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Biodanza: à la recherche des conditions de liberté pour aimer par Rolando Toro Araneda

Il serait nécessaire d'atteindre un nouvel ordre de pensée et de sensibilité pour mettre en rapport les expériences intérieures qui ont le plus préoccupé les philosophes, les génies de la littérature et les chercheurs en Sciences Humaines.


Il est temps de penser de nouveau à l'Amour, à la Liberté et à la Transcendance, non comme des concepts abstraits mais comme des allu­sions immédiates, des expériences corporelles, des noms que nous pouvons donner à nos formes de participation existentielle. Nous devons abandonner les traditions intellectuelles pour arracher cette méditation de notre vie per­sonnelle, de notre désespoir - comme dirait Kierkegaard - de notre nécessité biologique d'amour et de transcendance.


L'Humanité a cherché, à travers l'histoire, des degrés de liberté interne chaque fois plus grands. Ceci signifie que, par des idéolo­gies, par des reli­gions et par l'implacable questionnement philoso­phique, elle a essayé de se libérer des différentes formes de conditionnement.


La pensée sur l'oppression et la liberté a préoccupé de façon ex­traordinaire les penseurs contemporains.

Marx dénonce le processus d'aliénation du système capitaliste. Theodor Adorno perce les mécanismes pathologiques de l'oppres­sion fasciste en étudiant la personnalité autoritaire. Erich Fromm et Marcuse analysent la structure oppressive de la civilisation oc­cidentale. Paulo Freire dénonce les formes masquées d'oppression dans les systèmes éducatifs. Wilhem Reich perce, dramatiquement, les formes d'oppression sexuelle et leurs consé­quences psychoso­matiques. Rogers examine les multiples formes d'amour et leurs composantes inquiétantes de liberté et d'oppression. Ronald Laing, David Cooper, Franco Basaglia, Leon Bonaventure, Claude Steiner dénon­cent la Psychiatrie et la Psychologie traditionnelles comme étant des struc­tures d'oppression.


Dans la Philosophie, Carl Jaspers examine le problème de la liberté à la lu­mière des nécessités de transcendance et Heidegger, comme une condition ontologique. Sartre et Camus le voient comme l'ex­pression suprême du pro­cessus existentiel, en ce sens que l'homme, "jeté" au monde, se voit contraint de choisir; il est obligé d'être libre. Ce bref panorama des différentes optiques sur la liberté ré­vèle la préoccupation de l'homme du XXème siècle d'exami­ner les formes de conditionnement internes et externes auxquelles il est soumis.


Il y a des propositions encore plus dramatiques et inquiétantes qui provien­nent de l'Éthologie et de la Biologie, faites par Konrad Lorenz, Eibl-Eibesfeldt, Jacob et Monod. Leur contenu se réfère à la forte détermination des mes­sages génétiques et aux facteurs de hasard et d'apprentissage précoce, les­quels limiteraient, théori­quement, les cadres de liberté humaine que certains philosophes avaient élargi à l'infini. Finalement, Julian Huxley propose que le processus évolutif de l'homme, à la différence de celui des ani­maux, soit réti­culaire, labyrinthique et alternatif, ce qui signifie que la vie humaine est mar­quée par un facteur incontrôlable de li­berté.


L'étude de diverses cultures paraît démontrer que, en réalité, il n'y a pas une augmentation des niveaux de liberté, mais plutôt le rem­placement d'un sys­tème de conditionnement par un autre.


Si l'humanité était dans un processus de libération progressive des condi­tionnements, l'état final auquel elle arriverait serait la mort, qui est la zone "de l'âme inconditionnée" ou bien, dans le meilleur des cas, à une forme univer­selle de dissociation et de détachement, pareille à ce qu'aujourd'hui on ap­pelle "schizophrénie".


