'autre est un inconnu. Ainsi surgit la possessivité. Quand l'autre est transparent tel un enfant, il y a la condition pour l'amour. La liberté en amour est la liberté pour la fusion.
Le concept de fusion amoureuse se réfère au point maximal de jouissance et de plénitude que l'être humain peut atteindre. Cette plénitude est un mélange subtil de sentiments de paix profonds et d'euphorie. Le sentiment de paix se produit en descendant, par l'amour, jusqu'aux profondeurs du réel:
Le sentiment d'euphorie est produit par la sensation de surabondance de vie et par la découverte créatrice d'une inconcevable identité.
La fusion amoureuse est essentiellement sexuelle. Elle implique l'absence de la répression, qui est une conséquence de la liberté personnelle pour la fusion. L'absence de répression est la condition pour la manifestation du désir et le désir se produit par des actes progressifs de connexion, de telle façon que cette fusion implique la liberté, la libération de l'inhibition, la connexion et le désir.
La Biodanza travaille sur ces quatre points de la fusion:
1. Elle stimule le processus de libération transcendante et le courage d'être intègre.
2. Elle supprime la culpabilité et les mécanismes d'"auto-répression."
3. Elle favorise les moyens expressifs de connexion et de rencontre.
4. Elle stimule la déflagration du désir.
En travaillant l'impulsion de fusion, la Biodanza stimule la possibilité du plaisir maximal. La jouissance amoureuse est à la base de la vivencia d'être vivant.
La vivencia d'être vivant nourrit l'identité.
La fusion amoureuse, l'euphorie de vivre, la splendeur de l'identité à transcender une autre identité, constituent le noyau de notre préoccupation en Biodanza. La fusion amoureuse se réfère au processus d'intégration essentielle entre deux personnes. La simple relation sexuelle sans fusion amoureuse est un phénomène vécu par des individus et non par des identités. C'est simplement une délicieuse masturbation.
On peut caractériser trois formes de relations érotiques, dont les conséquences sont radicalement différentes:
1. la relation sexuelle où une seule personne se satisfait: elle est dissociative, amère et sans substance; nocive pour les deux;
2. la relation érotique où les deux individus se satisfont mais sans fusion. Elle est joyeuse, ludique et plaisante;
3. la relation sexuelle, où les deux personnes fusionnent leur identité, procure à chacun la vivencia de félicité et le renouvellement des processus biologiques et de la structure existentielle.
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