Il me semble que l'aspiration à la libération de toute forme de conditionne­ment est essentiellement "anti-biologique" et amène à la perte de structure et à la désorganisation. L'être humain cherche, intuitivement, sur sa trajectoire existentielle, des formes de vie structurées et non des actions isolées. Même du point de vue génétique, il a été démontré que nous n'avons pas hérité de mouvements isolés ou de fonctions motrices séparées, mais d'actes complets, de séquences de conduites. Indubitablement, il y a une force profonde qui pousse la vie vers des structures cohérentes. C'est là que le besoin d'amour acquiert une importance qui n'avait pas encore été révélée jusqu'à ce mo­ment: l'amour est la plus grande force structurante de l'existence. La néces­sité d'amour chez l'être humain est telle que, si celle-cimanque, l'individu tend vers la désintégration et vers la mort. Le manque d'amour est une si­tua­tion biologiquement insupportable. Si les personnes n'arrivent pas à en avoir, elles trouvent rapidement des solutions patholo­giques: toxicomanies, destructivité, folie et maladies organiques. De telles options sont toujours des programmations de mort.


L'amour est donc la recherche d'une structure et d'une unité comme formes essentielles de l'être dans le monde et, malgré tout ce qu'on peut penser de la liberté, est l'acceptation jubilatoire d'un condi­tionnement maximal vis à vis de l'être aimé.


En même temps, la vivencia amoureuse correspond au renforcement et à l'expression au plus haut degré de l'identité des amants. Dans le processus amoureux, l'homme atteint son identité maximale, cela veut dire que la trans­cendance impliquée dans l'amour diminue l'individualisme et augmente l'identité.


Ce processus décrit, nous pouvons provisoirement postuler ceci: on com­mence par perdre les conditionnements habituels pour avoir la liberté d'ai­mer. Dans ce cas, la liberté a une médiation transcen­dante vers l'amour. En rencontrant l'amour, à partir de cette liberté, on commence un processus de jouissance, épiphanique et créatif, qui rétablit une nouvelle forme de condi­tionnement en rap­port avec la personne aimée.


Lorsque la recherche de liberté s'unit à l'individualisme et à l'af­firmation de soi de façon narcissique, on commence un processus de déstructuration et de congélation affective. La libération, dans ce cas, est l'expression d'un imma­nentisme pur, et cet immanen­tisme conduit à la mort.


La liberté d'aimer, la transcendance, la splendeur de l'identité et l'augmenta­tion de la vivencia essentielle d'être vivant font partie d'un seul processus unitaire qui structure l'existence.

Le détachement affectif, le déconditionnement individualiste, la désorganisa­tion et la mort font partie de la sphère opposée.


L'amour, vu dans ce contexte, constitue une énergie qui conserve et permet l'évolution de la vie en tant que vie. (Vie qui génère vie.) C'est un processus "anti-entropie".


La libération de tout conditionnement, basé sur une proposition in­dividualiste, induit les processus de mort à tous les niveaux et entraîne l'entropie de l'uni­vers et sa désorganisation.


La Biodanza travaille avec la force intégrante de vie la plus puis­sante, met­tant en relief la fonction affective, l'amour, la réalisa­tion de cet amour au ni­veau planétaire. La Biodanza promeut la re­cherche des conditions de liberté pour aimer, c'est-à-dire cherche à transformer les formes de conditionne­ments létaux en condition­nements qui augmentent l'intégration.


Nous vivons dans la pulsation entre le désir de l'amour et le désir d'être libre. Dans l'amour, nous arrivons à des formes de condition­nements créatifs et toujours renouvelés; nous ne proposons cepen­dant pas l'amour libre sur la base de l'affirmation de soi narcis­sique, mais la liberté d'aimer sur une base transcendante.


La recherche de libération de tout conditionnement est une chimère méta­physique. La mort est l'état absolu de l'âme inconditionnée, où on est libre des plus infimes conditionnements. Dans l'amour, on structure une forme de conditionnement à deux qui exulte l'identité et enflamme le sens de la vie. De cette expérience transcendante, l'irradiation de l'amour "intra-espèce" est possible, c'est-à-dire, une structure de solidarité "cosmobiologique".


On a vu que l'amour est impossible à partir de l'individualisme. L'amour se réalise seulement à partir de l'identité.


Maintenant, nous allons examiner plus profondément la relation entre la li­berté et l'amour. Si la liberté s'exprime en tant qu'indépendance transcen­dante, elle est la qualité la plus profonde de l'intégrité. Par cette affirmation, on comprend que c'est seulement en étant indépendant que l'on peut aimer avec intégrité. L'indépendance des amants exclut la possessivité. C'est seu­lement à partir de l'indé­pendance, que la sollicitude et la consécration de l'un à l'autre sont possibles. La situation de dépendance, par contre, a créé des conditions d'oppression et de possessivité. Il y a possessivité quand il y a distance entre les deux personnes, comme face à un objet. Dans l'amour, ce­pendant, la distance n'existe pas. Dans l'amour, il y a la fusion, la circulation de vie, l'unité profonde. C'est là où s'accomplit le "je suis toi et tu es moi". L'appartenance a un sens uniquement dans le fait que l'un fait partie de l'autre. Il y a un continuum formé par les divers degrés de distances, qui va de l'état de séparation jusqu'à la fusion. Diverses émotions, telles le res­senti­ment, l'agression, la peur, l'incertitude et la possessivité créent la distance. Dans ces cas, l'autre est imprévisible; l'autre est un mystère; l'autre est un in­connu. Ainsi surgit la possessivité. Quand l'autre est transparent tel un enfant, il y a la condition pour l'amour. La liberté en amour est la liberté pour la fu­sion.

Le concept de fusion amoureuse se réfère au point maximal de jouissance et de plénitude que l'être humain peut atteindre. Cette plénitude est un mélange subtil de sentiments de paix profonds et d'euphorie. Le sentiment de paix se produit en descendant, par l'amour, jusqu'aux profondeurs du réel:


Le sentiment d'euphorie est produit par la sensation de surabon­dance de vie et par la découverte créatrice d'une inconcevable identité.


La fusion amoureuse est essentiellement sexuelle. Elle implique l'absence de la répression, qui est une conséquence de la liberté personnelle pour la fu­sion. L'absence de répression est la condition pour la manifestation du désir et le désir se produit par des actes progressifs de connexion, de telle façon que cette fusion implique la liberté, la libération de l'inhibition, la connexion et le désir.


La Biodanza travaille sur ces quatre points de la fusion:


1. Elle stimule le processus de libération transcendante et le cou­rage d'être intègre.


2. Elle supprime la culpabilité et les mécanismes d'"auto-répres­sion."


3. Elle favorise les moyens expressifs de connexion et de rencontre.


4. Elle stimule la déflagration du désir.


En travaillant l'impulsion de fusion, la Biodanza stimule la possi­bilité du plaisir maximal. La jouissance amoureuse est à la base de la vivencia d'être vivant.


La vivencia d'être vivant nourrit l'identité.


La fusion amoureuse, l'euphorie de vivre, la splendeur de l'identité à trans­cender une autre identité, constituent le noyau de notre pré­occupation en Biodanza. La fusion amoureuse se réfère au processus d'intégration essen­tielle entre deux personnes. La simple relation sexuelle sans fusion amou­reuse est un phénomène vécu par des in­dividus et non par des identités. C'est simplement une délicieuse masturbation.


On peut caractériser trois formes de relations érotiques, dont les consé­quences sont radicalement différentes:


1. la relation sexuelle où une seule personne se satisfait: elle est dissociative, amère et sans substance; nocive pour les deux;


2. la relation érotique où les deux individus se satisfont mais sans fusion. Elle est joyeuse, ludique et plaisante;


3. la relation sexuelle, où les deux personnes fusionnent leur identité, procure à chacun la vivencia de félicité et le renouvelle­ment des processus biolo­giques et de la structure existentielle.

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